* Mercredi 24 mai 2017 (suite)

     Après la visite, cet après-midi de l’oasis de Kashan, je m’apprête à passer ma dernière nuit iranienne dans un hôtel de Qom. Point N° 16 carte itinéraire. Pour y parvenir, Hamid emprunte une artère de la ville, et pour chacun d’entre nous c’est un peu le choc ! Sâidé nous avait pourtant prévenu que c’était la ville des mollahs, mais là ! on se croirait presque sur la place du Trocadéro un soir de 14 juillet, bon, j’exagère un peu !  mais c’est que c’est très impressionnant de voir marcher sur le trottoir ces centaines de silhouettes noires ! Recouvertes de leurs tchadors gonflés par l’amplitude de leurs mouvements, elles me font penser à des corbeaux prêts à s’envoler. Dans cette palette de couleurs où le peintre n’aurait guère de choix, n’oublions pas ces mollahs, qui règnent en maîtres sur les lieux, à l’apparence unique : barbe, long manteau beige ou noir, turban blanc ou noir, selon qu’il soit ou non descendant du prophète.

     La circulation est à ce moment dantesque,  rien pour réglementer les changements de direction, les taxis dont le jaune vif tranche dans cet univers noir et beige encombrent la rue, les mollahs passent entre les voitures, bref, ça bouchonne dur et c’est le bordel !... Mon Dieu, excusez ce mot païen prononçé dans cette ville sainte !

     Et puis, Hamid quitte cette route, stoppe, devant une barrière, oups !!! une fois celle-ci levée il circule sur une grande place, manifestement piétonne, et dont l’accès automobile n’est certainement autorisé qu’en de rares exceptions, maintenant on est véritablement encerclés par ces innombrables silhouettes fantomatiques. Quoique ces gens ne s’occupent pas de l’intrusion de ce véhicule, de ces mécréants, aucun mot, aucun regard, aucune agressivité ! à l’intérieur du mini-bus on doit probablement tous ressentir cette ambiance un peu pesante, ce poids de la religion omniprésente comme nulle part ailleurs en Iran. Je ne suis pas loin de sentir planer au-dessus de ma tête l’image de Khomeiny. Sâidé qui se retourne, éclate de rire en nous voyant, bouche-bée comme des carpes, ahuris devant cette scène.

     « L’international Hotel » de Qom est situé en bordure de cette place bouillonnante, l’accès se fait de l’autre coté de celle-ci, après avoir emprunté une sorte d’impasse.



*                                Qom. Cette ville très ancienne, construite au bord de la rivière éponyme, compte plus d’un million d’habitants. Elle devient dès le 7ème siècle un important centre chiisme, puis après la mort en 816 de Fâtima, un lieu de pèlerinage. Fâtima était la fille du 7ème imam et la sœur du 8ème imam Rezâ, sa caravane a été attaquée par les Abbasides (sunnites) alors qu’elle allait rendre visite à son frère exilé à Khorasan. Morte et enterrée à Qom, très pieuse elle sera vénérée comme sainte, car dans l’Islam, c’est la tradition pour les femmes parentes d’un des imams duodécimains. Peu à peu les habitants de Qom construisirent un sanctuaire (Hazrat Masouna Holy Shrine) autour du cimetière, puis un dôme.

     C’est au lXème et Xème siècle que ce cimetière devient lieu de pèlerinage. Au début du 17ème siècle, le chah Abbas 1er souhaitant que ses sujets puissent faire celui-ci sans devoir aller à Nadjaf ou Kerbala, deux villes saintes mais sous domination ottomane, il décide d’agrandir le sanctuaire en construisant plusieurs bâtiments dont une école. Au début du 19ème siècle, Fath Ali Shah ordonne la rénovation du sanctuaire et fait dorer le dôme. Le sanctuaire se compose alors d’une chambre funéraire, de 3 cours, 3 salles de prières, 3 dômes et 6 minarets. Sa superficie totale est de 38 000 m²

          Son frère l’’imam Rezâ a dit « Celui qui lui rend visite entrera au Paradis » Alors forcément ! connaissant la ferveur musulmane et le fanatisme religieux, il ne faut pas s’étonner d’y voir autant de monde. Aujourd’hui les femmes viennent toucher les parois du sanctuaire pour obtenir bonheur conjugal et fécondité, les gardiens de sa châsse l’aspergent d’eau de rose du matin au soir.

          Cette ville sainte, est un grand centre théologique, le 1er  d’Iran, surtout depuis que l’ayatollah Khomeiny  s’est s'engagé dans une opposition religieuse au régime autoritaire du shah Mohammad Reza Pahlavi et aux réformes que celui-ci mena pour la modernisation du pays. La ville comporte pas moins de 70 madrassahs qui abritent des milliers de mollahs. 8 universités accueillent les musulmans chiites du monde entier, venus suivre les leçons donnés par leurs maîtres ultra-religieux et enturbannés : les ayatollahs, qui demeurent sur place pour la plupart.

     C’est d’ailleurs à Qom, dans cette ville la plus conservatrice du pays, que Khomeiny a prêché pendant de longues années, avant d’être poussé à l’exil. Après avoir été expulsé d’Irak il fut accueilli pendant 4 mois à Neauphle-le-Château, en France ! d’où il préparera sa « révolution islamique » de 1979.

     La fenêtre de ma chambre fait face à la Mosquée de l’ Imam Hassan Al-Asgari, d’où ces superbes photos prises avant le dîner.

     

     Dîner à l’hôtel. Et c’est alors que Sâidé nous fait une suggestion très intéressante à mes yeux, aller faire un tour sur la place et s’approcher du tombeau de Fâtima. Cette proposition me ravit, car j’en aie fort envie, mais marcher au milieu de tout ce monde, surtout de ces femmes en tchador, qui pour certaines ne laissent paraître que les yeux, m’effraie.

     Après avoir longé quelques boutiques du bazar, me voilà marchant sur la grande esplanade située au Nord du Mausolée, le long des boutiques remplies de douceurs, les lorgnant, la spécialité culinaire locale est le sohân, sorte de biscuit au safran et aux pistaches.

     Je tente de prendre des photos à la va-vite tout en avançant, et surtout ne pas perdre de vue Sâidé et le reste du groupe, les foulards étant un handicap supplémentaire pour  se repérer parmi cette foule. Un peu angoissant ce flash qui trahit mon action, mais sans lui c’est trop sombre, obscurité + mouvement ne font pas bon ménage, je ne réussirais à obtenir que quelques photos à peu près correctes. Mais je m’inquiétais bien à tord, ces piétons que je croise, ces pèlerins provenant des quatre coins de la terre, ces étudiants venus s’abreuver de savoir,  ne font aucun cas de nous, c’est comme si on était transparents, et pourtant en tant qu’européens nous ne sommes pas légion à cette heure sur cette place, c’est indéniable que le rapport entre religieux et profanes est à l’avantage des religieux.

      

 

     Nous arrivons devant un gigantesque eivân, encadré de murs très hauts pourvus d’arcades, délimitant  l’enceinte sacrée. Adossées à l’un d’eux, comme un air de Lourdes, des petites boutiques, les habituels « marchands du temple » sont installées, ces commerçants proposent des articles religieux : citations du coran, briquettes de terre sainte compressée destinée à la prière, chapelets, tapis de prière, etc… les activités de cet ancien centre cotonnier gravitent essentiellement autour du pèlerinage et du sanctuaire.

     Mais hélàs ! nous n’irons pas plus loin, il semblerait !! que  nous devons obligatoirement être guidés par des « accompagnateurs des affaires extérieures » ce sont des bénévoles qui à cette heure avancée de la soirée, il est alors plus de 22 heures, seraient partis. Je sais bien qu’en tant que non-musulmane, je n’aurais pas pu accéder au mausolée, mais approcher de près ces minarets faïencés et illuminés, ce dôme plaqué de feuilles d’or, admirer tous ces beaux bâtiments revêtus de mosaïques, de verreries, arpenter tous les recoins de cette, certainement splendide, esplanade aurait de fort belle manière terminé ce voyage.  (Ci-contre à droite, photo récupérée sur Internet

C’est frustrant d’être si près et ne pouvoir y pénétrer, je dirais même très frustrant !! d’autant que, pour avoir fait des recherches afin d’élaborer cette page, j’ai lu des témoignages de touristes français qui, accompagnés de mollahs, et ça on n’en manquait pas ! ont eu accès aux différentes cours, dont une famille entière à 2 heures du matin, car effectivement ce mausolée est ouvert 24h/24h. Étions nous trop de femmes ??? des tchadors peuvent être prêtés à l’entrée, alors ???? un groupe trop important ??? (9) J’enrage  n’ayant aucune explication plausible concernant ce refus à me mettre sous la dent.

    A placer dans la case regret, certes ce n’était pas prévu, mais avec cette promesse Sâidé m’avait fait briller des étoiles dans les yeux, ce fut certainement une grosse déception pour elle aussi, car je ne crois pas qu’elle nous aurait fait cette promesse sachant ne pas pouvoir la tenir.   

    Je dois me contenter, ce qui n’est déjà pas mal, j’en conviens ! de photographier les minarets et la coupole dorée qui dépassent de ces murailles, véritable festival oculaire.

     

        La nuit va être courte, Sâidé a demandé à ce qu’on lui remette les feuilles d’appréciation, et ça je ne m’en suis jamais occupée au cours du voyage, difficile après 10 jours d’être cohérente, de donner un avis sur tel ou tel restaurant, tel hôtel ! Le décollage se fera 90 minutes plus tard que prévu, ça sera donc réveil à 5h15 au lieu de 3h45, youpi ! par conséquent l’attente pour la correspondance sera plus courte, c’est du tout bon !

-v-v-v-v-v-

      * Jeudi 25 Mai (Jeudi de l’Ascencion)

        Il est bien à son rendez-vous, mais qui ça ? le muezzin bien sûr ! enfin disons l’enregistrement de sa voix. A 5h30 sous une nuit noire, avec toutefois quelques musulmans qui se promènent sur la grande place, je peux depuis ma fenêtre ouverte faire une petite vidéo de cet appel à la prière de l’aube.

    Ces appels qui peuvent certes, déranger en milieu urbain, ne m’ont jamais laissée indifférente. Effectuées d’une voix mélodieuse et scandée, détachant bien les syllabes et les groupes de mots, je les trouve plutôt agréables à écouter. (Ci-dessous, courte vidéo de 3 minutes)



       6 heures, départ de l’hôtel. Une centaine de kilomètres nous séparent de l’aéroport de Téhéran. Nous y arrivons à 7h30.

       Adieu Hamid  tu fus un chauffeur speed, un peu nerveux en ville, mais toujours dispo, souriant et de bonne humeur, dommage que tu ais gâché cette dernière soirée, et la bonne impression que nous avions alors des Iraniens, pour une histoire stupide de pourboire insuffisant à ton goût.

       Adieu Sâidé,  ce voyage en Iran fut, grâce à toi et à ton immense savoir, formidable, tu ne consultais jamais de notes, tout était raconté de mémoire. Toi qui toujours avec gentillesse, m’a rempli des pages de carnet me permettant ainsi de mettre un nom sur beaucoup de choses, notamment celui des nombreuses spécialités culinaires. Si tu lis ces lignes, je te fais un gros coucou.

       L’embarquement se fait sans réel problème, scan des valises, 2 fois les bagages à main, contrôle des hommes d’un coté, les femmes de l’autre, mais ça maintenant on sait faire ! Nous prendrons le petit-déjeuner, les packs ont été confiés à Nicole qui contrairement à nos craintes ont vaillamment passé l’épreuve du tapis à bagages, une fois les billets d’embarquement en poche. Décollage à 10h40 pour 5h30 de vol. Me retrouvant sans voisin dans l’avion, je peux prendre mes aises et j’en profite pour déjà faire une esquisse de ce reportage, en pianotant sur ma tablette.

  Au revoir !    Khodâ hâfez بدرود !  

       Nicole, Jacqueline, Gaston et Michel ont quitté l’aéroport de Roissy, un taxi les attend pour leur retour à la maison, quand à Jean-Claude et moi, nous devons prendre la correspondance pour Nantes. Pour la présentation des passeports, ce fut long, on est un jour férié, il y a très peu de guichets d’ouverts, d’autant que malencontreusement je me trouve derrière un avion complet de japonais. Après une heure de vol, un représentant de l’agence m’attend sur le sol nantais, me prend les valises pour les mettre dans le véhicule, quelle galanterie soudain !! et me dépose devant mon domicile, il est alors 19 heures.

 

I

mpressions du voyage :

v Les gens  Ce qui m’aura le plus marquée : leur sourire et leur gentillesse, notamment quand je sollicitais des portraits. Malgré la réputation de ce pays, je m’y suis sentie très à l’aise, jamais en danger. De plus, à part peut-être à Téhéran, il n’y avait pas à craindre des pickpockets.

  v Cuisine : La décoration des restaurants fréquentés était magnifique, un de mes meilleurs souvenirs. J’ai pu goûter à différentes recettes de poulet ou d’agneau  accompagnés de riz multicolore. Quant aux galettes de pain, elles se laissaient dévorer sans faim.

  v Paysages. Superbe incursion dans le Kavir-e Lut. Mais surtout très impressionnée par ces innombrables jardins, ces fontaines, ces canaux, toute cette verdure, cette eau que les Iraniens, malgré la situation désertique de leur pays, ont réussi à acheminer pour réaliser ces magnifiques petits paradis.

  v Les monuments : La raison principale de ce voyage, mosquées et mausolées superbes avec une profusion de faïences, de miroirs. D’ailleurs l’Iran possède pas moins de 22 sites inscrits au Patrimoine de l’Unesco, j’ai eu ainsi  la possibilité d’en découvrir déjà pas mal ! : le palais du Golestan à Téhéran, les jardins persans d'Eram, de Shahzade à Mahan, de Fin à Kashan, le système de qanât, la Mosquée du Vendredi et la place de l’Imam à Ispahan, Kerman, Pasargades, Persépolis, Yazd, le désert Kavir-e Lut, le plus chaud au monde.

  v Mes regrets ou déceptions : Fatalement, il y en eut. Trop de villes tentaculaires avec plusieurs millions d’habitants. N’avoir pas pu admirer le coucher de soleil sur les ponts d’Ispahan, ou découvrir la maison de force à Yazd, du fait des autres voyageurs, ni le superbe et impressionnant mausolée de Fatima à Qom. Je regrette surtout ne pas avoir osé me promener seule aux alentours des hôtels, d’être retournée sur la place de l’Imam d’Ispahan ou sur celle de Qom, peur d’y aller seule, surtout peur qu’il m’arrive quelque chose et que personne ne sache où je suis, d’autant que mes papiers d’identité restaient à la réception.  Et je finirais par cette contrainte de devoir se plier aux règles vestimentaires imposées par l’Islam : port du foulard absolument partout, dont les pans retombaient à chaque fois que je me penchais et qui limitait mon acuité acoustique, tunique manches longues par-dessus un pantalon, ainsi vêtue j’ai cru défaillir à plusieurs reprises sous cette chaleur.

  v Conclusion : En 2017 je n’ai pas senti de défiance de la part des autorités policières, pas plus que des religieuses, mais foulard, toujours foulard, même lorsqu’un policier est venu voir à l’intérieur du mini-bus.  Bref, si ce n’était pas ma soif de toujours aller voir ailleurs, j’y retournerais de suite !... et je recommande à chacun de visiter sans crainte  ce pays qui a tant à offrir et dont la population ne demande qu’à s’ouvrir au tourisme. 

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Voila ! Avec cette page le reportage de mon voyage dans cette contrée du Moyen-Orient est terminé, j’espère que celui-ci vous aura plu, peut-être donné envie d'y aller !

http://passionsvoyages.free.fr/accueil.htm

Un livre d’or est à votre disposition pour vos commentaires ou questions. Merci d’avance et bonne balade !

 

                      Merci