Vendredi 1er Février (suite)

            Au revoir Sancti Spiritus  A présent me voici arrivée dans la Valle de Los Ingenios. (Vallée des moulins à sucre)

            Cette vallée est une belle vallée verdoyante, qui grâce à des terres fertiles et un bon climat a été propice au développement intense de l’industrie du sucre, au cours des 18 et 19èmesiècle. Cette longue plaine agricole située au pied de la Sierra del Escambray est inscrite sur la liste du Patrimoine de l’Unesco depuis 1988 en même temps que Trinidad, cité qui sût tirer profit de toutes les richesses provenant de cette industrie florifère. Au début du 19ème, pas moins de 43 moulins à sucre étaient dispersés dans la vallée. Les grands propriétaires terriens, certains anoblis par la Couronne espagnole, firent venir d'Europe quantité de mobilier de prix.

            Aujourd’hui encore, sur  plus de 400 km², les champs de canne à sucre forment des étendues vertes ponctuées de quelques palmiers royaux. Pour peu que l’on prenne le temps d’errer au creux des chemins sinueux de cette vallée, on y trouverait beaucoup de ruines, tels que beffrois, granges, casernes, moulins, cabanes, instruments de travail, voies ferrées etc…

           L’histoire de la canne à sucre en quelques lignes. Cette plante ornementale et médicinale cultivée par les indiens et les chinois fut introduite en Afrique par  les arabes. Mais c’est Christophe Colomb qui, lors de son second voyage, importa, depuis les îles Canaries, les premiers plants à Cuba.

           Les moyens alors utilisés pour extraire le jus et produire de l’eau de vie étaient très primitifs, une petite machine en bois actionnée par la force animale. Le 17ème siècle voit la naissance de grandes plantations dont les propriétaires s’enrichirent rapidement en exportant leur sucre vers les Amériques. En 1791, la révolte des esclaves en Haïti l’île voisine, entraîna la ruine des plantations françaises et généra une flambée des prix de la production sucrière cubaine. Trinidad et la région vendit alors son "or blanc" au prix fort, la canne à sucre était devenue un atout majeur de l’économie cubaine.

            Aujourd’hui on coupe la canne à l’aide de machines, mais au cours des 18ème et 19ème, pour faire face aux besoins  toujours plus importants de main d’œuvre, près de 800 000 africains furent introduits, pour remplacer ces pauvres indiens exterminés peu à peu, africains qui durent besogner dans des conditions inhumaines. Comparativement au volume de la population, ces chiffres sont astronomiques. Puis entre 1847 et 1873 ça sera 120 000 collies chinois qui viendront travailler dans les plantations. La traite devient désormais une source d’activités des plus lucratives, Grâce à sa production de sucre, Cuba alors en plein essor règne sur le monde, en 1850 le pays détient  27% des parts du marché mondial.

                  Des rebellions d’esclaves éclataient périodiquement, rebellions fortement réprimées. L’abolition de l’esclavage déclarée en 1886, conjugée aux deux guerres d'indépendance, au cours desquelles les armées de libération détruisirent une bonne partie des cannaies et des sucreries, symbole du colonialisme espagnol, eûrent raison de ces plantations. Malgré cette décadence, quelques unes ont été bien conservées, m’offrant ainsi la possibilité de visiter l’une d’entres elles : l’hacienda Manaca Iznaga

           Au cours du 20ème siècle,  Cuba pour assouvir,  suite à un traité commercial, les besoins de l’ « impérial yankee », appauvrît  ouvriers,  paysans et journaliers, ceux là mêmes qui avaient remplacé les  esclaves.

           Aujourd’hui, le ministère de l’industrie sucrière rénove et modernise  l’agriculture.

Manaca Iznaga

           Manaca Iznaga est une ancienne et importante plantation qui se situe au cœur de la « Valle de Los Igenios »  elle est l’une des rares encore aujourd’hui  intacte, parmi les 76 sucreries que comptait alors la région. (point N° 10 carte itiénraire)



           Un bar vend du jus de canne, du Guarapo,  celui-ci est obtenu artisanalement en passant la tige de la canne à sucre dans une presse qui en broyant le roseau extrait ce jus bien naturel et bien sucré.

           L’hacienda Iznaga Manaca.

             Une allée mène à l’entrée de la maison des maîtres, la casa Guachinango Tout au long de ce chemin empierré, des dizaines de nappes blanches et fins ouvrages sont exposées sur des fils, leurs propriétaires ne sont pas loin ! Ces brodeuses et vendeurs de breloques sont un peu trop sollicitants. Avec un brin de malice, les jeunes femmes attirent notre attention en nous interpellant en français.

             Cette noble bâtisse coloniale, construite en 1750 illustre la richesse dans laquelle vivaient les puissants propriétaires du domaine, la famille Iznaga. En   traversant celle-ci aujourd’hui transformée en restaurant, j’aperçois le portrait du maître des lieux, quelques peintures de la propriété à l’apogée de son activité, ainsi que des dessins représentants des esclaves, car à cette époque la propriété possédait environ  350 captifs.

     

             A l’arrière une hutte qui abrite un trapiche.

             Le trapiche est une sorte de pressoir qui grâce à des leviers en bois et à un système d’engrenages, est actionné par la rotation de deux paires de bœufs de mules ou de chevaux…. Des esclaves  sont employés à mettre la canne à sucre entre les cylindres, permettant ainsi l’écoulement du jus.

             Celui dont Maxwell se sert pour nous en effectuer la démonstration, en plaçant le levier sous ses aisselles il s’imagine être un esclave, celui-là donc était utilisé par une dizaine de captifs qui faisaient tourner ce trapiche.

             Sacré Maxwell ! pour rendre plus réaliste son récit, il demande même à être fouetté et pousse des petits aille, aille.. de douleur !..   Je n’ai pourtant pas l’impression Marie-Anne que tu aies frappé bien fort !...



            La tour est un peu plus loin, c'est au terme d’un chemin lui aussi empierré que j’y arrive, chemin également bordé de belles nappes. Cette tour achevée en 1835 et haute de 44 mètres, est intacte, ses trois premiers étages sont carrés, les quatre derniers octogonaux.

           On accède à son sommet par un escalier raide de 137 marches, mais je vous rassure, il y a possibilité de s’arrêter à chacun des 6 paliers  Elle servait également à repérer les esclaves qui tentaient de fuir.

           Tout en haut il y avait une grosse cloche qui rythmait la vie quotidienne de l’ingenio, celle ci marquait le début et la fin de la longue journée de travail dans la plantation (entre 14h et 18h) servait de sirène en cas d’incendie et prévenait lors de la fuite d’esclaves.  Cloche qu’il est possible de voir près de l’entrée de la maison, mise en valeur car elle est installée sur un petit cercle de pelouse surélevé.

             Depuis le sommet, on a une magnifique vue panoramique à 360° sur la Vallée de Los Ingenios, ainsi que sur l’ensemble des bâtiments que comptaient cette propriété : les barraçons (dortoirs des esclaves), granges, étables, écuries…


    

            A proximité une voie ferrée, c’était le moyen le plus rapide pour convoyer cette marchandise jusqu’à Trinidad, distant seulement de 12 kilomètres. Trinidad où se trouvaient les usines et  qui était le premier exportateur de canne à sucre de Cuba.

            De retour dans le bus, Maxwell nous montre cette vallée recouverte de palmiers royaux, puis Félix nous arrête à une fabrique artisanale de poterie. Lors de cette petite halte, nous pouvons observer le personnel effectuer les différentes phases de la réalisation de ces superbes poteries, cuisson, peintures, façonnage au moyen d’un tour…

           Dans une pièce attenante, une veille automobile qui ne demande qu’à être photographiée !

            La journée se termine par l’installation à l’hôtel La Ronda de Trinidad pour 2 nuits, cette fois il faut donner le voucher qui m’a été fourni par mon agence. « Pas de voucher, pas de chambre ! » dit Maxwell sur un ton qui n’est pas à la plaisanterie. J’y achète une seconde fois une carte Etecsa pour avoir la connexion Internet que je règle : 1 CUC, le lendemain ces mêmes cartes seront proposées à 1,5 CUC, n’y cherchez pas une quelconque logique !

            Cet hôtel est situé tout près du Parque Carillo. Au moment où le soleil se couche, je le traque dans l’espoir de trouver sa cachette et tenter de réaliser un chouette cliché,  mais l’astre céleste se planque derrière de hauts bâtiments, me privant ainsi de ce beau spectacle rougeoyant. On ne gagne pas à tous les coups !

            Maxwell propose d’aller boire un cocktail et écouter de la musique à la Casa de Trova situé en plein cœur historique de Trinidad. « Rendez-vous pour ceux que ça intéresse à 21 heures à l’accueil » Moi ça sera dodo. Cependant je me prépare à passer une nuit chaude, car ma climatisation, malgré les interventions des employés ne fonctionne pas du tout. mais j'ai la promesse qu'elle sera réparée pendant la journée, alors croyons y !

            Bonne nuit et à demain pour la découverte de Trinidad, cette si jolie bourgade déclarée patrimoine de l’Unesco.

     Trinidad