Lundi 28 Janvier 2019
(Si l'hymne qui dure seulement une bonne minute,
démarre dès l'ouverture de la page, j'en suis sincèrement désolée, mais vous pouvez le stoppez,
en faisant pause sur le mp3 qui se trouve un peu après la carte.)
Ce matin, ça s’est nettement rafraîchi, il pleut même un peu, il va falloir prévoir le kway, d’ailleurs Maxwell ce soir nous fera sourire, ayant revêtu pull et bonnet de laine !.... il fait tout de même 22° ! Mais cette pluie ne va pas durer et dès notre première sortie, le soleil est de retour.
Maxwell nous parle du système électoral en vigueur qui est, faut l’avouer, un peu complexe. Ici le simple cubain ne peut pas voter pour son président d’Etat, et pourtant à une époque Danielle Mitterrand ne disait-elle pas de Cuba que ce pays représentait une « authentique idée de la liberté »
Le système est pyramidal, le citoyen lambda élit un président de quartier, quartier qui est une des nombreuses divisions des 169 municipalités présentes sur l’île. Puis ce président de quartier vote pour un président provincial qui lui-même vote pour les législatives, qui votent pour l’Assemblée Nationale, et ce sont ces députés qui élisent les membres du Conseil d’Etat qui mettront un homme à la tête de l’Etat. Lors des élections de quartier, la moitié des candidatures proviennent d’une personne méritante, patriotique, de bonne valeur morale, appartenant à la Centrale des Travailleurs, ou à la Fédération des femmes cubaines.
Information curieuse : lors des élections, il y n’y a pas plus de candidats que de sièges à pourvoir.
Ainsi Maxwell nous confie qu’il a voté pour son président de quartier, et non pas pour Miguel Diaz-Canel (seul candidat) qui a été élu par l’Assemblée Nationale le 19 avril 2018.
Les condamnés ne peuvent pas voter, ce qui est bien
pratique pour le Comité de défense de la Révolution qui n’hésite pas à emprisonner
tous les dissidents bien
évidemment ceux-ci n’ont absolument pas le droit de se présenter à une
quelconque élection, le parti surveille. Les campagnes individuelles sont
interdites, pour se faire son opinion le citoyen se réfère aux informations
biographiques de chaque candidat, renseignements affichés en public par les
autorités. Les urnes sont, par tradition, gardés par les enfants et
adolescents.
A Cuba, quoique le vote ne soit pas obligatoire,
82,9% de la population se dérange pour aller aux urnes, 98% de celle ci est
d’accord avec le système, faut il y voir ici une pression de la part du Comité
de Défense de la Révolution ? Une nouvelle constitution doit voir
le jour fin Février 2019. Elle est le fruit de propositions faites lors de débats
populaires auxquels ont participé 8,9 millions de cubains, soit pratiquement
toute la population. Cette constitution largement…. retouchée par les 560 députés,
a été adoptée à l’unanimité par le Parlement, elle reconnait l’investissement
étranger, interdit à un président d’Etat de se présenter à un troisième
mandat, comme ce fut le cas pour Fidel Castro qui gouverna 33 ans, mais n'accepte toujours pas le mariage gay.
On se dirige à présent vers une maison et prenons place dans un patio, pour écouter le groupe « Enhorabuena » qui va nous offrir un mini-concert de musiques traditionnelles cubaines, salsa, cha-cha… Un cocktail sans alcool, au jus d’orange est proposé pour 2 CUC. Le responsable du groupe nous accueille avec un français charmant mais très accentué, hélas pas toujours compréhensible.
Alors écoutons ces chansons qui nous auront été distillées à chaque repas, midi et soir, mais dont je ne me suis pas lassée « Guantanamera » et « Che Guevara » Je vous offre bien volontiers un court extrait, à peine 4 minutes, de la prestation de ce sympathique groupe.
Ce moment de récréation passée, nous allons à la découverte de :
ì Bayamo. (point N° 6 carte
itinéraire) Aujourd’hui cette ville située à près de 800 kms au SO de la
Havane est si tranquille, si calme, que l’on peine à imaginer qu’elle fut le théâtre
d’évènements sanglants qui lui soudèrent son destin.
Quelques lignes d’histoire. Tout est mis
en œuvre dans cette ville fondée en novembre 1513 par Velázquez pour lui
assurer une croissance sans heurts : la suppression de la résistance
indienne avec l’exécution du cacique indien Hatuey, qui opposa une résistance
farouche aux espagnols, un emplacement à l’intérieur des terres hors de portées
des pirates qui alors sévissaient et une
plaine fertile pour l’agriculture et l’élevage.
Mais Bayamo connût un épisode tragique lié à la lutte pour l’Indépendance, lorsque le 20 Octobre 1868, un groupe de patriotes et intellectuels de la région, dont Cespedes, qui s’inspirant de la Révolution française, après avoir libéré ses esclaves, et Figueredo, entrèrent dans la ville en conquérants. Trois mois plus tard, le 12 Janvier 1869, face à la menace de l’armée espagnole, les habitants préfèrent réduire leur propre ville en cendres plutôt que de la voir tomber aux mains de l’ennemi, acte patriotique qui lui confèrera le titre de Monument National.
C’est alors que Maxwell nous fait part que, contrairement
à ce qui est prévu il n’y aura pas de visite de la ville en calèche, celles-ci
ayant été, semble-t-il !..toutes réquisitionnées pour une
commémoration en l’honneur de José Marti. Il en a fait part à Havanatour nous
dit-il et il faudra en référer à nos agences, c’est certain que ça va leur
faire une belle jambe, à nos agences !... Bref ! on part donc à pied
pour une découverte succincte de la place centrale.
v La plaza de
la Revolución. C’est une belle place encadrée d’édifices néoclassiques
repeints de frais. Dans le square, je m’arrête le temps de regarder ce buste de
Pedro Figueredo entouré de plaques de bronze sur
lesquelles sont gravées les paroles et la partition composée par ce musicien-patriote,
hymne qui fut joué pour la première fois, dans l’église, en Juin 1868. Une
plaque rappelle ce souvenir. Un monsieur âgé qui passait par là, sur la demande
de Maxwell nous fredonne « la Bayamesa » (le chant de
Bayamo) cet hymne qui deviendra l’hymne national.
Bravo monsieur ! (
Toujours sur cette place de la Révolution, que l’on retrouve d’ailleurs dans
toutes les villes de Cuba, se trouve :
« La statue de bronze du héros de l’Indépendance, Carlos Manuel de Cèspedes, « le père de la patrie ». Face à cette place :
« La casa de Carlos Manuel de Cèspedes ou naquit le 18 avril 1819 ce personnage marquant de la première guerre d’Indépendance. Cette maison d’un étage est une élégante demeure coloniale. Poursuivant mon exploration pédestre, j’arrive sur une autre grande place dominée par une église encadrée de maisonnettes colorées, voici la :
v Plaza del Hymno Nacional. En face de l’église, une petite maison blanche, la Casa de la Nacionalidad Cubana qui abrite aujourd’hui le bureau de l’historien de la ville.
Le temps d’un arrêt rapide à la
Poste, impossible à louper tant sa couleur bleue jette…. histoire d’acheter les
timbres, le groupe mené par Maxwell est déjà hors de vue Maxwell t’es
où ? ou t’es Maxwell ? mais là je
n’ai pas pris de risques et ne suis pas seule, monsieur ayant attendu madame
indique la route que le groupe a empruntée, fort heureusement tout près …
C’est ainsi que je pénètre dans l’antre de la « Cuchipapa » restaurant à la décoration sympathique et surtout très colorée, telle cette cuisine dont l’accès ouvert est arrangé d’une manière originale avec de bien belles briques peintes en rouge.
Ce rustique restaurant se targue d’être situé en plein centre du cœur historique de la ville. Tout en appréciant mon plat j’aperçois les cuisiniers qui s’affairent, des musiciens nous accompagnent. C’est tout mignon ce décor avec ce poste de radio et ce tourne-disque des années 50, objets qui me transportent à une autre époque.
Un peu plus loin, voici un moulin à manivelle, pour extraire soi-même le jus de la canne à sucre, objet joliment restauré constitué de plusieurs roues crantées.
Face à moi, une carte de l’île en relief, sa couleur
et sa structure me font penser à du pain d’épices, je la croquerais !... la carte est
lumineuse, les principales villes devraient être éclairées, aujourd’hui elles
ne le sont pas, peut-être sont-ils en panne de courant !..... Sur les murs
de briques sont accrochées des ardoises rouges, sur lesquelles sont inscrits les menus et le prix des cocktails.
Là ce sont des photos de probables personnalités venues dans ce lieu. Tranquille
sur son perchoir, une perruche sans doute curieuse, épie nos faits et gestes.
Et je ne vous ai
pas encore parlé des toilettes ! sur chaque porte, une pancarte avec le dessin d’un boniato
(patate douce) et d’un yuca (manioc) citant les principales caractéristiques de
ces légumes omniprésents à Cuba. Est-ce leur façon de distinguer les deux toilettes ?
Derrière le barman,
lui-même en partie dissimulé derrière les nombreuses bouteilles de rhum, le
regard caché sous son chapeau, je peux lire une citation de Carlos Manuel de Cèspedes, avec
le portrait de ce héros en filigrane.
Pourquoi ce nom de Cuchipapa ? il vient d’un mot ancien Cuchipanda, qui désignait un ensemble de plats de nourriture légère qui était goutée dans les célébrations traditionnelles.
Nous avons près de quatre heures de
bus avant d’arriver à Camaguey, aussi Maxwell nous parle des conditions de vie
des cubains, à cause de l’embargo américain qui aurait pu se lever sous le
gouvernement d’Obama, mais qui s’est renforcé à l’avènement de Trump. Ce
dernier demandant que Cuba instaure un système
démocratique et capitaliste, auquel Diaz-Canel aurait répondu
que Cuba ne fera pas de concessions sur sa souveraineté et
n’acceptera pas qu’on lui impose des conditions.
Bref ! ça me paraît bien mal parti pour une levée de cet inutile embargo.
Je pense par exemple à ces sportifs et athlètes de haut
niveau qui n’obtiendront jamais de visa pour participer aux grandes compétitions, si elles ont lieu aux USA.
Je pense aussi aux exilés cubains qui ne peuvent rendre visite à leur famille. L’O.N.U. chaque année vote avec une
majorité des voix la levée de ce ridicule embargo. François Hollande est venu à Cuba
en mai 2015, soutenir lui-aussi cette levée, même le pape François s’est exprimé à ce sujet,
mais jusqu’à présent rien n’y fait.
u Le 3 janvier 1961, les États-Unis gouvernés alors par John F Kennedy rompent leurs
relations diplomatiques avec Cuba, en réponse à l’installation de missiles
soviétiques sur l’île, le monde est alors au bord de la guerre nucléaire. Cette rupture étant suivie par tous les pays du
continent américain ainsi que par une grande partie des alliés
occidentaux des USA, Cuba est presque totalement isolé du monde. Mais l’Union
Soviétique, en soutien à la révolution menée par Castro et Guevara, apporte en
1959 son aide au pays, permettant à son peuple de tenir tête à l’impérialisme
américain.
Lorsque l’Union Soviétique aidait Cuba, la population ne manquait de rien, avait un salaire correct, du carburant, assez de nourriture, des subventions, en échange de sucre et de nickel. Mais tout a changé vers 1991, lorsqu'à la chute du bloc communiste la manne s’est arrêtée. Cuba est alors entré dans une ère de grand isolement et de difficultés économiques. Pendant plus de 10 ans, les cubains ont passé des moments terribles, approvisionnement en électricité très insuffisant entraînant des pannes pouvant durer entre 18h et 24h, les queues qui s'allongent devant les magasins d'Etat, pratiquement plus approvisionnés.
C’est alors que début 2009, Raoul Castro s’est rendu à Moscou, rencontre qui a abouti à l’attribution de 25 000 tonnes de céréales, à titre humanitaire, et l'octroiement de 170 millions de dollars de crédit accordé pour acheter du matériel agricole et de construction. En 2014, Poutine annule 90% de la dette cubaine envers Moscou, donnant un sacré bol d’air à ce petit pays.
Aujourd’hui Cuba peut compter sur d’autres pays amis avec, malgré l’embargo, l’implantation sur son sol de sociétés étrangères. L’embargo américain à forcé Cuba à développer sa propre industrie pharmaceutique aujourd’hui florissante, le pays possède l’un des meilleurs systèmes de santé au monde, des milliers d’étrangers viennent s’y faire soigner.
Le tourisme est la principale entrée de richesses, à tel
point que les médecins, quoiqu’interdits d’avoir une seconde profession,
trouvent le métier de chauffeur de taxis plus lucratif, activité qu’ils
pratiquent le soir après leur journée.
Lorsqu’on lui pose la question sur la présence des
hommes au travail, Maxwell est un peu flou sur le sujet, il nous affirme que la
personne qui travaille pour le gouvernement, peut aller et venir « tu
sors, tu rentres, parce que dit-il, si il y a quelque chose à manger dans un
magasin, il faut aller sans tarder s’y approvisionner, tu reprends le travail
ensuite » … Voilà, pendant que Maxwell nous donnait toutes ces
informations fortes instructives, Félix traçait la route, on est ainsi arrivés
à Camagüey et nous nous installons à l’hôtel Gran Hôtel.
Je ne cède pas à la panique, je n'ai pas peur, mais Camagüey n’est
tout de même qu’à 500 kms de la Havane, ce qui me paraît, à cet instant, bien peu. Cet
évènement est tout de même anormal, car Janvier n’est pas du tout une période
de tornades. A présent, je vous invite à continuer de me suivre dans ce périple cubain,
avec tout d’abord, une petite balade nocturne, à la suite de Maxwell, dans le
centre de Camagüey. Après une pause à La
Tunas, où une petite boutique sympa propose livres, tee-shirts, souvenirs, et
même timbres, me permettant de faire mon plein, nous reprenons la route pour
Camagüey. Le timbre pour la France coûte 0,70 CUC ou 0,90 CUC, selon si c’est
sous enveloppe ou pas. Ceux que j’ai achetés représentent un hélicoptère, j’aurais
préféré qu’ils soient illustrés par un héros de la révolution, ou par des
instruments de musique, dommage ! Au moment où j’écris ces lignes, quelques
cartes postales viennent d’arriver.
Après dîner, je regarde TV5 et stupéfaite, qu’apprends-je aux informations ?
j’apprends qu’il y a eu la nuit dernière, dans un quartier du Sud-Est de la Havane, une tornade qui a fait 4 morts
et 195 blessés, la maternité a été évacuée, le réseau électrique est abîmé, 1238 maisons sont endommagées
dont 347 entièrement détruites, les champs de tabac dévastés, les bus et voitures renversées, plusieurs arbres
ont été déracinés.
Les vents ont alors soufflé à plus de 250
kms/heure, un évènement sans précédent
dans la capitale depuis 50 ans, mobilisant 134 brigades venues de tout le pays. Cette tornade a parcouru
en 16 minutes une distance de 11,5kms à une vitesse de 42,6 km/heures. D'un diamètre de 500 m à son début,
celui-ci était de 1000 mètres à la fin de sa trajectoire.
Le président Diaz-Canel s’est rendu
sur les lieus. A ce moment, j'ai une pensée émue
pour tous ces pauvres gens. (Ci-contre, photo récupérée sur Internet)