Santiago de Cuba

                Jeudi 24 Janvier (Point N° 1 carte itinéraire)

          Le bus climatisé de la Compagnie Transtur qui va partager mon quotidien est confortable, un 44 places, avec un filet pour y insérer les guides de voyage, les pressions y sont arrachées,  les guides n’y tiennent pas vraiment, mais ce n’est pas bien grave ! ainsi qu’un repose-pied, le luxe !.. Maxwell s’excuse du manque de confort de ce bus, c’est un bus chinois nous dit-il, moi qui arrive de Chine, je peux vous assurer que j’ai connu bien pire.

          La 1ère  consigne de Maxwell est de ne pas courir si l’on est en retard lors d’une visite, car nous dit-il, vaut mieux éviter un accident, les frais de santé étant gratuit pour les cubains,  mais onéreux pour nous touristes. Il attendra dit-il, et pourtant dès la fin de la première matinée,  j’en ai fait les frais, et bien non ! quoiqu’il ait dit il y a à peine deux heures, il ne m’a pas attendu…. je le soupçonne même d’être parti avec le groupe avec une ou deux minutes en avance.

         Autre consigne : il nous indique le montant du pourboire qu’on devrait normalement leur allouer, au chauffeur et à lui, c’est un peu orthodoxe comme pratique, vous ne trouvez pas !

          Cuba nous dit-il c’est un zeste de découverte, 3 cuillérées d’authenticité et une pincée d’aventure.

         Boire est pour le moment notre premier souci, car nous ne devons utiliser que de l’eau minérale, à l’instant présent, nous n’en avons pas et il fait déjà plus de 25 °. Maxwell nous demande 15 CUC chacun pour l’intégralité du voyage (12 jours, les deux tout inclus à Cayo Guillermo exclus, soit 1,25 CUC la bouteille alors qu'il est possible de la trouver facilement en magasin à 0,50 Cuc) Pour 26 personnes, le bénéfice sur la durée du voyage, est tout de même très conséquent ! Nous aurons ainsi droit à une bouteille de 50 cls chaque personne et ce par jour. A cet instant, la mesure nous paraît bien faible, tant nous sommes assoiffés. Mais ni Maxwell, ni Félix n’ayant voulu avancer l’argent, nous devrons attendre que ce dernier trouve à remplir sa glacière, ce qui ne se fera qu’en milieu d’après-midi, nous obligeant les uns et les autres à déjà acheter une bouteille par ci, par là, au gré des visites.

         Mais lorsqu’il est question de l’histoire de Cuba, Maxwell est intarissable, on voit qu’il a a cœur de parler de son pays, il aimerait nous faire partager cet amour de sa patrie. « Mes amours, je vais vous faire voir quelques petites choses qui ne sont pas prévues dans votre programme » c’est ainsi que passant devant, nous faisons une pause de 5 minutes le temps de photographier cette :

                  ® Plaza de la Revolución.

          Cette vaste esplanade achevée en 1991 peut accueillir 200 000 personnes. Au centre, une colossale statue d’Antonio Maceo (16m de haut) fièrement campé sur son cheval, invite de la main à rejoindre le combat. Ce monument, complété par 23 barres de fer dressées représentant des machettes, évoque le 23 Mars 1878, jour de la Protesta de Baragua, ce jour où Maceo rejetant la capitulation des insurgés et le pacte de Zanjon s’exilera.

          C’est de cette place que plus tard Fidel Castro, alors chef d’Etat, s’adressera à la foule, faisant des discours politiques de plusieurs heures qui attiraient des millions de personnes. Trois papes sont venus sur cette esplanade y donner une messe : Jean-Paul II (1998) Benoît XVI (2012) et François (2017).

          A coté un très grand poster représente Fidel Castro, son frère Raoul et un commandant de la Révolution, Juan Almeida, qui combattit a leurs cotés. Ce militaire fût également un très grand  compositeur cubain avec pas moins de 300 chansons et 50 poèmes à son actif.

          Continuant notre école buissonnière, Félix nous stoppe maintenant devant la :

           ® Caserne Moncada. Ce célèbre camp militaire où résidaient 800 soldats fut le site le 26 Juillet 1953, d’une attaque armée par un groupe de 130 hommes et 2 femmes révolutionnaires menés par Fidel Castro, contre le régime du dictateur sanguinaire, Fulgencio Batista. Batista qui bradait les industries aux profits des américains mais au détriment de son peuple, en proie à la misère, au chômage et à l’esclavage, tels ces immigrés vénézuéliens qu’il  employait dans les fermes et payait des salaires de misère.

           Ces révolutionnaires, revêtus du même uniforme que les soldats pour passer inaperçus désiraient   s’emparer des armes pour armer le peuple. Ce fut un cuisant échec, la majeure partie des prisonniers furent exécutés sommairement par les troupes bastitiennes, les rebelles condamnés.
           Castro qui réussit à s’échapper dans la montagne fut pris vivant quelques semaines plus tard, mais jamais dénoncé, ce qui lui valut probablement la vie sauve. Quelques mois plus tard, il comparaissait à la barre pour « complot contre la nation ». Avocat de profession, il fit lors de sa défense, un discours de trois heures intitulé « la Historia me absolvera » (l’Histoire m’absoudra) le tribunal le condamna à une quinzaine d’années de prison.

          Au-dessus et à coté de la porte d’entrée, on y voit encore les nombreux éclats de balles. Auparavant prison, c’est devenu depuis 1960 une école avec 3000 élèves (primaires et secondaires)

          Comment ne pas avoir de la compassion pour cette population qui a été tant meurtrie par des années de guérillas et de révolutions. Population soutenue par le Vénézuela (ça en dit long..) et qui est encore aujourd’hui sous le joug de cet embargo américain qui la met à genoux.

           Miguel Diaz-Canel (59 ans) auparavant ministre de l'Enseignement Supérieur, a succédé tout naturellement à Raoul Castro comme président du Conseil d’Etat, mais  c’est toutefois le Parti Communiste Cubain qui dirige la politique à suivre, Les cubains ont toutefois un sentiment patriote très fort, soutenant le même régime depuis 1959, je verrais d’ailleurs à de nombreuses reprises un grand poster avec cette devise « Socialism o muerto »  Le tourisme représente une source de devises considérable, mais celui-ci entraîne des déséquilibres lorsque vous voyez qu’un médecin gagne plus en pédalant sur un bicitaxi pour touristes, qu’en exerçant sa profession !...

          Nous nous rendons désormais au :

         ® Cimetière Sainte Iphigénie, où ont été enterrés  un grand nombre de patriotes tombés lors des guerres d’indépendance ou pendant la Révolution,  dont 35 assaillants de la caserne Moncada. Il nous est demandé 5 CUC (environ 4,90€) pour avoir le droit de prendre des photos. Ca sera pratiquement le même tarif partout, vu le nombre d’endroits à visiter, les CUC vont fondre…. Mais nous-dit Maxwell, vous pouvez photographiez si vous le faites discrètement.



          Une relève des soldats qui gardent sans bouger d’un cil, le mausolée de José Marti a lieu toutes les demi-heures de 8h à 18h, aussi l’attendons nous sur le bord de l’allée. C’est l’unique cérémonie militaire dans tout le pays. Elle se déroule à l’entrée du cimetière, d’après une idée de Fidel Castro qui souhaitait ainsi rendre hommage à José Marti.

          Parmi ces jeunes gaillards levant haut la jambe, j'aperçois quelques filles, l'armée et sa discipline doivent leur plaire, car elles sont très nombreuses à intégrer l'école de formation militaire.


           Ce cimetière de 6 ha, inauguré en 1868, déclaré monument national en 1937, où le marbre blanc scintille sous le soleil, est magnifique, verdoyant grâce à  la présence de palmiers, l’arbre national cubain, plusieurs allées de marbre de Carrare le traverse.
           Les tombes sont le plus souvent surmontées de superbes sculptures, vierge, christ, ange, angelot. Parmi  ces 10 000 tombes, dont pour la plupart sont des habitants de Santiago, Maxwell nous montre quelques unes des hommes les plus célèbres :

            - Mariana Grajales, mère de Macéo (1808/1893) considérée comme la Mère de la Patrie, car elle sacrifia ses 13 enfants lors de la guerre pour l’Indépendance contre l’Espagne, dont le plus jeune qui n’avait que 13 ans. Elle fut une figure marquante des luttes féministes pour l’Indépendance de Cuba et l’abolition de l’esclavage.

           - François Antommarchi (1789/1838) médecin corse de Napoléon Bonaparte, le 1er  à réaliser une opération de la cataracte à Cuba, c’est aussi lui qui fonda le 1er  centre médical afin de soigner les malades atteints de la fièvre jaune, maladie dont il mourra seulement un an plus tard.

             - Carlos Manuel de Cespedes, considéré comme le Père de la Patrie (1819/1874) Noble et riche propriétaire sucrier, il fut le premier à libérer ses esclaves en 1868, pour engager la grande guerre d’Indépendance, contre les Espagnols qui mena à la république de 1869.  Pourquoi Père de la Patrie, parce qu’il sacrifia son fils fait prisonnier par les Espagnols, se considérant comme le père non pas que de son fils, mais de tous ceux morts pour la Révolution.

            - Emilio Bacardi (1844-1922) cet homme d’affaires qui distillait du rhum, a été déporté par deux fois pour conspiration. Homme vénéré des Santiagueros, pour son implication dans la vie de ses compatriotes.
           Il a ainsi fait construire des maisons pour les pauvres, électrifié la ville, offert une bibliothèque, fait bâtir avec sa femme le premier musée de Santiago, sauver la maison natale du poète José Maria Hérédia, poser des plaques commémoratives dans différents endroits de la ville.  Elu 1er  maire de Cuba, il eut le courage de descendre le drapeau américain pour le remplacer par le drapeau cubain.

            - Le mausolée de José Marti, cette grande tour de pierre hexagonale, trouée d’arches,  dont la construction dura 4 ans  fut inaugurée en 1951. Cet apôtre de la Patrie (1853/1895) qui fut emprisonné à l’âge de 16 ans à cause de ses convictions révolutionnaires est le fondateur du Parti révolutionnaire cubain et est considéré comme un héros national, le plus grand martyr de la lutte pour l’Indépendance, pour celle-ci, il fît revenir des exilés vénézuéliens. Il meurt au combat à l’âge de 41 ans. Aujourd’hui des rues portent son nom, chaque hameau lui a érigé une statue.

            La façade du mausolée est dirigée vers l’Est, où le soleil se lève. Sur chaque face, des cariatides, ces sentinelles de la tombe de l’Apôtre, symbolisent les six provinces dans laquelle l’île était divisée à l’époque.

           Depuis le balcon supérieur on a une vue sur la crypte ou se trouve le monument funéraire, un pentagone en bronze recouvert d’un drapeau cubain. Les murs et le sol sont recouverts de marbre gris. A coté une stèle est remplie de roses blanches. Entre deux écus de bronze, on découvre une sculpture de José Marti en position assise et ayant une attitude méditative, sculptée en marbre blanc de Carrare, symbole de la pureté de ses idéaux. Un parchemin et une plume occupent ses mains. Les nombreuses arches permettent le passage de la lumière naturelle à tout moment de la journée sur la tombe de l’Apôtre, volonté expresse de « mourir le visage au soleil »

    

            - Le monument pour les Héros de l’Insurrection est de couleur rouge pâle, celle du sang versé, couleur tranchante parmi ce blanc immaculé.

            - Fidel Castro. (1926/2016) La tombe est sobre, matérialisée par un bloc de granit pur de 2,5m de haut et pesant 42 tonnes, bloc extrait d’une carrière de la Sierra Maestra, pour symboliser la force de la Révolution cubaine. Sur le bloc est simplement apposée une plaque portant l’inscription « Fidel » Il avait expressément demandé à être enterré pas très loin de José Marti, pour lequel il avait une grande admiration, son souhait a été réalisé.

                Quelques mots sur l’histoire de Santiago de Cuba :

        Deuxième ville de Cuba avec 520 000 habitants, elle fut fondée en 1514 par Diego Vélazquez
. Ville d'une grande richesse historique avec ses édifices coloniaux le long des ruelles et des places du Centre Historique, la première cathédrale construite à Cuba, la première mine de cuivre à ciel ouvert du continent américain.

          Cette ville qui fut la capitale jusqu’en 1589 est très cosmopolite, avec une population diversement métissée, mélange d’espagnol, de haïtien, de jamaïcain, de français ou de chinois. Puis des techniciens européens (tchèques, hongrois) s'y installèrent pour travailler, avant l' occupation britannique et américaine. A l’arrivée de Christophe Colomb en 1492, y vivaient plus de 100 000 indiens aborigènes qui furent exterminés par les espagnols, les remplaçant par 2 millions d’esclaves africains.

              Fidel Castro a qualifié Santiago de « berceau de la révolution » De par sa musique omniprésente,  c’est une ville bouillonnante et agitée, à l’image de sa devise « Rebelde ayer, hospitalaria hoy, heroica siempre » (Rebelle hier, hospitalière aujourd’hui, héroïque toujours)  

           Arrêt dans une petite boutique pour nous présenter  le café et les bouteilles de rhum. Celui vendu ici est le bien entendu le meilleur ! .. le Bacardy, une bouteille de 11 ans d’âge vaut 40 CUC, une de 12 ans d’âge 50 CUC. Un groupe de musiciens s’y produit.

           Puis nous passons par le quartier El Tivoli, quartier qui fut construit en 1791 lorsque les colons français chassés de Saint-Domingue, lors du soulèvement de Haïti, débarquèrent dans ce port du Cuba. Ils apportent avec eux leurs habitudes, leurs coutumes, modernisent l’exploitation de la canne à sucre, introduisent dans l’île la culture du café, ainsi que la vogue des cafés-concerts dont le plus fameux s’appelait « Tivoli » donnant son nom à ce quartier.

          L’escalier de Padre Pico que j’emprunte est considéré comme la porte de ce quartier, construit en 1899 avec 52 marches, c’était un joyau constructif de l’époque. L’après-midi les enfants y jouent au base-ball ou aux dominos. Du haut de ces marches, la vue sur l'amoncellement des maisons construites à flanc de collines, est jolie.

          Maxwell nous montre l’école  où Fidel et Raoul Castro ont effectué leur scolarité, quartier alors considéré comme riche, avec des écoles religieuses de qualité.   Dans une de ces maisons se produisent quelques musiciens qui jouent un morceau tout spécialement pour nous.

           Puis nous nous rendons à 10 kms de là, au Castillo del Morro. Une allée bordée de nombreux stands d’artisanat : sculptures de bois uniques parait-il ! peintures du Che, de Castro… mène à ce château. Cette forteresse où vivaient 150 soldats espagnols est classée au patrimoine mondial par l’Unesco depuis 1997.

    ® Le Château de San Pedro de la Roca, connu aussi sous le nom de Castillo del Morro, fut construit par l’ingénieur italien Antonelli, entre 1638 et 1700 dans le but de protéger Santiago de Cuba des attaques des pirates et des flibustiers. Juché  sur une falaise,  il offre depuis ses 70 mètres, un point de vue incomparable sur la côte caraïbe, la Sierra Maestra et la baie de Santiago. L’époque de la piraterie achevée, la forteresse est transformée en prison ou les mambises (guérilleros cubains) seront détenus par les Espagnols pendant les guerres d’Indépendance.




           La place centrale, centre névralgique du fort servait à l’organisation des tâches quotidiennes, elle donne accès à la chapelle, à la caserne, à la garnison et aux pièces souterraines. Le pont-levis passe au-dessus des douves asséchées, bien conservé, il possède toujours les treuils indispensables à sa manœuvre.

           Le 3 Juillet 1898, la forteresse, obsolète, assistera impuissante à la bataille navale entre les flottes américaines et espagnoles, une salle y est consacrée.  Elle est alors occupée par l’armée américaine avant d’être laissée à l’abandon durant 50 ans. Ce n’est qu’en 1962 qu’on décida de la restaurer, elle abrite depuis 1978 le Musée de la Piraterie qui explique la conception des lieux, et expose des documents, des dessins et des armes retraçant l’histoire des corsaires et des pirates.

 


     


           Maxwell nous a donné 30 minutes de temps libre, c’est plus qu’il n’en faut pour descendre et remonter la trentaine de marches qui va depuis la place centrale jusqu’aux prisons, mais lorsque deux minutes avant l’heure je me pointe au lieu de rendez-vous, plus personne !.... je n’en crois pas mes yeux, me serais-je trompée de lieu de rendez-vous ! pourtant j’ai bien fait attention.

         Je redescends, remonte, vais ailleurs, remonte, redescends, puis au bout de 5 à 6 minutes, ne voyant toujours pas Maxwell, je prends la décision de retourner vers le bus, mais à cette étape du voyage, je ne connais ni le chauffeur, ni le numéro de bus. Je ne sais même pas ce qui était prévu après la visite de ce fort. Je fulmine ! ........... car Maxwell a bien dit ce matin « Ne courrez pas, j’attendrais….. » et là dans ces marches il aurait pu m’arriver bien des bricoles, tant je me suis précipitée.

          A la sortie du fort, passant devant un restaurant, j’entends parler français et je reconnais sa voix, il a gentiment…... installé le groupe qui, vu le retard que j’ai allongé, avait déjà commencé à déjeuner. Ca ! je lui en veux  il n’a pas dû compter, c'est purement inadmissible de la part d'un guide, mais il a dû comme il l'a fait tant de fois par la suite, dire "Tout le monde est là ? " !.... . Il ne s’est même pas aperçu que je manquais, et ce n’est que la première sortie !  Etant seule et au tout début du voyage, je ne peux pas compter sur une éventuelle amie pour prévenir, de plus je suis certaine de n’avoir accusé que deux à trois minutes de retard.

         C’était pourtant simple de dire au groupe de rejoindre le restaurant qui était juste à l’entrée du fort, et de l’y attendre, puis de venir me chercher, il m’aurait repérée en une seconde, seule perdue au milieu de la cour, Maxwell mauvais point pour toi !!! Serge installé à table près de moi me fait alors remarquer ce léger retard sur ma montre, montre que j'ai mal réglée lorsque je suis descendue de l’avion, mais on ne m’y reprendra pas !..

          C’est rouge écarlate que je prends place au restaurant "Del Murro" restaurant agréable sous tonnelle, derrière les remparts.

          L’après-midi sera consacrée au Parque Cespedes dominée par la Cathédrale de la Asuncion.