Camagüey<

                     Lundi 28 Janvier (suite)      (point N° 7 carte itinéraire)

             Mawxell propose une petite balade nocturne, il n’est que 18 heures mais il commence déjà à faire sombre, dans une des rues piétonnières du centre historique. Alors allons-y ! c’est ainsi qu’en longeant la calle Républica, petite rue étroite et rectiligne qui traverse toute la ville du nord au sud et qui est bordée de belles demeures coloniales, j’arrive à :

              L’hôtel Colon. Maxwell qui a enfilé non seulement un vêtement de pluie mais aussi un bonnet de laine « Mais quelle allure tu as, mon gars !  » donc je disais Maxwell nous incite à pénétrer dans le hall d’entrée.

            Cet hôtel inauguré en 1926, mais brillamment restauré, est situé en zone historique, ce bâtiment de style colonial  a conservé sa décoration en bois précieux et son mobilier d’époque. Une maquette de la Santa-Maria, la première goélette  de Christophe Colomb qu’il utilisa pour découvrir le Nouveau Monde, prône fièrement au milieu du hall d’entrée.

            Après un rapide passage devant le Parque del Amor, où j’y discerne arbustes et bancs colorés, ça doit être sympa de s’y retrouver aux heures chaudes ! parc surtout connu pour disposer d’ une zone wifi, j’arrive sur :

               La Plaza del Gallo, bordée par un superbe bâtiment décoré, à arcades qui abrite la pizzeria du même nom. Cette place est dominée par l’Iglesia Nuestra Seήora de la Soledad, une des nombreuses églises de la ville. « Ecoutez moi, mes amours ! » c’est ainsi que Maxwell attire notre attention pour nous donner ses instructions. « Vous voyez, là-bas, c’est l’hôtel, après avoir récupéré vos valises, vous y allez à pied » Le « Gran Hotel » n’est effectivement qu’à une quarantaine  de mètres, Félix, en position warnings, se stationne dans une rue adjacente, le temps pour chacun de récupérer son bagage, pour cette opération, la prudence est plutôt de mise.

            C’est donc en traînant ma partenaire à roulettes que je pénètre dans l’hôtel, dans les pas d’Hemingway, peut-être même vais-je avoir la chambre qu’il a eue lui !  l’hôtel dispose d’un ascenseur,  mais si petit qu’on ne peut guère y entrer qu’une personne à la fois,  ça va prendre un temps fou. !  Les chambres sont réparties sur cinq étages, autour d’un joli patio verdoyant, le vestibule qui y accède est protégé par des balustrades ouvragées.  Au-dessus du restaurant, une terrasse permet de profiter d’une superbe vue  à 270° sur la ville illuminée et ses églises.

           A 21 heures, l’hôtel propose au sous-sol un ballet aquatique, lassée j’ai un peu la flemme d’y aller, et pourtant ce n’est pas faute d’y avoir été conviée par Maxwell qui, d’après ses dires  y participerait, il n’est plus à une bêtise près, alors faut-il le croire  Le groupe est composé de cinq membres, d’athlètes de haut niveau, mais aussi de champions panaméricains à la retraite, alors comme il nous a certifié avoir été champion de base-ball, alors après tout pourquoi pas ! n’y étant pas allée, je n’aies donc pas la réponse.

           C’est ce soir, en allumant la télé que j’apprends, avec tristesse, le passage meurtrier d’une tornade à La Havane, dont j’ai cité les ravages sur la page précédente.

             Mardi 29 Janvier

           Je ne peux pas quitter  l’hôtel sans être repassée par la terrasse et pouvoir ainsi jeter un ultime regard sur les toits de cette ville à l’immense patrimoine culturel, cité inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2008.

           Ce matin, le ciel est très couvert, ça sera dommage pour les photos.

            Quelques lignes d’histoire. Camagüey, 3ème  ville de Cuba avec 320 000 habitants, fût l’une des sept villes fondées en 1514 par Velázquez. Construite sur la côte Nord, sous le nom de Nuestra Seήora de Santa Maria del Puerto Principe, elle fût déplacée vers l’intérieur des terres pour échapper aux révoltes des indiens qui s’opposaient aux Espagnols, ainsi qu’aux attaques de pirates. Terre  d’agriculture et d’élevage, la ville vit principalement de la culture de la canne à sucre.

           Une quinzaine d’édifices religieux lui valent le surnom de « Cité des Eglises » C’est aussi la ville des « tinajones », ces grandes jarres en terre cuite pouvant mesurer jusqu’à 2m de profondeur ont été façonnées par les Catalans afin de conserver autrefois l’eau en période de sécheresse, mais aussi l’huile, les graines, on en aurait dénombré plus de 16 000 dans la ville. Aujourd’hui  enterrées elles servent à collecter l’eau des pluies ou utilisées comme garde-manger.

           Camagüey se targue également d’être le berceau des lettres, nombreux écrivains français y sont venus (Voltaire, André Gide, Victor Hugo, Paul Eluard, François Mauriac…) Ici est née la littérature cubaine, avec le tout premier ouvrage écrit sur l’île en 1608 : Espejo de paciencia, un long poème épique de Silvestre de Balboa. C’est également à Camagüey que l’on trouve un atelier de fabrique de violons, dont la renommée est nationale.

            Il est dit que le labyrinthe de ses rues sinueuses a été tracé délibérément pour égarer les pirates, dont les incursions étaient nombreuses au 17ème siècle. Les maisons  aux portes hautes, aux fenêtres fermées par des balustres en bois ou en fer forgé ouvragé, aux toits de tuiles cuites par le soleil pourraient faire penser à une ville d’Andalousie, détrompez vous ! on est  bien à Camagüey sur l’île de  Cuba, joyau d’une ancienne colonie espagnole, Cette si particulière architecture a pu être préservée grâce à son isolement géographique, en effet le train n’y arrivera qu’en 1903.

            Depuis l’hôtel, en quelques pas me voici arrivée devant :

              * L’Iglesia de Nuestra Seήora de la Soledad, à la tour pittoresque, ancien ermitage construit en 1776. C’est ici que le patriote Ignacio Agramonte fut baptisé en 1841 et se maria. Tout à coté :

               La Plaza de los Trabajadores, (Place des Travailleurs) est une grande place bordée de nombreux édifices importants. Le grand bâtiment bleu et blanc avec une image du Che abrite El Correos, la maison jaune mitoyenne appartint autrefois à la richissime famille d’Agramonte, à coté la maison de la radio et un peu plus loin c’est le siège d’une banque. Mais quel est donc ce superbe et haut  immeuble d’angle bleu qui attire tous  les regards ? je le trouve magnifique avec sa coupole ajourée à son sommet, ce n’est rien de moins que le Palais des Congrès Santa Cecilia.

        



           

           Au nord de cette place, voici :

              L’Iglesia de la Merced à la façade baroque, construite en 1748. A l’intérieur, j’y admire un saint Sépulcre exécuté en 1762 à partir de 20 000 pièces d’argent fondues, pièces offertes par Manuel Agüero qui, à la mort de sa femme, entra dans les ordres.

          Près de l’autel, un escalier descend aux catacombes où sont exposés pêle-mêle divers objets religieux. En face de l’église, voici :

               La Casa natal d’ Ignacio Agramonte transformée en musée depuis 1973.

           J’y ravale ma déception car les photos y sont strictement interdites.

           C’est une grande maison ocre avec un balcon en bois brun courant tout le long des façades. Ignacio Agramonte alors avocat s’engagea dans la lutte pour l’Indépendance, c’était un mambise (combattant se cachant dans la forêt) qui combattit les espagnols armé d’une machette, l’arme symbolique de la rébellion, il mourut au combat en 1873 à seulement 31 ans. Dans le patio, sont placées quelques tinajones qui servaient à récupérer l’eau.

           Au premier étage, les différents salons présentent les souvenirs personnels du patriote (son révolver, le piano ayant appartenu à sa femme, Amalia Simoni ainsi que des photos de famille). On y voit aussi la photo des protagonistes qui ont signé la 1ère constitution. Le second étage était réservé aux domestiques.

           A sa mort, son cadavre fût exposé à l’hôpital de Saint-Jean-de-Dieu, avant d’être brûlé le lendemain et ses cendres éparpillées aux quatre vents, les espagnols s’emparèrent de la maison, en firent une taverne et fêtèrent la mort du patriote.

            Pour découvrir les autres recoins de cette ville mystérieuse, nous utilisons les bici-taxis.  C’est donc Serge, seul lui aussi, qui va être pour l’occasion, mon binôme  

            Le premier arrêt est pour le *Théâtre National, inauguré en 1850, mais refait en 1926 après un incendie. S’y produit le « ballet de Camagüey »  l’une des plus grandes troupes d’Amérique latine. Puis notre cycliste nous mène à :

            * La plazza del Carmen où prône la curieuse   Iglesia del Carmen de style baroque à la façade rose clair surmontée par deux clochers.

            Et hop ! retournons à nos vélos !... nous nous dirigeons maintenant vers   la « Place de San Juan de Dieu » vaste esplanade aménagée en 1732 et magnifiquement restaurée. Avec ses belles maisons pastel (bleu lavande, vieux rose ou ocre) datant du 18ème, ces tinajores posées ça et là, c’est un véritable joyau de l’architecture baroque.

           Cette place est un hommage au prêtre José Olallo Valdès, décédé en 1889 et canonisé en  2008 qui a consacré toute sa vie aux malades de l’hôpital de la ville. A l’intérieur de  la petite  Eglise San Juan dos Dios, on peut voir dans la nef sa statue, ainsi qu’ un bel autel de la Sainte Trinité.

     

           De retour sur la place, je remarque, intriguée, quelques statues de bronze représentant, à échelle réelle, les habitants dans leur vie quotidienne : 3 commères qui chuchotent devant l’église, la chaise vide incite à faire un vœu, des amoureux, un homme, (Norberto Subirat Betancourt) décédé depuis peu, qui lit son journal assis sur un banc, un autre qui transporte des jarres dans une brouette artisanale. Ces sculptures sont l’œuvre de Martha Jimènez Pérez.

    

           A cet instant, je constate et je trouve curieux que toutes ces églises et ces maisons soient étincelantes, car fraîchement repeintes. Si tout  est si beau, c’est parce que la ville s’est refaite une beauté en Février 2014, à l’occasion de la célébration de ses 500 ans, tout comme le fut la réalisation de ces sculptures de la place San Juan dos Dios.

           L’atelier de Martha Jimènez Pérez est installé sur cette place, nous y entrons un court instant, puis  une brocante attire l’attention de Maxwell, nos intrusions n’ont même pas interrompu la sieste de madame, mon regard est attiré par une caisse enregistreuse à touches, une balance à pièces et de belles jarres situées dans la cour.

           Qu’est-ce ? un chien avec une jupe, des lunettes sur les yeux, un ruban terminé en noeud sur le sommet du crâne !  Faudra que je me fasse à cette idée, les cubains ont de la suite dans les idées, tout est bon pour solliciter quelques CUCS de la part des touristes.

           Nos bici-taxis nous amènent maintenant au  Parque Ignacio Agramonte, cette fois nous leur faisons nos adieux, non sans leur avoir octroyé un pourboire pour ces hommes payés 15 CUC par mois. (environ 14,50€)

           Cette place dominée par la statue équestre du héros Ignacio Agramonte est en ce moment en travaux, les ouvriers lustrent le carrelage, des rubans nous empêchent d’approcher, dommage !

           Cette place, la première de la ville fut fondée en 1528, d’abord baptisée Plazza de Armas, elle prendra le nom d’Ignacio Agramonte, patriote local, en 1912. Elle fut un haut lieu d’exécution, de nombreux indépendantistes y furent tués par les Espagnols. Cette statue du héros combattant est d’un réalisme effarant : cheval a la patte levée, visage d’Agramonte regardant vers l’orient et la machette brandie dans sa main droite, détails du révolver et de l’épée.

           L’ensemble en bronze et granit rose est posé sur un socle de trois bases superposées, La figure féminine à ses pieds représente la Liberté du Peuple, valeur revendiquée de la Révolution Française. L’inauguration a eu lieu le 15 Février 1912 en présence d’Amalia Simoni, sa veuve alors âgée de 72 ans.

           Quatre palmiers ont été plantés aux quatre coins de la place, en mémoire aux quatre premiers cubains exécutés pour leur participation au soulèvement de la ville en 1851. En tout temps, le palmier a symbolisé la ténacité et la résistance du peuple.

           Avec ses bancs nichés à l’ombre de ceux-ci, le square est un lieu de rencontre agréable pour les habitants. Sur un de ses cotés, voici :

               La Cathédrale de Nuestra Seήora de la Candelaria, dédiée à la sainte patronne de Camagüey : la Vierge de la Chandeleur. Elle fût construite en 1735, sa façade monumentale est surmontée d’un fronton et d’un clocher de six étages coiffé d’une statue du Christ. A l’occasion de la visite du pape Jean-Paul ll en 1998 elle fût restaurée, lors de la messe donnée par celui-ci, l’église a accueilli 100 000 fidèles.

           La matinée se termine par la découverte de la maison de l’historien, où se trouve la :

               La maquette du centre historique de la ville, tout y est, églises, maisons, bâtiments, rues, arbres, au détail près. Sur un mur, la photo des églises avec leurs noms me permettra de tenter de les identifier pour la réalisation de cette page. Sous vitrine, la déclaration du Patrimoine Culturel de l’Humanité, ainsi que les raisons  qui ont décidé l’Unesco à intégrer Camagüey dans sa liste.

           C’est à pied que nous remontons au Nord de la ville, passons devant l’église Bautista, longeons encore de belles maisons colorées, même un établissement administratif qu’on nous somme de ne pas photographiez « Sorry, on n’a pas vu, de toute façon c’est trop tard, c’est fait, faut dire qu’ils sont beaux ces bâtiments ! » nous arrivons alors au restaurant « Meson del Principe » Comme à chaque repas, Maxwell propose trois ou quatre choix, poulet, porc, agneau, poisson. Aujourd’hui beaucoup goûtent à la spécialité : des crevettes décortiquées, réduites en miettes, bien préparé avec des  épices, c’est délicieux.

          La visite de Camagüey, cette ville inscrite au Patrimoine de l’Unesco touche à sa fin, Félix se dirige maintenant en direction des « cayos » de la côte Nord. Nous en avons pour plusieurs heures de bus, alors Maxwell raconte.

          Il nous parle de la prostitution bien présente, du risque encouru par une cubaine pour qui c'est un délit passible de prison, alors que le touriste ne sera pas inquiété.

          J’aperçois dans les champs des vaches à la robe rouge, un spectacle inattendu dans un pays tropical. Celles-ci ont été importées de Hollande, race productrice de lait et résistante au climat de Cuba. Ailleurs certaines ont une petite bosse sur le garrot, me faisant penser au zébu : au lendemain de la révolution, on importa des vaches du Canada qui furent inséminées artificiellement par des Zébus, ainsi naquit une nouvelle race de vache laitière dotée d’une grande robustesse.

          Saviez vous qu’il est interdit pour un cubain de tuer une vache, un cheval pour en manger la viande ! celui qui s’y risque peut encourir jusqu’à 10 ou 15 ans de prison, exception faite pour  les personnes âgées, les enfants, les malades qui peuvent, par le biais de la banque alimentaire, recevoir chaque mois de la part du gouvernement, un morceau de bœuf. Le paysan est propriétaire de la terre et de ses animaux mais il ne peut vendre ceux-ci qu’à l’Etat, qui les redistribueront aux hôtels et aux touristes, quant au Cubain il peut sans problème manger du porc, du poulet, du lapin, ou du mouton. La raison viendrait de l'embargo qui a poussé le gouvernement à proteger ces animaux en cas de famine, pour garantir la suffisance de produits laitiers.

           Pause ! Félix doit faire son plein, le prix que je voie me sidère : 2 CUC le litre à une pompe, 0,80 CUC à l’autre, j'avoue ne pas savoir pourquoi un tel écart, mais vu le salaire moyen du cubain, je me demande bien comment ils pourraient remplir leurs réservoirs, à moins que cette essence ne serve  qu’à promener le touriste. D'ailleurs je me demande pourquoi ces pompes n'affichent les prix qu'en CUC et non pas en CUP, la monnaie usuelle ? Bizarre, bizarre !.

           L’arrêt toilette se fait dans cette station, dès l’accueil, je suis refroidie, une femme nous attend assise, l’assiette à coté d’elle, le prix affiché à l’entrée : 1 CUC. Un cuc c'est presque 1 euro pour aller faire pipi, pas de sous, pas de pipi !  Un peu incompréhensif, on nous prend pour des pigeons, cette femme va se faire en pourboires, en un quart d’heure près de deux mois de son salaire ! Ce pays du Tiers-Monde est certes pauvre, mais il y a, et plus particulièrement à Cuba, deux mondes, le touriste qui en aurait..... plein les poches, et le cubain qui tente par tous les moyens possibles, de faire en sorte que ce touriste se les vident.... ses poches et ainsi profiter de cette manne providentielle.

           Après être passé dans la région où a sévit le dernier ouragan, d'ailleurs de nombreuses maisons en portent encore aujourd'hui les stigmates, Félix parvient à proximité de ces petits ilots situés au Nord de Cuba, nous longeons beaucoup de mangroves, des lagunes, où poussent des mangliers. Chance inouïe, nous arrivons sur cette route, cette digue de 27 kms de long, au moment où le soleil commence à rougeoyer, c’est l’endroit et l’heure idéals pour s’arrêter un instant devant cette tour construite au milieu de la route, sorte de mirador annonçant cette zone privée qui se trouve de l’autre coté, ce paradis des touristes, les « cayos »

  

          La page suivante est consacrée à mes deux journées passées dans un de ces « cayos » où sont concentrés les hôtels dits « all incluse » A tout de suite

     Cayo Guillermo