Samedi 6 Juillet (suite)
ì Yaroslav, cette ville de 600 000 habitants aujourd’hui jumelée avec Poitiers, desservie par le Transsibérien, est la doyenne des villes édifiées le long de la Volga. Elle a d’ailleurs dignement fêté le 1000ème anniversaire de sa naissance en inaugurant le « Parc du Millénaire » vaste parc vert situé au confluent de la Volga et de la Kotorosi, en embellissant les rues de la ville et remettant à neuf façades et bâtiments. En 2005, tout son centre historique a été inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco. (point N° 6 carte itinérire)
Quelques lignes d’histoire. Yaroslav doit son nom au
grand prince Iaroslav le Sage. Celui-ci, en visite d’inspection sur ses terres
aurait abattu, en 1010, d’un coup de hache un ours appartenant à une tribu
païenne, celle-ci effrayée par la mort de son animal sacré aurait alors pris la
fuite, Iaroslav aurait donc décidé d’ y ériger une forteresse. C’est ainsi qu’est
joliment racontée la naissance en 1010 de
Iaroslav.
C’est d’ailleurs en référence à cette légende qu’un ours dressé sur les pattes postérieures et brandissant une hallebarde est représenté sur les armoiries de la ville.
Poursuivant son essor, la ville édifie des monuments en pierre avant d’être mise à sac, en 1238, par les hordes tatares-mongoles. En 1612, c’est du monastère de la Transfiguration que partent les troupes des cités environnantes, rassemblées par Minine et Pojarski, chasser les Polono-Lithuaniens de Moscou.
Traversée par la Volga et son affluent : la Kotorosi, Iaroslav a été au 17ème un centre important et riche, c’est ici qu’a siégé le Gouvernement, notamment lors de la période des Troubles. De nombreux marchands émerveillés par les couleurs vives des édifices religieux orientaux et revenus fortunés de Samarkand et de Boukkara s’y installèrent, ils firent bâtir d’innombrables bâtiments en pierre, mais surtout beaucoup d' églises, une cinquantaine paraît-il ! Ce fût l’âge d’or de la cité devenue une plaque tournante du commerce avec le Proche-Orient, le Moyen-Orient et l’Europe.
Les fortifications primitivement en bois, ont
été refaites à plusieurs reprises. Les premiers murs en pierre de 1550 qui
faisaient 3m d’épaisseur et 7 à 10 mètres de haut furent détruits pendant la
période des Troubles, seules trois tours restèrent debout. Au cours du 19ème
on a reconstruit les murs entre les ruines restantes ainsi que
d’autres tours décoratives.
Il est tout juste 8 heures que nous sommes déjà devant la porte de l’Epiphanie, avec à gauche la tour de la Vierge, une des « résistantes ». Près du parking, un petit monument m’interpelle :
w La
chapelle de Notre-Dame de Kazan a été érigée ici en 1997,
sur les bords de la Kotorosi, à la mémoire des pages glorieuses du passé de la
ville, un remerciement à la Vierge qui est à l’origine de la libération de
Moscou en 1612 contre les envahisseurs polonais. Car nul n’ignore que Pojarski,
Minime et leurs soldats ont prié devant la sainte image de Notre-Dame de Kazan,
avant de poursuivre leur marche sur Moscou.
Cette chapelle représente beaucoup
pour les citoyens russes, les jeunes mariés viennent s’y faire photographier,
de nombreux touristes jettent des pièces de monnaie, en essayant de toucher la
cloche, ça porte bonheur, paraît-il !
Depuis la cour d’honneur du monastère je vois tout d’abord w le clocher-beffroi du 16ème et plus loin, reconnaissable à ses coupoles : la cathédrale de la Transfiguration.
Le monastère, aujourd’hui désaffecté, fut fondé au début du 12ème siècle en tant que forteresse pour protéger les environs de la ville. Il a toujours été le patronage pour la famille des grands princes puis des tsars, qui sont venus, à partir d’Ivan lll, lui rendre visite en offrant leurs faveurs. Ce qui a permis à ce monastère de devenir la forteresse la plus riche et la puissante du Haut de la Volga. A la tête de terres immenses, de faubourgs, de moulins, il fait partie, en 1764, des 15 plus grands monastères de Russie. Il exerçait des importantes opérations commerciales, 14 000 serfs environ lui appartenaient. Haut lieu de culture, il a vu naitre la première école religieuse de la Russie du Nord. Ici sont enterrés les principaux princes de Yaroslav.
Une promenade
dans l’enceinte de ce monastère va me permettre de voir, après le clocher w une imposante stèle « Serment du Prince
Posharsky » réalisée en Mai 2014, elle représente ce Prince qui aidé de
l’artisan Minime partit en 1612 du monastère avec une petite armée afin de
chasser les Polonais de Moscou. Sur cette stèle en mosaïque on voit derrière
lui les armées, et au-dessus de sa tête, la protection divine.
Un peu plus loin,
dans une allée, w la face d’un disque de bronze rappelle l’évènement et sur
son verso on y voit Saint-Georges terrassant le dragon. Puis voici w l’église des Thaumaturges : l’église des Miracles
(réplique en miniature de l’entrée de Jésus-Christ à Jérusalem)
Mais quelle
est donc cette superbe église, dont je n’aperçois que les coupoles vertes couronnant
une large frise verte en faïence ? c’est w l’église de l’Epiphanie, toute de briques rouges qui
me fait un petit coucou, magnifique !
Je passe à
présent devant les rustiques chambres des moines, admire un instant l’antique
escalier et le vieux perron de bois qui desservaient les étages. Devant, dans
un petit carré entouré de plessis comme à l’époque médiévale, des maisons et
des églises miniatures sont posées au milieu de plantes médicinales, en
réalité,
ces réalisations cachent des ruches, qui ont dû certainement servir un jour.
J’arrive ainsi à w la Cathédrale de la
Transfiguration. Construite au 13ème siècle, elle est l’un des plus
anciens temples en pierre de Yaroslav, peut-être le fût-elle à l’époque
pré-mongole, sous le prince Konstantin Vsevolodovich. Ayant été détruite par un
incendie, celle que j’admire aujourd’hui a été consacrée en 1516. Les fresques
à l’intérieur ont été crées selon le désir d’Ivan-le-Terrible, conseillé par
le saint métropolitain Macaire, mais en 1814, crise d’époque, elles furent
toutes recouvertes par une peinture à l’huile et ce n’est que dans les années
1950 que fût entreprise une grande restauration qui redonnera à la Cathédrale
son faste d’avant.
N’est-elle pas jolie avec ses coupoles d’inspiration
byzantine et ses arcades sur deux étages !
Puis voici un carillon en plein air qui à notre
arrivée s’agite, un jeune homme caché derrière les cloches, s’apprête en
triturant toutes les cordes, à nous offrir un joli mini-concert. Bravo jeune
homme. Ci-dessous
1,37 minute de celui-ci.
Je quitte ce monastère par la w Porte Sainte réalisée en 1516, non sans avoir eu le temps d’apercevoir un coffre censé recevoir les offrandes.
Après avoir visité le Kremlin de Rostov-le-Grand, il est à peine midi que je suis de retour à Yaroslav.
w Ce mémorial, ce monument aux morts est un hommage que l’on désire éternel, en mémoire aux soldats tombés pour l’Union Soviétique pendant la Seconde Guerre Mondiale. Il représente la Femme qui travaillait à l’usine pendant que l’Homme était parti au front, avec entre les deux, la flamme qui ne s’éteint jamais. Le monument d’un style sobre est paré de plusieurs gerbes de fleurs. J’ai lu, par ailleurs, que des jeunes gens s’y tenaient et effectuaient la relève toutes les heures, j’y suis passée à deux reprises, à 30 minutes d’écart et n’ai vu personne, la pluie peut-être, bizarre !..
Honte à moi !... qui n’a même pas vu qu’entres les
deux statues, depuis la flamme éternelle se dévoilait la perspective de l’immense Cathédrale. On va
mettre ça sur le compte de la pluie qui ne cesse de tomber, ou peut-être aussi
que les arbres du parc ont poussé, enfin !!..
Après une promenade d’environ 200 mètres dans des allées boisées d’un grand parc, procurant les jours de chaleur une ombre salvatrice, qui aujourd’hui n’est pas nécessaire !... elle apparaît d’abord cachée en partie par les arbres, alors, avais-je raison ? puis dans toute sa majestuosité, c’est w la Cathédrale de la Dormition, ou Assomption disons-nous chez nous.
Entre la première construction en 1215 sur ordre du prince
Konstantin et sa destruction en 1937, elle fut
restaurée à de nombreuses reprises et reconstruite plusieurs fois. Déjà très
endommagée par les Bolchéviques, celle bâtie en 1658, affectée lors de l’époque
stalinienne, à la bourse du travail, fut dynamitée,
!!… et un parc citadin de loisirs
fut planté à son emplacement. C’était une immense église couronnée de cinq
coupoles grandioses, on y bénissait les évènements les plus importants de la
ville. Devenue épiscopale, elle gardait plusieurs reliques, dont celle des
saints princes Basile et Konstantin.
A l'emplacement de l'édifice primitif, s'élève aujourd’hui
une nouvelle église, construite en six ans, avec des proportions démesurées par
rapport à l’original, folie architecturale de l’architecte Alexis Denissos, qui
pourrait poser problème « Un tel colosse est dangereux à cette
embouchure. Le sol flotte à cet endroit et sous l’action d’une telle masse, la
berge pourrait être emportée, et avec elle certains bâtiments » écrivait
alors un éditorialiste local. Espérons que le temps ne lui donnera pas raison !....
Il semblerait que nous arrivons par l’arrière de cette Cathédrale, quoiqu’il en soit je suis admirative devant cette superbe façade immaculée, au fronton décoré, la mosaïque de celui-ci représente la fête de l’Intercession et je contemple ses grosses coupoles d’écailles dorées.
Sa surface est de 2000m², sa hauteur, clocher non
compris est de 50 mètres, elle peut contenir
plus de 4000 personnes. Elle fut consacrée le 12 Septembre 2010 à l’occasion du
millénaire de Yaroslav, par le patriarche Cyrille 1er. L’intérieur
est surprenant, je ressens une sensation de vide car, bien évidemment, il n’y a
aucune fresque, toutefois j’admire la superbe iconostase composée d’icônes
récentes, ainsi que des icones du 19ème siècle, probablement des
dons de citoyens. Son dépouillement contraste avec celui des églises que j’ai
pu alors déjà visiter, Moscou, Outglich, Rostov, mais il est vrai que cette Cathédrale
n’a même pas dix ans d’âge, on en reparlera dans 200 ans !...
Le devant est tout aussi joli, son fronton représente l’Assomption.
Sur le parvis, à
l’emplacement de feu la Cathédrale de 1658, a été érigé en 1995, afin de
commémorer son souvenir, et ceci bien avant que naisse le projet de
reconstruire celle d’ aujourd’hui, la composition sculptée w « La Sainte Trinité » Sculpture de Mukhin,
qui voulut avec cette œuvre célébrer le millénaire de l’évangélisation de la
Russie. Son style très moderne semble avoir soulevé une polémique, quoiqu’il en
soit, elle est toujours là, 25 ans plus tard.
Et bravement, je continue
à marcher sous la pluie, en direction d’un belvédère, le Strelka, jusqu’à me
trouver au-dessus w du « Parc du Millénaire » un sympathique jardin
public, dont la réalisation est due au 1000ème anniversaire de la
ville. Aujourd’hui bizarrement, il n’y a pas un chat !
pourtant il doit faire bon
se promener parmi les parterres fleuris, au milieu de fontaines, faire une
pause pendant que son enfant joue dans le terrain de jeux, ou faire ami-ami
avec cet ours bien inoffensif, puisque fait de verdure. A ses pieds, une date
(1009) constituée de fleurs rouges savamment taillées, indique que la ville est
fondée depuis 1009 ans. Hé messieurs les jardiniers, l’année prochaine, c’est deux
chiffres que vous aurez à façonner !!..
J’aperçois à peine dans ce paysage embrumé, le monument commémoratif qui doit se trouver loin là-bas, à l’extrémité de cette pointe, à la jonction entre la Volga et la Kotorosi. De l’autre coté de la rive, je devine plus que je ne vois, les bulbes verts de l’église Saint Jean Chrysostome.
Depuis le monument aux Morts où je suis revenue, je reprends le bus qui m’amène plus au Nord, visiter une vieille église.
w L’église de Nicholas Nadeine fut construite en 1622 aux
frais, et suivant la commande d’un des hommes les plus riches de toute la
Russie, le marchand Epiphane Svetechnikov, surnommé Nadée. Sa partie intérieure
fut peinte en 1640 avec
des sujets ayant un rapport
avec les activités du Saint Nicholas le Thaumaturge.
L’iconostase de 1751 a été
crée d’après le dessin de Fiodor Volkov, créateur du théâtre national russe et
paroissien de cette église. La base de l’iconostase et les icônes font partie
de l’Art du Temps Nouveau, du baroque.
Chut !.....
ne dérangeons pas
ces gens en plein travail, ce sont des étudiants des écoles d’art venus de
toute la Russie, d’art qui s’appliquent à copier les fresques, alors éclipsons
nous sur la pointe des pieds.
C’est ainsi qu’à 13h15 je pointe à l’accueil du Georgy Chicherin pour y déjeuner et accessoirement reprendre la navigation. C’est alors que le bateau fait demi-tour pour revenir sur Rybinsk et son écluse que nous avons dû passer la nuit dernière pendant notre sommeil. A cet instant, nous naviguons toujours sur la Volga.
Le repas est à peine entamé que résonne dans le restaurant la voix suave de Natacha « Mesdames, Messieurs, votre attention s’il vous plaît, voici à babord le monastère de Tolga »
w Ce monastère de pierre blanche a été fondé en 1314 par l’évêque de Rostov, Tikhon, a qui une icône de la Vierge et l’Enfant est apparue pendant qu’il dormait dans une tente, au retour d’un un grand voyage d'inspection des églises et monastères du Nord, sur les rives de la Volga. Fermé en 1926, c’est le premier monastère à avoir été rendu à l’église orthodoxe en 1987. Très actif, il compte aujourd’hui une centaine de religieuses. Chaque 21 août, jour de sa fondation, la célèbre et miraculeuse icône de la Vierge, aujourd'hui conservée à Moscou, revient au monastère où elle continue à être vénérée et à produire encore des miracles
Depuis le navire, le voici qui apparait d’abord caché par la végétation, puis plus distinctement. C’est un très long bâtiment blanc, aux églises coiffées de magnifiques bulbes verts et dorés, avec l’édifice dominant de la cathédrale de la Présentation de la Vierge, qui chapeautée de son haut clocher de 60 mètres, ne peut pas être loupée.
Le déjeuner repris, puis terminé, j’assiste curieuse à un singulier atelier, Olga, notre boutiquière a proposé à quelques uns de dessiner et peindre des dessins sur des matriochkas en bois. Je trouve le résultat réussi et félicite ces artisans en herbe.
Atttteeention, Natacha va parler ! et quand elle parle à la radio, on écoute !... Elle raconte l’histoire du réservoir de Rybinsk « Avec sa superficie de 4500 km² c’est une véritable mer et le réservoir d’eau le plus grand au monde, pas moins de 60 rivières s’y jettent. Avant sa construction, il fallait trois mois pour un équipage armé de cordages pour aller de Rybinsk à St Petersbourg. Les Soviétiques, sous Staline élaborèrent le projet ambitieux d’endiguer la Volga et la Cheksna, toujours avec cette main d’œuvre malléable qu’étaient les prisonniers du goulag, pour créer cet énorme réservoir, ainsi on décida du sort de 700 villages qui furent inondés, telle la glorieuse ville de Mologa, avec ses rues anciennes, ses maisons dont les princes étaient les fidèles alliés de Dimitri Donskoï se retrouva au fond de cette mer artificielle. Les travaux mis en marche à la veille de la Seconde Guerre Mondiale ne seront finalement achevés qu’en 1964 »
Puis elle distille quelques informations pratiques : « Notre bateau va passer dans l’autre sens l’écluse de Rybinsk, peu de temps après on apercevra la statue de la Mère de la Volga, puis le Georgy Chicherin, va traverser le réservoir sur 150 kilomètres, ce qui va prendre environ 7 heures. Demain matin on se réveillera sur le canal Volga-Baltique »
Je vous donne rendez-vous, à la page suivante où je vous parlerais en quelques lignes de « la Russie de Moscou » racontée par Natacha, du passage des écluses de Rybinsk et de la cérémonie du thé.
A tout de suite !