Dimanche 27 Janvier 2019
Ma chambre est à l’extrémité du parc hôtelier, il y
a quelques marches, aussi je requiers l’aide d’un bagagiste, mais c’est qu’il
trace plus vite que moi ! même avec une valise de 20 kilos à traîner et ça
a bien failli qu’il ne me la charge dans le bus d’autres voyageurs. Non, non !
stop ! ce n’est pas Félix qui est au volant, ouf, c’était moins
une !... et
que j’t’aperçois quelques uns du groupe qui s'marrent, pfff…
Départ de l’hôtel
dès 8 heures, c’est qu’il y a de la route à faire pour rejoindre Santiago, et
pas spécialement de la belle, car il nous faut à nouveau traverser la Sierra
del Purial. J’admire Félix et sa conduite exceptionnelle, car Baracoa est dès
ce matin encombrée de carrioles à cheval, de bici-taxis, sans compter le nombre
important de chiens errants. Les habitants sur le bord de la route, nous prenant
probablement pour l’omnibus lui font signe de s’arrêter, cruelle désillusion
pour ces gens qui attendent peut-être depuis déjà longtemps.
Nous passons devant un zoo, le seul à Cuba, où il est possible de voir des animaux importés d’Afrique, un safari peut même être organisé pour parcourir les 42 km², au restaurant il est proposé de la viande exotique.
Maxwell nous fait découvrir un documentaire « Salut les Cubains » court-métrage réalisé par Agnés Varda qui a effectué, fin 1962, un séjour à Cuba, soit 4 ans après la révolution castriste. Ce documentaire, véritable hommage au pays, est constitué de 1500 photos triées par la réalisatrice.
Avec Michel Piccoli elle commente ce document sur les arts,
l’histoire et la culture de la république socialiste de Fidel Castro, que ce
soit sur les cigares, la religion Santeria, les peintres, les poètes, la danse
le cinéma ou même le débarquement loupé du Granma…. sans oublier le chanteur
Benny Moré décédé prématurément avant la
diffusion du film.
Maxwell interrompt le documentaire pour nous dire deux mots sur ce chanteur hors du commun, à la voix de ténor, surnommé « El barbaro du rythm ».
Considéré comme le plus grand chanteur de musique cubaine, immensément talentueux, exubérant, drôle, qui revendiquait ses origines paysannes, il possédait un don magique et maîtrisait à la perfection tous les genres musicaux. Il monta son propre orchestre, « La Banda Gigante » qui a compté jusqu’à 50 musiciens. Hélas ! grand consommateur de tabac et de rhum, il mourra en 1963 à seulement l’âge de 42 ans, d’une cirrhose du foie. A l’annonce de son décès, Cuba est sous le choc et c’est 250 000 personnes en larmes et inconsolables qui se presseront derrière le cortège funèbre.
La pause de la mi-matinée se fait sur un belvédère offrant de jolies vues sur la Sierra, les toilettes sont dans la nature, là bas au bout du petit sentier, ouups.. heureusement qu’on n’est pas une cinquantaine. A peine descendus du bus, nous sommes pris d’assaut par une dizaine de villageois qui nous proposent fruits, chocolat, boules de cacao ou artisanat, je les trouve extrêmement courageux, car ils sont venus jusqu’ici en vélos, mais sans doute espèrent-ils, avec ces français, faire le chiffre d’affaires de la journée.
Arrive une belle
américaine, la voiture bien sûr !
une Buick. N’espérant plus rien de nous,
les cubains se précipitent vers ces nouveaux touristes, ces supposés clients,
et nous, que fait-on nous !... hé bien on photographie cette auto sur
toutes les coutures. J’imagine ces pauvres gens à l’intérieur, ils n’ont même
pas osé descendre pour profiter de la sympathique vue ou se dégourdir les
jambes ! Honte à nous !....
Le second arrêt se fait au mirador Gobernadora, le parking est accessible
après avoir emprunté une route sur 800m. Maxwell fait durer le suspens ou le
plaisir, comme vous voulez ! Il y a un flic ou pas ? oui ?
non ? « Parce que, vous savez mes amours, depuis
l’accident, la route est interdite aux bus, l’employé qui doit encaisser le CUC
n’est pas là, alors profitons en ! » tu parles, gros baratin !
car je n’imagine pas Félix, employé d’Etat, devant inscrire tous ses trajets, même
les arrêts, aller contre une interdiction, interdiction qui lui aurait été signifiée
il y a de cela tout juste 30 minutes par un flic !!!...
Que croyez vous que le gardien de la tour de guet fit,
lorsqu’ il vit surgir au détour d’un virage, ce gros bus contenant plusieurs
dizaines de clients potentiels, hé bien, il
est sorti de sa cache, il s’est radiné, pardi ! Et voilà, comment quelques
instants plus tard, après avoir gravi une quinzaine de marches mais délestée
d’un minuscule CUC, je tente, j’écarquille les yeux pour essayer de voir, ne serait-ce
qu’un infime morceau de ces installations américaines.
Deux paires de jumelles sont à disposition, on se
les passe tour à tour, et dire que j’en ai dans ma valise !...Maxwell
tente bien d’indiquer la direction où regarder, mais c’est tout de même à 15
kms à vol d’oiseau : l’île, l’aéroport permettant de recevoir les
marchandises venant des USA, les ferries, l’école allant de la primaire
jusqu’au lycée, le magasin de souvenirs, l’église, la prison où sont encore
enfermés quelques talibans. Les 7000 militaires qui y vivent perçoivent un
salaire allant de 2000 à 3000 dollars mensuels.
Le site aménagé seulement depuis 2015 est agréable, verdoyant, avec beaucoup de yuccas, de cactus, au bar-restaurant il est possible de s’octroyer une pause. On y trouve aussi une boutique de souvenirs, des tables de pique-nique ombragées par un toit de feuilles de bananiers, des allées bien dessinées, propres.
Et nous reprenons la route en direction d’une finca pour y déjeuner, nous y croisons un camion, les remorques remplies de canne a sucre.
Puis Maxwell nous parle d’un oiseau qui vit exclusivement
à Cuba, et dont la particularité est d’être le plus petit oiseau au monde, le zunzuncito ou
colibri-abeille ne mesure que 5 cms et pèse 1,8 grammes, la taille d’un
insecte ! Cet oiseau qui nécessite un environnement dense en végétation, est
classé espèce « quasi-menacée » car il est victime, bien sûr de ses
prédateurs : grenouilles, poissons… mais aussi de la déforestation. Si
rien n’est fait, ce magnifique oiseau aura certainement disparu d’ici quelques années.
Il nous fait voir à préent une carte postale représentant le « mariposa blanc » fleur nationale de Cuba. Cette fleur symbole, qui fût utilisé lors de la période de « guerre des 10 ans » (1868-1878) est un emblème du pays, tout autant que le drapeau, l’écusson ou le palmier.
La ferme bio Juanica Cuba, à 20 kms de Guantanamo est située
en plein cœur d’une importante végétation tropicale. Un cocktail sympa
(gingembre, rhum et miel) nous est offert, une fine tige de canne à sucre fait
office de mélangeur.
Voici quelques poules puis un agouti, sorte de rongeur de la taille d’un lapin.
Après avoir descendu un escalier de pierre d’une cinquantaine de marches qui s’enfonce encore plus dans ce que moi j’apparente, sur le moment, à de la jungle amazonienne, j’arrive alors devant une terrasse couverte : le restaurant.
Sur une grande table est exposée pas moins d’une vingtaine d’entrées différentes. De temps à autre, le propriétaire armé d’une feuille de bananier chasse ce qui doit être chassé. A Cuba, un petit détail qui m’a quelque peu amusée, les fruits sont servis en entrée.
Une nouvelle fois, c’est le cochon rôti à la broche qui
nous est servi, celui-ci à notre arrivée n’est pas tout à fait cuit, aussi
assistons-nous à cette opération lente, minutieuse qu’est de devoir rester
immobile à tourner une broche pendant des heures.
Ici les fermiers vous préparent un café, à partir de leurs propres récoltes.
Il y a encore de la distance pour arriver à
Santiago, on roule à présent sur une belle route, route qui est parfois traversée, inopinément, par un troupeau de
vaches, pépères les miss !...
Maxwell nous narre un incident navrant qui
s’est passé en 1976 :
Une bombe qui fut posée dans
les toilettes lors d’une escale, fit exploser le vol 455 de la compagnie
aérienne cubaine, pas loin de la Barbade. 73 personnes ont trouvé la mort, dont
24 jeunes qui venaient de remporter les championnats d’escrime d’Amérique
centrale. Des documents rendus publics en 2005 ont démontré que l’agence de
renseignements, la CIA était au courant de ce qui était fomenté et n’a pas
cherché à stopper cet attentat.
« Tu devais nous parler de la femme de Raoul ! » lui rappelle Dali. « Ah oui, vous voulez savoir ce que cette femme a fait pour le Cuba ? » « Oui, bien sûr » répond-t-on à l’unanimité. Voici donc en quelques lignes la destinée de cette femme qui figura parmi les trois grandes figures féminines cubaines.
Vilma Espin Guillois est née en 1930 à Santiago, Jeune, c’était une révolutionnaire qui travailla dans l’armée rebelle. Elle épousa Raoul Castro qu’elle connût à Mexico où il s’était exilé avec son frère Fidel. En 1960, après la révolution, elle créa la Fédération des femmes cubaines, puissante organisation au service de la révolution qui regroupe plus de 4 millions de femmes, organisme qui lutte pour l’égalité des sexes. Elle fit ériger une loi accordant aux femmes un congé maternité, créa des garderies, se battît contre l’analphabétisme et la malnutrition des enfants. Aujourd’hui une femme peut écrire à la Fédération Cubaine pour contester son licenciement.
Félix stoppe le
bus pour nous permettre de découvrir, juchée sur une colline, l’église la plus
célèbre du pays, la
Basilique de Nuestra Seήora de la Caridad del Cobre
,
dans le village d’El Cobre. (Point N° 5 carte itinéraire) Aux abords
de ce village, des commerçants installés sommairement sur le bord de la route,
proposent des petites vierges, des bouquets de fleurs.
Ce village situé 20 kms à l’Ouest
de Santiago de Cuba, était autrefois connu pour ses mines de cuivre exploitées jusqu’en
1807 par des esclaves, mines fermées depuis 2000. Aujourd’hui il est réputé pour
son église où l’on peut voir, tout en haut d’un superbe autel en
marbre, protégée par une vitrine puissamment éclairée, une statue de la Vierge,
tant éclairée qu’il est impossible de la discerner correctement. Cette madone
noire de seulement 40 cms, porte des habits dorés, une couronne incrustée de
divers diamants, elle ne sort de son écrin que le 8 Septembre pour une
procession en son honneur.
Le parking étant situé à l’arrière de la basilique, nous
passons devant les mines désaffectées et entrons par cette issue, nous
en ressortirons en empruntant le grand escalier.
En 1606, trois esclaves noirs qui recherchaient du sel
dans la baie de Nipe sont pris dans une tempête, c'est alors qu'ils trouvèrent la statue de
cette Vierge qui flottait, avec l’inscription « Yo soy la
Virgen de la Caridad » Il est dit que cette Vierge les a sauvés d’une noyade
certaine.
Ces esclaves ont d’abord emmené cette statue au village de Barajagua
où fût bâti sommairement un autel de planches dans une hutte. Plus tard un
ermitage fut construit en 1648 au bord de la mine de cuivre, mais celui-ci
s’effondra en 1906, à cause des explosions. C’est alors qu’un sanctuaire vit le
jour en 1926, sanctuaire proclamé basilique en 1977 par le pape Paul VI et la
vierge fut alors déclarée sainte patronne de Cuba.
Cette basilique construite
au sommet d’une petite colline entourée par les montagnes de la Sierra Maestra,
est aujourd’hui un haut lieu de pèlerinage. Depuis le village, on y accède par
un escalier de 254 marches. Sa façade blanche est surmontée d’un clocher
central couronné d’un dôme en briques rouges, et flanquée de deux tours.
En 1998, le pape Jean-Paul ll a offert une couronne en or et un manteau orné de pierres précieuses. En 2015, l’actuel pape François y a déposé un vase en argent portant ses armoiries.
Des milliers d’ex-votos de pèlerins sont exposés, dont la barbe des rebelles qui ont survécu à la guérilla, un objet ayant appartenu à la mère de Fidel Castro qui venait demander protection pour ses enfants. On voit également une multitude d’objets aussi hétéroclites que des béquilles abandonnées par les miraculés, des lettres adressées à la vierge, des mèches de cheveux, des balles de base-boll gagnées après chaque victoire de la ligue, des ballons de football, des cd de chanteurs, des maillots d’athlètes, des médailles olympiques, des diplômes universitaires….Il est dit aussi qu’Hemingway qui a vécu quelques années à Cuba, aurait offert la Médaille qu’il reçut en 1954 lorsqu’il fut nommé Prix Nobel.
Une pancarte, indiquant qu’au-delà d’un certain
endroit les photos sont interdites, freine mon élan, ça va faire loin ! mais on a
été repérés, impossible de s’approcher de l'autel l’appareil à l’œil. Alors pour
voir de plus près la Vierge, je dois planquer mon appareil photo dans mon sac.
Tout près de celui-ci, de chaque coté, des jeunes femmes vendent de beaux
bouquets de fleurs, des fleurs du tournesol, la couleur jaune étant la dominance
de ce sanctuaire.
Les femmes enceintes viennent prier la Madone pour le bon déroulement de leur grossesse et de leur accouchement. Chaque foyer cubain se doit d'avoir sa statue de la Vierge
De chaque coté du portail d’entrée, un buste, à droite celui de Jean-Paul ll, à gauche celui du padre Felix Varela qui fut le premier à se déclarer pour l’abolition de l’esclavage à Cuba.
Nous devrions arriver à l’hôtel d’ici une demi-heure,
Maxwell profite de ce laps de temps pour nous rappeler qu’à Cuba, tout le système de soin est gratuit,
que ce soit médecins, infirmières, médicaments, y compris les services funéraires, mais pas l’incinération,
précise-t-il, qu’ils ont chaque année 6000 diplômés en médecine. A 60 ans, la personne qui a travaillé peut prendre
sa retraite, les maisons de retraite sont gratuites à la condition toutefois que la famille du futur résident ne soit
pas en mesure de l’accueillir.
Il nous dit aussi qu’avant l’élection
de Fidel Castro, les femmes n’avaient pas le droit de travailler, ces dernières
étaient domestiques dans les maisons des riches, que l’avortement était interdit,
que les plages étaient privées, qu’un noir n’avait pas le droit d’y aller…
Il nous parle aussi d’une année maudite : 1994 et la crise des balseros
Pour se venger de l’embargo américain,
Fidel Castro a fait croire à ses concitoyens que Miami était prêt à les accueillir,
il laissa ainsi 30 000 cubains
s’embarquer vers cet eldorado, fuites éperdues sur des radeaux, les balsas, ou accrochés à des chambres à air.
Les gardes-côtes américains les ont, bien évidemment, capturés puis emprisonnés sur leur base de Guantanamo.
Castro ne s’est absolument pas soucié de leur sort et c’est au bout d’un an que Clinton
leur donna l’asile politique, une petite victoire d’amour-propre pour Castro,
mais une pensée pour ces pauvres gens qui, après avoir risqué leurs vies pour en espérer une meilleure,
sont restés prisonniers pendant un an.
Puis c’est le retour à l’hôtel Melia de Santiago pour une nuit, car demain
nous prenons la route pour Bayamo.
Sur ce, je vous dis bonne nuit et à demain pour la
suite de mes aventures