La crémation

 

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         Le vœu le plus cher pour un hindou est d’être incinéré à Bénarès et que ses cendres soient jetées ensuite au Gange, fleuve sacré de vie et d’espoir...
le Manikarnika Ghât est le principal ghât de crémation, le plus ancien et le plus sacré de Bénarès. Selon la mythologie hindoue, un corps brûlé ici échappe au cycle des renaissances, les cinq éléments dont il est composé retournent à leur place par le feu. Se trouvant au centre des cinq « lieux saints » Manikarnika Ghât symbolise la création et la destruction. A Manikarnika Ghât, les âmes des restes mortels confiés aux flammes avec des prières, reposent dans la paix éternelle, et espèrent ainsi atteindre le nirvana  Pour l’hindou la mort est vue comme une libération...  

 

         Cette croyance est tellement forte que certains vieillards sentant leur mort approcher, surtout les veuves, viennent s’installer en ville dans des espèces de mouroirs.


         Les cadavres enveloppés seulement d’un sari, arrivent de toute l’Inde, par tous les moyens de locomotion qui leur sont donnés. Il est alors possible dans les ruelles sombres et étroites du vieux Bénarès de croiser  un cortège funéraire qui accède aux bords du Gange, le cadavre est attaché sur un brancard en bambou et transporté par quatre personnes, ce qui explique qu’à Bénarès les crémations ont lieu 24 heures sur 24, avec souvent des cadavres qui attendent leur tour, du véritable travail à la chaîne, façon de faire qui peut paraître très étonnante pour les occidentaux. Ici, on dît que le feu ne s’est jamais arrêté depuis plusieurs milliers d’années, et ça serait bien la réalité.

 

                   

 

 

 

         Environ  200 crémations quotidiennes, le corps met aux alentours de 3 heures à se consumer entièrement et nécessite 350 kgs de bois. Le bois le plus recherché (bois de santal) peut coûter jusqu’à plus de 150 roupies le Kg, ceux qui n’ont pas les moyens de s’offrir ce bois peuvent opter pour un bois de classe inférieure, beaucoup moins cher, mais qui se consume mal, à environ 5 à 8 roupies le kg. A Bénarès existe un autre ghât où un crématorium électrique a été construit il y a une vingtaine d’années, il est réservé aux personnes plus pauvres. Une crémation revient cher pour l’Indien car il doit payer en plus du bois qui a lui seul revient déjà à environ 900 euros, le sari, le feu éternel...

 

         Les femmes n’assistent pas à celles-ci, leurs pleurs et lamentations risquant d’empêcher l’âme du défunt d’atteindre le nirvana, n’oublions pas non plus qu’il n’y a encore pas si longtemps, la tradition voulait que la veuve se laissait brûler vive sur le bûcher de son mari, de façon plus ou moins consentie, les autorités britanniques mirent fin à cette coutume barbare en 1829.

 

         Sur ces lieux la photographie y est strictement interdite, la simple vue d’un appareil photo peut être considérée comme provocation et incite l’hostilité. ( les quatre premières photos, celles prises à Bénarès, l’ont été à partir de la barque avec un téléobjectif puissant, après accord du guide...pour Pashupatinath il n’y avait pas de problème)

 

 

          Arrivés au bord du Gange, Les corps sont ensuite lavés, rasés et installés sur le bûcher, enveloppés d’un sari de couleur (rouge pour les femmes, blanc pour les hommes, jaune doré pour les vieillards sans distinction de sexe) Ces incinérations publiques créent une véritable fascination pour qui les observent, il y règne une ambiance sereine face à la mort, autour les gens, dans leurs habits de tous les jours, y sont calmes et silencieux, pas de manifestation de tristesse, aucun discours, bref la vie qui continue ou plutôt qui s’achève pour une bien meilleure semble t il !!


         Le bois est acheté à des gens qui sont près des ghâts et dont c’est le travail, ce sont eux qui déchargent celui-ci qui arrive par bateau pour être ensuite stocké sur la berge, ensuite il le pèse, le vende à la famille et construisent le bûcher, ce sont eux aussi qui installeront le corps sur celui-ci.

 

 

         Au Népal, à Pashupatinath dans la vallée de Katmandou existe aussi une rivière sacrée : La Bagmati, celle-ci se jetant dans le Gange, une crémation dans ce lieu a la même valeur qu’à Bénarès. L’endroit est beaucoup plus modeste et moins impressionnant, cependant il s’y dégage autre chose. Nous assistons longuement aux crémations, de l’autre coté de la rive.

 

         La crémation obéit à un rituel immuable : le cadavre est recouvert de guirlandes mortuaires faites d’œillets d’Inde de couleur orangée. Devant les hommes de la famille qui sont présents, le fils aîné du défunt descend à la rivière sacrée chercher de l’eau dans un récipient et asperge le corps, un coiffeur rase la tête du défunt, ce fils retire le sari de couleur qui est posé soigneusement sur une barrière, découvrant un corps revêtu d’un linceul blanc, puis met le feu au bûcher en tournant cinq fois autour, après que l’employé des ghâts ait recouvert le cadavre de rondins. Les flammes et la fumée montent vers le ciel mais cette dernière n’est pas nauséabonde, cela provient sans doute du bois utilisé.

 

         Les hommes sont pieds nus sur ces plateformes brûlantes.


         L’atmosphère y est particulière mais ce n’est pas choquant, il n’y a pas de coté morbide, nous ne voyons pas les corps brûler puisque ceux-ci sont entièrement recouverts de bois  Dans la religion hindoue  la mort revêt une apparence banalisée. Contraste troublant lorsqu’à peine quelques centaines de mètres plus loin, se tiennent un marché, des ghâts grouillants de monde où les gens viennent faire leurs ablutions dans les eaux sacrés, chantent, font leur lessive, bref : la vie et la mort dans un même ensemble..

 

         Si Pashupatinah et Bénarès ont des points en communs il existe toutefois quelques petites différences :

         A Pashupatinath les bûchers sont plus propres, il n y en a pas qu'1, mais 5 ou 6 édifiés sur des plateformes en béton et alignés, le sari de couleur qui à Bénarès est plié soigneusement, ici il est jeté à la rivière. Deux hommes passent leur journée à ratisser celle-ci pour y récupérer l’or, nous ne l’avons pas vu faire à Bénarès.... La rivière Bagmati nous a paru encore plus sale que le Gange, les fleurs, les ordures, mais aussi les saris.... mais à Bénarès le Gange est beaucoup plus large, la barque naviguait assez loin des bords, aussi n’avons-nous sans doute pas tout vu, comme des cadavres d’animaux par exemple....

         A Pashupatinah nous avons vu des femmes assister aux premiers rituels de la crémation, mais sont-elles restées ensuite ?

         Les photos y sont autorisées à condition d’être sur l’autre rive.

 

          

 

 

         Tous les hindous ne sont pas incinérés, certains en sont exemptés car considérés comme purs : les sâdhus, les nouveau-nés, les femmes enceintes, les malades morts de variole, les victimes de serpents et les vaches. Ils sont alors directement immergés dans le fleuve..

 

         Paradoxalement l’homme le plus riche de Varanasi est un intouchable, c’est lui qui vend le bois pour les crémations et possède la plus belle maison de toute la rive du fleuve..

 

         Au moment où nous quittons Pashupatinah une fanfare arrive et se met en place, probablement pour rendre un dernier hommage à un des défunts.
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