Dimanche 3 Février 2019.
« Regardez sur votre droite, vous voyez là ! ce sont des bassins d’élevage de langoustines » C’est ainsi qu’à peine partis de Trinidad, Maxwell amorce la journée.
Après avoir quitté,
de bonne heure, l’hôtel La Ronda de Trinidad, c’est en milieu de matinée que Félix
nous dépose à proximité de la rue San Fernando, une des rues piétonnes de
Cienfuegos. Quoique son centre historique est lui aussi inscrit au Patrimoine
de l’Unesco (2005), il me paraît bien fade comparé aux charmantes vieilles ruelles
pavées de Trinidad. (point N° 12 carte itinéraire)
Pourtant cette rue bordée de palmiers et d’élégantes maisons coloniales du 19ème siècle, inspirées de l’architecture française est superbe. Cette rue très animée encourage l’installation d’un petit marché d’artisanat, dommage que ces boutiques à tout-touche empêchent de bien les apercevoir, tel par exemple ce superbe édifice blanc que je n’arrive à immortaliser que de loin.
L’ histoire de Cienfuegos en quelques lignes. A sa découverte par Christophe Colomb en 1494 la ville était habitée par les indiens Jaguas. Ce territoire n’intéressa sans doute pas Diego Velázquez, car il n’y construira pas de cité, au contraire de Santiago de Cuba, Baracoa, Trinidad… Ce n’est qu’est 325 ans plus tard, en 1819 que le français Louis de Clouet, accompagné d’une quarantaine de familles originaires de Bordeaux et de Louisiane, contraints de quitter cette province au lendemain de sa cession au Etats-Unis bâtirent cette ville à coté d’une forteresse que les Espagnols avaient en 1745, établi dans la baie, pour se défendre des incessantes attaques de pirates. Ainsi ce n’est pas étonnant de retrouver noms et quartiers français dans Cienfuegos.
Les Français baptisèrent cette ville Fernandina de Jagua, en hommage au roi espagnol Ferdinand Vll et à l’ethnie Jagua qui occupait alors les lieux, mais dix ans plus tard, elle est renommée Cienfuegos du nom de don José Cienfuegos, gouverneur espagnol alors en poste.
N’y voyez alors aucun rapport avec Camillo Cienfuegos né en 1932, ardent révolutionnaire et ami de Fidel Castro et du Che Guevara !
La ville connaît un développement fulgurant avec l’expansion
de l’industrie sucrière, essor dû aux succès économiques des colons français,
cocorico !!! les notables édifient à un rythme
effréné de superbes bâtiments publics avec frontons, colonnes dômes, édifices
de style qui lui conférons plus tard le titre de « Perle du Sud ». A
proximité, une centrale nucléaire, la toute première de Cuba y voit le jour en
1983, mais depuis la chute du bloc socialiste, les travaux ont été interrompus
en 1992 et le projet définitivement abandonné
en 2000. ,
« Pardon monsieur ! vous prenez toute la route, puis-je passer ? » Heu ! ce monsieur au look « dandy » avec son chapeau et sa baguette, n’est pas un banal individu se promenant sur le Paseo del Prado. J’aurais pu y croire, tant cette statue érigée en 2004 en bronze, sans piédestal, donne l’impression d’un homme se baladant au milieu des passants. Je viens de faire la connaissance de Mr Benny Moré, né en 1919 tout près de Cienfuegos, considéré comme le plus grand chanteur de musique cubaine, un festival annuel porte son nom.
Tout juste avant d’arriver sur la ® Place José
Marti, vous vous souvenez bien sûr qui est José Marti ! donc
avant d’y arriver, Maxwell nous invite à le suivre à l’intérieur d’un centre de
beauté :
coiffure, manucure.
A l’entrée de cette place, deux lions de marbre, hissés sur de hauts piédestaux semblent protéger les lieux. Les allées qui parcourent le square convergent toutes vers :
Une belle statue de marbre blanc érigée en
1906 sur un très haut socle, protégée par des grilles en fer forgé blanches,
c’est celle de José Marti, le héros national. A ses pieds je vois la statue
d’une femme, un plateau sur l’avant-bras,
sur celui-ci est inscrit 20
Mai 1902, date de la proclamation de la République Cubaine. J’y trouve une
petite ressemblance avec notre Marianne nationale, pas vrai !
« Des
personnalités françaises sont venues à Cienfuegos pour commémorer cette
proclamation » affirme Maxwell.
Ce cœur historique est également un lieu de rencontre de la population locale. Autrefois, sur cette ancienne plazza d’Armes, les militaires y venaient faire leurs exercices.
La Place José Marti, sans avoir le charme de la place Mayor de Trinidad, est tout de même un must d’architecture coloniale. Cette vaste esplanade de 200m sur 100m a accédé au rang de monument historique grâce aux bâtiments qui l’entourent et de son importance au cours de l’histoire de la ville.
Une rosace gravée sur le sol indiquant
le kilomètre zéro est le point de fondation de Cienfuegos, c’est à l’ombre du
grand hibiscus que furent construites, autour, les premières maisons.
La promenade y est agréable, je me balade sur la
place à l’ombre des palmiers, au milieu de massifs bien taillés, près d’un
grand arbre entouré de grilles, une ceiba « N’y touchez
pas, c’est l’arbre des vaudous » dit d’un air sérieux Maxwell, c’est quoi cette
histoire ?
Au centre se trouve :
Une glorieta (kiosque à musique) où
parfois la fanfare municipale entraîne les habitants au son de ses rythmes
afro-cubains. De ci de là, je vois des bustes érigés en l’honneur de héros ou d’artistes cubains, tel que
celui de la poétesse Clotilde del Carmen Roriguez. Que c’est amusant de voir ces
alignements de chaises en métal vissées au sol ! disposées ainsi elles
m’invitent à la sieste, mais Maxwell n’est pas de cet avis « Allez, mes
amours, nous allons voir le théatre »
Ce
théatre, le
théatro Tomas Terry, édifice très élégant, est baptisé du nom d’un riche
propriétaire d’une exploitation sucrière qui bâtit sa fortune sur le commerce
des esclaves avant de devenir maire de la ville. Ce monsieur souhaitait que sa
ville ait un théâtre luxueux pour y accueillir des artistes de renom. Mais
Terry décéda avant sa réalisation, et ce sont ses fils qui accomplirent le
souhait de leur père, le théâtre sera inauguré en Février 1890.
Quel
dommage ! il est en complète restauration, de grands échafaudages et des
tôles de chantier camouflent partiellement sa belle façade à cinq arches d’inspiration
italienne. Protégées par encore des tôles je ne peux admirer les céramiques
byzantines qui ornent ses frontons et qui proviennent des ateliers de Venise.
Ce théâtre a reçu au cours de son histoire de grands artistes internationaux
comme l’actrice française Sarah Bernhard ou le ténor italien Enrico Caruso qui
s’y produisirent au début du 20ème siècle, ainsi que de nombreux
artistes cubains de renom. Espérons que les travaux ne concernent que
l’extérieur !
J’entre et dès le hall d’accueil, je suis subjuguée
par la position seigneuriale de cette statue en marbre blanc du propriétaire
Tomas Terry. L’intérieur est encore plus décevant, à part les affiches des spectacles de
Bernhard et de Caruso restés accrochés aux murs, tout est en chantier. La
superbe fresque du plafond est soustraite à mes yeux, quant aux sièges de bois
de la salle en U pouvant accueillir 950 spectateurs, ils sont tous couchés. Il
est même formellement interdit de pénétrer plus avant, grosse déception. (Ci-dessous,
photo du théatre dans sa splendeur, cliché récupéré sur le net)
A l’extrémité de
la place, dans l’alignement de la statue de Marti, je contemple un :
Arc de triomphe. Cet ouvrage, le seul arc de
triomphe de Cuba a été commandé par un groupe de travailleurs locaux en 1902,
pour fêter l’instauration de la République cubaine. « On m’a dit
qu’il
y en a un
qui lui ressemble dans le sud de la France, c’est à Orange, c’est ça ? » Maxwell féru
en histoire retient ce que d’autres français ont pu lui dire, bravo !
Profitant d’ un peu de temps libre, je me dirige au Sud de la place vers le :
Palacio Ferrer. L’entrée est payante, 2
CUC. Cet édifice Art nouveau, peint de bleu tendre, car fraîchement rénové, est
impossible à louper. Il abrite aujourd’hui la Maison de la
Culture
Benjamin Duarte. Cette bâtisse à deux niveaux, construite en 1918, porte le nom
de son propriétaire, un riche Catalan qui s’installa à Cienfuegos à la fin du
19ème.
Avec ses fines colonnes qui encadrent les balcons, ses
fenêtres arrondies et ses sols en marbre italien, il est vraiment superbe. Et
que dire de cette ravissante tourelle vernissée de mosaïques bleues, bâtie sur
le toit du palais ! Un escalier de fer forgé, en colimaçon, permet d’avoir
une magnifique vue sur la place, sur les toits, ainsi que sur la baie de
Jagua.
Cette tourelle de guet n’avait, en son temps, d’autre but que de permettre au marchand de surveiller l’entrée de la baie, les opérations du port, et par conséquent d’augmenter le contenu de ses coffres déjà copieux. Cette demeure fut rapidement abandonnée par Ferrer jusqu’à ce qu’elle passe aux mains d’une autre famille plus riche, les Cacidedo qui y vécurent jusque dans les années 1970. Ensuite ont été crées au rez-de-chaussée une pharmacie, suivie d’un magasin de fournitures médicales, jusqu’à sa détérioration qui obligera la fermeture de ce palais.
Caruso y aurait séjourné du temps où il se produisait au théâtre
Les toilettes se trouvent à l’extérieur
du palais, ici c’est une dame qui vient après chaque utilisateur vider un seau
d’eau.
Le parque Marti ne m’a pas encore révélé tous ses trésors, face au théâtre se trouve un bâtiment, certainement le plus imposant de la place, mais aussi le plus récent, voici le :
Palacio de Gobernio inauguré en 1950. Avec ses
hautes colonnes, ses pilastres et ses balustres, son haut dôme lui donnant un
petit air du Capitole, il respecte le style néo-classique. Il est régulièrement
restauré, notamment depuis le passage de l’Ouragan Dennis en juillet 2005 qui l'avait bien amoché. C’est
de ce palais que Fidel Castro incita le peuple de Cienfuegos à le suivre dans
sa marche triomphale vers la Havane en Janvier 1959.
Dominant les statues
des lions, se dresse au Nord la :
Cathédrale de la Purisima Concepción. Edifiée en 1869, sa façade
néoclassique est pourvue de deux clochers de tailles différentes, les vitraux
représentant les douze apôtres ont été importés de France en 1870.
Je quitte cette parque Marti figurant sur la liste du Patrimoine de l’Unesco depuis 2005, étonnante place bordée de si beaux édifices ainsi que d’un splendide alignement de maisons à arcades, avec l’impression que si elle pouvait parler, elle en raconterait des choses ! témoin silencieux de bien des soulèvements populaces, dont le dernier et pas un des moindres, fût celui contre Baptista en 1957 qui mènera à la Révolution.
Félix fait rapidement le tour de la baie, nous offrant une vision panoramique qui permet d’avoir un bref aperçu sur ce maleçon, ce front de mer, la forteresse de Jagua, bof !...
Sur la route
menant à Santa-Clara, nous tombons enfin ! sur des coupeurs de canne à
sucre. Je suis étonnée, car il y a de cela plusieurs années, il est vrai !
j’avais eu l’occasion de les voir, en République Dominicaine, la couper à la
main.
Hors ici, ils ont un sacré matériel et sont très bien organisés :
tracteurs, remorques, machine à couper et ramasser, mais aussi cantine, citerne d’eau potable. Ils sont ici
une douzaine à vivre de ce métier, au moment où nous arrivons, c’est la pause
déjeuner. Ils acceptent sans problème d’être photographiés, mais je crois que Maxwell
a dû auparavant leur parler, ils ne perdent pas au change, car c’est la
distribution de savons.
Après un déjeuner au « Sabore Arte » de Santa-Clara, arrive le moment le plus émouvant de ce voyage : la visite du mémorial du Che Guevara.
Je vous donne donc rendez-vous, page suivante, pour découvrir un petit pan de cette révolution.
A tout de suite !