Récit en version imprimable

 Lundi 6 Février.   Départ à 8 heures. 120 kms nous séparent de l’entrée du parc, pour moitié sur une piste bosselée. Nous prenons notre temps pour y parvenir, il y a tant à voir ! déjà ce condor en plein vol, hé oui, je l’ai eu !..... je sais qu’il paraît bien petit, mais on fait avec ce qu’on a, et puis il ne s’est pas mis « en pause »  quelques minutes plus tard, nous apercevons au loin quelques faucons cohabitant avec les moutons.

Stooop ! un « gaucho », c’est plutôt rare de le voir si près, car ces hommes accompagnés de leurs chevaux et de leurs fidèles chiens, parcourent ces immenses étendues de steppes désolées, pour surveiller leurs moutons.

L’origine des estancias de Patagonie. Le génocide oublié des Fueguinos !... A partir de 1870, les colons venus de toute l’Europe débarquent à Punta-Arenas, ils arrivent en masse en Patagonie et en Terre de Feu,  avec comme rêve : s’offrir de grand espaces, conquérir d’immenses territoires jamais exploités, faire fortune avec le commerce de la laine dont la demande, principalement anglaise est énorme (l’Australie et l’Europe n’y suffisent plus)  Et quelle chance ! les terres patagoniennes s’avèrent favorable à l’élevage ovin, les Anglais importèrent les premiers moutons des îles Malouines, avec comme but de faire de Punta-Arenas un port d’escale sur leurs routes vers le Pacifique Sud.

Bien sûr, il y a bien quelques habitants ! : les Fueguinos, tribus aborigènes,  mais ce ne sont pas cette poignée de sauvages à  moitiés nus qui vont leur faire obstacle !... sans état d’âme les colons commencèrent par abattre sans discernement les phoques, base d'alimentation des indiens, puis les délogent,  s’emparent de leurs terres, clôturent leurs estancias et chassent les guanacos sauvages, leur gibier traditionnel. Ces derniers pour survivre se rabattent sur ce qu’ils appellent le guanaco-blanc (le mouton) ce qui entraînera la fureur des colons, qui les traiteront de voleurs de bétail. Avec un acharnement sordide, les conquistadors vont s’employer à décimer ces peuples ancestraux. Le gouvernement argentin embauchera même des tueurs professionnels. Après quelques ultimes révoltes, les autochtones disparurent totalement.

Les pionniers britanniques obtiennent des concessions de terres, parfois jusqu’à 2000 km², de grandes compagnies de laines régies par des anglais et écossais voient le jour. La Patagonie et ses estancias vivent une période « d’or blanc » entraînant une construction de maisons, hangars,  banques, routes …. La « Carretera austral » véritable cordon ombilical reliant la Patagonie au Nord est construite en 1980.

En 1937, une loi de colonisation provoqua un véritable désastre écologique, les colons en se voyant attribuer uniquement les terres aptes au pâturage  brûlèrent les forêts ancestrales sur des milliers d’hectares.

Lenin nous demande de scruter les poteaux rouge et blanc plantés parfois loin dans la steppe, attention, danger !  ils indiquent un terrain miné  :

En 1978, lors du conflit du Canal de Beagle, les chiliens  avaient protégé, en les minant, leurs frontières, contre une invasion de l’Argentine, dispute territoriale à propos de trois îles où il n’y pousse rien, mais qui occupent une position stratégique, un espace maritime sur la péninsule Antarctique. Dispute qui faillit provoquer une guerre, mais in extrémis, le pape Jean-Paul II envoie un cardinal en tant que médiateur, dans les deux capitales.

Plus tard, en 1982, lors de la guerre des Malouines (Angleterre-Argentine) les Chiliens qui n’ont pas oublié ! soutiendront le Royaume-Uni, d’où une tension permanente entre les deux pays.

Arrêt à Cerro Castillo, tout petit hameau qui marque l’embranchement avec le parc Torres del Paine, de là, nous roulerons uniquement sur des pistes, ce magasin propose café, souvenirs, toilettes etc… un couple anime en musique.

La route longe de superbes massifs enneigés, ceux de la « Cordillère del Paine » petit massif de 24 kms de long pour une largeur de 13 kms, situé au pied et à l’est de sa grande sœur, la « Cordillère des Andes » il va jusqu’à la province d’Ultima Esperanza, son point culminant est de 3050 mètres.  Le croiriez-vous !... il fait soleil, timide certes, mais il est au rendez-vous.

Les ordres pleuvent : regardez à gauche ! voici un renard qui paraît blessé, puis une famille de nandous, une maman et ses petits, puis un guarana sur le bord de la route, regardez à droite ! un autre guarana … puis trois qui traversent devant nous…  Lenin nous donne le tournis,  cédant à nos supplications, il nous laisse en photographier derrière les vitres ouvertes, alors qu’il sait très bien que d’ici quelques kilomètres, nous allons en voir par dizaines …… quand je vous dis que c’est un petit plaisantin !...il nous dira ne pas avoir voulu nous contrarier ......tu parles !

  

Le guanaco. Qu’est-ce ?   Camélidé sauvage vivant en Amérique du Sud (ça on s’en était aperçus !) contrairement au lama auquel il est apparenté, le guanaco n’est pas domestiqué. Son museau et ses oreilles sont gris-noirâtres, son ventre et ses pattes blancs. Son cou est long, le mâle mesure 1,22m au garrot et peut peser 100 kgs. On le retrouve généralement en petits groupes, dans des altitudes allant jusqu’à 3000 mètres, dans des prairies à la riche végétation, des déserts arides ou encore dans les régions pluvieuses proches des côtes. Il en existerait aujourd’hui entre 400 et 600 000 individus mais l’homme l’exterminant pour sa fourrure de qualité constitue son ennemi le plus redoutable.

Nous voici arrivés à l’entrée du Parc National. (Point N° 11 carte itinéraire) Il y a quatre accès payants, nous arrivons par la droite à Sarmiento.

Quelques lignes sur ce parc national.  Créé en Mai 1959, entre Cordillère des Andes et steppe de Patagonie, le Parc National Torres del Paine fait partie des onze zones protégées existantes dans cette Xllème  région du Chili, dans une province appelée Ultima Esperanza. Sa superficie est 242 000 hectares, son altitude va de 20m à 3050m. En 1978 il est déclaré réserve de la biosphère par l’Unesco. Un des sites les plus visités au Chili, notamment par les randonneurs, il est équipé de nombreuses infrastructures : campings, refuges, hôtels.

L’une des caractéristiques des sommets est leur différence de couleur, claire au centre, foncée à la base et au sommet, résultat d’une superposition des matériaux sédimentaires et granitiques depuis l’origine des massifs il y a  12 millions d’années. Quand aux nombreuses vallées, elles ont été creusées par les glaciers. Les rivières et les lacs glaciaires aux somptueuses couleurs, souvent reliés par des petites chutes, sont en fait plutôt des lagunes d’eau salées riches en nutriments.

 A propos de randonneurs : l’extrême vigilance est recommandée, et notamment pas de feu. Un jeune touriste israélien Rotem Singer fut accusé en Janvier 2012 d’être à l’origine d’un gigantesque incendie, il aurait brûlé du papier hygiénique sans s’assurer que le feu était correctement éteint. 14 000 hectares de forêts, landes, furent détruites, 700 touristes évacués, le parc fermé pour quelques jours. 

Mis en détention le 31 Décembre 2011, il ressortira des prisons chiliennes le 10 Février 2012. D’après FIL INFO CHILI les charges retenues ont été abandonnées, mais en échange  il devra payer une amende de 10000 dollars et effectuer un travail d’intérêt général pendant 2 ans pour une organisation spécialisée dans la reforestation, pour laquelle il devra réunir les fonds afin de replanter 50 000 plantes.

Nous en avons le souffle coupé devant tant de beautés : montagnes enneigées, pics acérés, lacs d’un bleu intense où vivent des colonies de flamants roses, glaciers, vallées, cascades, ponts …… Avant la création du parc, le territoire était occupé par une immense (c’est peu dire !) estancia spécialisée dans l’élevage des moutons, il porte les séquelles de la surexploitation pendant plus d’un siècle des prairies, des forêts et de la faune.  

    

Parlons de la faune : y vivent des guanacos, des pumas, des renards, des cerfs …. et une bonne centaines d’espèces d’oiseaux : condors, aigles, canards, nandous, cormorans, hérons, chouettes, flamants roses …..Quant à la végétation, elle  se diversifie selon l’altitude : mousses dans les prairies, steppe avec herbages et petits arbustes adaptés au froid et au climat sec, forêts magellaniques composées de Lengas (appelé  hêtre de la Terre de Feu ou hêtre blanc)  et Coigues (arbre spécifique à la région), ce sont surtout ces dernières qui ont été en partie décimées.  

Nous longeons le lac Sarmiento de Gamboa, la route est très étroite, mais de nombreux aménagements ont été prévus pour un court arrêt, c’est ainsi que nous nous régalons devant le panorama des 3 pics des Cuernos, avec leurs cimes acérées, du massif d’Almirante Nieto, tous  se mirent dans le lac Nordenskjöld.

Un pont au-dessus de la lagune Mellizas, puis voici une partie de la région dévastée par le feu que nous longeons sur plusieurs kilomètres.

      

      

Plus au sud, arrêt panoramique au belvédère du lac Peloé, la carte postale ! un hôtel relié à la terre par une longue passerelle semble flotter sur le lac, puis voici le rio Paine, le pont Weber.

  

Après quelques autres arrêts, nous arrivons à la Hosteria Lago Grey, lodge possédant une terrasse avec une vue extraordinaire sur le Cerro Paine, d’où quelques uns… d’entre-nous souhaiteront avoir la photo du mini-groupe en souvenir, le lago Grey et ce massif enneigé de 3050m en arrière-plan.

   

L’hôtel-restaurant est situé dans un cadre extraordinaire, entouré de forêts de hêtres, une courte promenade mène à un point de vue sur le lago Grey. Le déjeuner avalé, on y va, d’abord il faut se tenir en équilibre sur une passerelle de planches, façon « pont rivière kway » ça tangue !.... pas plus de six dessus à la fois.

La petite promenade à travers bois est très sympathique, mais où ça se complique, c’est qu’à son terminus il faut sérieusement descendre, oui je sais ce n’est pas trop compliqué, mais faudra remonter (ma hantise et mon problème !) ….



 

      


Sur la plage, pour atteindre la petite digue face au lac, c’est un combat continuel et infernal contre le vent qui n’a qu’une envie, vous renvoyez d’où vous venez.... puis contourner les petits fonds d’eau. Ouf ça y est j’y suis sur cette digue ! mais un petit massif  m’empêche de voir la naissance du glacier, il faut tout en marchant sur cette proéminence,  aller le plus loin possible vers la droite, alors vous apercevrez peut-être !.. (le lac faisant une courbure) le glacier Grey. De cet endroit il est tout de même à …………17 kms ! ….

   

Il m’a fallu tant lutter pour marcher sur cette plage, je ne suis pas handicapée mais pas une sportive non plus, je regarde ma montre, je m’aperçois que je n’arriverais pas à aller jusqu’au bout, là encore le temps imparti était trop juste pour moi... J’aurais aimé pouvoir compter sur quelques photos prises par ceux de nos co-voyageurs qui y sont parvenus !  .......... 

Quelques icebergs bleus dérivants colorent cet univers, un des plus beaux paysages du voyage.

   

Un petit bateau est ancré à l’abri, disponible pour  effectuer la traversée du lac.

Un autre le M/N Grey ll, bateau très confortable, effectue quatre fois par jour l’approche de la paroi de glace, une superbe promenade parmi les icebergs, organisée par Turismo Lago Grey,  le navire s’avance à moins de 100 mètres de ce glacier qui lance ses pics aigus jusqu’à 40m vers le ciel. (photo récupérée d’après leur site)

 Je regrette beaucoup  que cette extraordinaire expérience n’était pas prévue par l’agence Kimbaya, mais aussi que Lenin, la veille ou l’avant-veille n’ait pas eu l’idée de la proposer en option.  

   Cette excursion demandait à peine trois heures, c’était très bien jouable en s’organisant un tout petit peu : départ plus tôt le matin, (on avait et on fera bien pire !....) suppression du temps mis à aller au bout de la digue (tout de même près de 3 kms A/R de marche très difficile pour finalement pas voir grand chose vu la courbure du lac et l'éloignement du glacier  !...) et si besoin arriver un peu plus tard le soir,  d’autant que les conditions météorologiques étaient au rendez-vous, contrairement à la balade de la veille sur le fjord Ultima Esperanza qui a mon avis était loin de valoir celle du glacier Grey (le Balmaceda qu’on n’approchait qu’à 300m ne tombe plus dans la mer quant au Serrano, pour l'apercevoir d'une plateforme située à 300 m, il fallait faire une marche de 30 minutes chronométrée ! ….. que peu d'entre-nous ont fait, vu le temps imparti trop juste, et la météo exécrable )

 Option qui aurait certainement remporté du succès parmi l'ensemble de nos co-voyageurs qui rêvaient de voir les icebergs de près, et avaient été comme nous bien déçus de la veille, a part  peut-être ce couple qui nous avait déjà fait de la résistance aux pingouins de Chiloé. Bons marcheurs mais anti-bateaux, en cas de désaccord, ils auraient pu nous attendre sur la plage ou explorer le coin, doooommmmagge !......

Lien de l'hôtel et de cette balade en bateau au glacier :   http://www.turismolagogrey.com/en/#

Le glacier Grey est une masse de 4 kms de long pour 30 à 40 m de haut. Le lac où se promènent quelques blocs de glace de couleur bleue est formé par la pluie et la fonte du glacier, victime lui aussi du réchauffement de la planète, il recule de 4 à 6 m chaque année.

Nous avons sillonné entièrement la route qui parcourt ce parc, avec toutefois  un petit sentiment de frustration, celle-ci n’entrant pas au cœur, n’offre qu’un petit aperçu de toutes les merveilles que le parc peut offrir, les autres sentiers étant pour les trekkeurs.

Un dernier arrêt panoramique  sur le lac del Torro   et nous retournons sur Puerto-Natales, par Serrano, la porte Sud près du Centre de visiteurs, nous préparant à être de nouveau bien secoués sur ces routes bosselées.

La journée n’est pas terminée, nous devons encore visiter « la cueva del Milodon » l’abri préhistorique d’un énigmatique animal herbivore. Nous arriverons à l’hôtel vers 18 heures 15,  c’était bien loin d’être tard  il y avait de la marge!....

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        Cueva del Milodon