Lundi 4 Février 2019. A l’initiation salsa, prévue au
Café Cantante du théâtre national, je préfère la promenade sur cette toute
proche
Plaza de la Révoluçion. C’est de là que Fidel
Castro au lendemain de la Révolution, fût si chaleureusement acclamé.
Place de 72000m² crée en 1952 sous Batista. Lors de
grandes fêtes communistes, plus d’un million de cubains viennent assister à la
parade militaire. Elle est bordée par de gris bâtiments gouvernementaux gardés
par des militaires. Sur l’un de ces ministères on peut voir un grand dessin
graphique, représentant le Che, signé de sa célèbre devise « Hasta la
victoria siempre » plus loin celui de Cienfuegos, réalisé à l’occasion
du 50ème anniversaire de sa mort.
Le Monument José Marti domine la place du haut de
ses 109 mètres. Un ascenseur permet d’avoir une vue panoramique. Construit pour
le centenaire de la naissance du héros, mais finalement achevé en 1958, cinq
ans plus tard (retard dû aux expropriations) il est constitué d’un obélisque
avec à ses pieds une sculpture de José Marti de 18m de haut en marbre blanc. Glorifié
par le peuple, Marti a été bien avant Fidel Castro ou Che Guevara un héros
cubain qui mena son pays à l’Indépendance à la fin du 19ème siècle,
mettant ainsi fin à des siècles d’occupation espagnole. La plateforme sur
laquelle se trouve cette statue sert de podium lors des rassemblements, mais
fut aussi utilisée lors des messes officiées par les trois derniers papes.
Le parking du théâtre
s’agite, de tous cotés arrivent des décapotables américaines aux couleurs chatoyantes, sièges en
cuir, intérieurs capitonnés : Plymouths, Chrysler, Pontiacs, Chevrolet,
Buick …. Pour le cubain ces vieilles voitures abandonnées sont un trésor à
faire perdurer, il les entretient du mieux possible avec peu de moyens, sous la
peinture rutilante peut-être qu’on sentirait les bosses !
Félix en se dirigeant vers le Musée de la Révolution, passe devant de magnifiques palais : Palacio del Centre Callego de style néobaroque orné de sculptures, El Capitolio, ensemble néoclassique qui, avec son dôme de 92m et ses statues de bronze rappelle le Capitole de Washington, le Palacio de Bellas Artes, le Paseo del Prado ….
Devant le musée se trouvent un fragment de l’ancien
mur de la ville et le tank soviétique qui servit à l’armée cubaine lors de
l’attaque du Houston, dans la Baie des Cochons en 1961.
Le Musée de la Révolucion, édifié en 1963 dans l’ancien
palais présidentiel, retrace l’histoire de Cuba, avec une mise en lumière des
évènements de la Révolution de 1959. Les murs de l’’entrée près du magistral
escalier, conservent les traces des balles tirées lors de l’attaque contre
Batista. Les manifestants furent presque tous tués, sur une plaque de marbre
noir, sont inscrits en lettre d’or les noms de ces jeunes.
Ce palais était la résidence des présidents cubains jusqu’à la fuite de Batista. Le salon de Réception, murs recouverts de miroirs et plafond décoré de fresques peintes a été conçu sur le modèle de la Galerie des Glaces. Certaines salles sont consacrées aux faits d’armes de Castro et de Guevara. Dans l’ancien bureau de Batista, se trouvent un drapeau, le buste de José Marti ainsi qu’une machine à écrire. Dans une autre pièce le portrait de Cespedès est collé au mur, à coté trois petites statues reliées par un même socle, les trois héros : Castro, Guevara et Cienfuegos.
Derrière le
palais se trouve le :
« Mémorial Granma » où une flamme brûle
en permanence, sur le granit a été gravée l’inscription « A los héroes
de la Patria Nueva » Derrière des vitres, surveillé 24h/24 se trouve
la réplique du yacht Granma dont se servit Castro et 81 hommes, alors exilés au
Mexique, pour tenter de débarquer à Cuba.
Une mauvaise météo les fera débarquer en retard dans les
marais. Sans personne pour les attendre, ils partirent à pied mais furent
surpris, seuls 22 survivants gagneront le maquis de la Sierra Maestra.
« Nous laisserons pousser nos cheveux et notre barbe tant que nous ne
seront pas redevenus libres » aurait alors dit Castro.
On y trouve aussi, le camion criblé de balles, qui servit
lors de l’assaut du palais présidentiel en 1957, les Jeeps des frères
Castro, une Pontiac, le bombardier utilisé lors de la tentative de
débarquement des Américains en 1961 en Baie des Cochons, ou encore le moteur de
l’avion-espion américain abattu en Octobre 1962 lors de la crise des missiles
nucléaires, conflit qui fit craindre au monde entier une troisième guerre
mondiale.
Félix nous amène maintenant vers le cœur historique de La Havane, qui aujourd’hui restauré, est inscrit au patrimoine de l’Unesco. Pendant le trajet, j’aperçois une splendide statue équestre représentant Maximo Gomez qui était commandant en chef de l’Armée de libération de Cuba pendant les guerres de l’Indépendance, puis de l’autre coté du canal, une sculpture colossale de 20m du Christ installée en 1958.
La plazza de la Cathedral. Cet espace piéton est bordé
de bâtiments de pierres du 18ème siècle, principalement des demeures
de comtes et marquis espagnols.
u La Cathédrale San Chritóbal terminée en 1758 est classée
depuis 1982 au patrimoine mondial de l’Humanité. Sa façade baroque est pourvue
de clochers de largeurs différentes. Les cendres du Colomb y furent conservées
jusqu’en 1898 avant d’être transférées dans la Cathédrale de Séville. Au centre du chœur j’admire un
tabernacle en marbre de Carrare, incrusté d’or, d’argent et d’onyx, au plafond
de superbes fresques italiennes. Une des chapelles latérales est consacrée au pape
Jean-Paul ll venu en 1998, cette visite, la première depuis l’avènement de la
Révolution permettra la réouverture des églises, fermées sur ordre de Fidel
Castro.
Sur cette place, le cubain est très inventif pour monnayer son image, ici ce sont deux bassets costumés en policier et en joueur de base-ball, là ce sont des femmes assises sous les arcades revêtues d’habits traditionnels.
u Le Palacio del Conde Lombillo u Palacio Marqueses de Arcos u Palacio Condes de Casa Bayona, le plus ancien bâtiment de cette place, ancienne entreprise de rhum il abrite aujourd’hui le musée d’art colonial. u … Palacio Marqueses de Aguas Claras.
Un homme propose le « Granma » quotidien national édité aussi en français. Ce journal a consacré plusieurs pages à la tornade de la Havane. Sur le trajet menant au restaurant, j’aperçois furtivement le magnifique Parque Central, oasis planté de palmiers royaux dominé par le Centre Asturiano aux tours d’angles caractéristiques. Devant le Capitole, Maxwell demande à Félix de stopper deux minutes, le temps d’immortaliser cet édifice néoclassique et Art déco.
C’est à pied que
j’arpente cette Calle Industrie qui doit me mener au restaurant
« Vilota » une rue du très vieux Havane, ici les bâtiments aux fenêtres
en fer forgé ne sont pas restaurés, les façades sont fissurées, les sculptures
effritées, la peinture écaillée. Le linge est mis à sécher sur des balcons
aux grilles rouillées, là le cubain assis sur ses marches laisse le temps
passer. Au restaurant m’est proposé un Cubalibre : rhum, coca et citron.
Musée du Rhum. La distillerie du Havana
Club est située Calle San Pedro dans un hôtel particulier colonial, une
ancienne et authentique distillerie. Musée ouvert depuis Mars 2000. Chouette ce rez-de-chaussée !
patio ombragé avec des piliers de pierres, des fougères, des yuccas. Une
cloche sonne le début de la visite, je fais alors la connaissance d’Armando, qui
va nous expliquer le processus d’élaboration du rhum, allant de la canne
fraîchement coupée jusqu’à la mise en bouteilles.
Nous commençons par un documentaire sous-titré de quelques minutes qui va nous raconter l’histoire de cette canne à sucre. Au fur et à mesure de la visite, je découvre un authentique moulin à sucre, la maquette d’une ingénio aux détails impressionnants (locomotive à vapeur, wagons, bâtiments des distilleries, ouvriers occupés à droite, à gauche), les fûts de fermentation, les tonneaux qui pour certains viennent de France, les vieux alambics en cuivre. Plusieurs scènes sont représentées à l’aide de mannequins, sur les murs sont affichés des dessins.
Cet alcool fait partie du quotidien de Cuba. Sa fabrication commence par l’obtention d’un produit dérivé du sucre, une pâte très épaisse diluée dans l’eau et fermentée grâce à certaines levures (le moult) Le moult obtenu est alors distillé, de l’eau et de l’alcool pur sont ajoutés 18 mois plus tard pour donner un rhum clair et jeune. Puis on mélange du rhum vieilli avec du rhum nouveau, cet alcool obtenu reste quelques semaines dans des cuves jusqu’à l’obtention du résultat voulu. Des tonneaux en chêne servent au vieillissement pendant trois ans au moins. Le rhum gagne ainsi en couleur et prend du corps.
Plus le rhum est
vieux, plus il est cher, il est vendu des rhums de 3, 5, 7 ans d’âge et même
plus. La visite se termine par la dégustation d’un de 7 ans. Maxwell nous
conseille vivement d’acheter ici, car dit-il, c’est la meilleure marque de
Cuba.
« Offre une bouteille de Maximo à ta femme, elle t’aimera toute la vie » affirme Armando. Ce rhum est un assemblage des plus fins et plus âgés vieillis dans les fûts d'Havana Club pendant 50 ans. Ici il est proposé au tarif de 105 € la bouteille. Cuba exporte 70% de son rhum partout dans le monde, sauf aux USA, nous dit-il.
Sur les murs du bar, sont apposées les photos des différents cocktails avec leur composition, le daiquiri mulata (rhum de 7 ans, jus de citron, liqueur de cacao, sucre) le canchànchara (rhum de 3 ans, jus de citron, sirop de miel) le mojito (rhum de 3 ans, un demi citron, sucre et feuille de menthe)…
Seulement quelques minutes sont nécessaires pour me
rendre à l’ensemble église-couvent San Francisco de Asis. Ce faisant je passe devant le
« coche mambi, très long wagon utilisé par les présidents cubains pour leurs
campagnes et visites officielles. Relégué à la Révolution, il a été depuis restauré
et est aujourd’hui exposé avec tous ses meubles et le luxe d’autrefois.
Au Nord de la place Vieja, j’emprunte la calle Obispo, les rues croisées sont dans un tel état de décrépitude que ça m’en fait pitié. Voici une antique, mais non moins célèbre pharmacie : u L’officine Taquerel, l’entrée est libre mais le pourboire bienvenu ! Etonnante boutique avec ses boiseries en bon état, sa caisse enregistreuse d’origine, ses lustres d’antan, ses bocaux de majolique. Véritable musée de la pharmacopée, apothicairerie d’antan avec présentation d’alambics, d’instruments de médecine et de chirurgie de toutes époques. Peu ou pas de boites de médicaments, contrairement aux pharmacies de France.
La rue Obispo
rénovée a retrouvé l’animation et les couleurs de l’époque coloniale. C’est ici
que se trouve la plus vieille maison de La Havane, à l’architecture
rustique : pierres et balcons de fer forgé. Encastré dans le mur, un
masque grec bouche ouverte, attend le courrier : cette boite aux lettres
(buzón) dont il n’existe qu’un autre exemplaire dans tout Cuba est la plus
ancienne de l’île.
J’arrive désormais à la Plaza de Armes avec le Palais des
Gouverneurs dont la visite approfondie est prévue pour après-demain. Un
peu plus loin se dessine la silhouette de l’impressionnant Castillo de la Real Fuerza, la plus ancienne
construction militaire de la Havane avec d’épaisses murailles, des douves
remplies d’eau, des canons. Ce fort construit entre 1558 et 1577 était destiné
à protéger la ville des attaques de pirates, notamment après les ravages causés
par le flibustier français Jacques de Sores qui, en 1555, avait mis la Havane à
feu et à sang. En 1635, on plaça sur une tour une girouette, la Giraldilla,
devenue symbole de la Havane.
Félix qui a stationné son bus près de la fontaine de Neptune, me ramène à l’hôtel Capri. L’hôtel National n’est situé qu’à 200m aussi j’y vais voir, cet hôtel construit en 1930, avec son hall somptueux ressemblant à la Galerie des Glaces, ses jardins, dominant l’Océan et le Maleçon, ses tables et sa fontaine où s’abreuvent les oiseaux, est une splendeur. Juste avant de pénétrer dans le hall, j’aperçois une petite tour Eiffel posée sur un pilier, c’est l’entrée du cabaret « El Parisièn » C’est probablement pour ce cadre privilégié que François Hollande choisit cet hôtel lors de sa venue à Cuba en mai 2015.
Le dîner à peine fini, Félix nous mène à proximité de la forteresse de San Carlos de la Canaña, l’une des plus grandes d’Amérique latine, là ou Guevara installa son quartier général. A 21 heures précises doit tonner l’unique coup de canon, cérémonie appelée « cañonazo de las nueva » Ce signal annonçait les fermetures des portes de la ville, lorsque La Havane, au 18ème siècle était entourée de murailles. Vers 20h45, une escouade de cadets d’artillerie vêtue à la mode coloniale défilant au son du tambour se dirige vers le canon. La torche à la main un des soldats effectue une mise en scène et boooououuum !. Cette cérémonie perdure et n’a été interrompue que pendant la seconde guerre mondiale.
Pas le temps de musarder dans cette forteresse car Félix nous doit mener pour 21h30 à la Meson Rosalia. S’y produit une cinquantaine de célèbres chanteurs et musiciens cubains C’est dans ce joli cadre, pierres apparentes, boiseries bleu vif, gros piliers de granit, que ceux-ci font leur prestation. « Tradicionales de los 50’ » ce groupe de musique populaire fondé en 1927 offre un répertoire cubain des années 1950. Le chant est complété par un couple qui danse sur des rythmes authentiques cubains.
L’orchestre est juché sur une petite estrade, les chanteurs passent parmi les spectateurs. Pour accompagner ce superbe divertissement de deux heures, trois cocktails sont proposés, avec cependant la possibilité de demander « sin alcool ». Le rythme dans la peau Maxwell est bien évidemment parti danser près des musiciens.
Mardi 5 Février. Il est 8 heures, Félix se dirige vers Pinar del
Rio, région abritant les plus célèbres plantations de tabac de l’île, lorsqu’il
prend la direction d’une ferme
La « Finca
Montesino ».
Mr Aulojeo
Montesino nous accueille, cet agriculteur appartient à la 3ème
génération d’une famille réputée dans le monde du tabac. Sur les murs de la
maison, j’aperçois, placardés de nombreuses coupures de presse, des diplômes et
même les félicitations de Fidel Castro venu en personne. Pour Mr Montesino, la
tradition familiale est un critère de réussite.
Les origines du cigare : Lors de la découverte de l’île, les espagnols constatèrent que les indiens, selon un rituel invoquant les dieux, fumaient déjà le cigare. Le tabac importé en Espagne devint vite interdit, certains y voyant dans sa fumée un phénomène diabolique. Le tabac allait malgré tout devenir en vogue en Europe, les Espagnols obligeant les fermiers cubains à leur vendre leur récolte.
L’exploitation comprend 15 ha de terre, dont 10 consacrés au tabac, parallèlement l’agriculteur cultive du maïs, des haricots. Mr Montesino nous explique cette culture, du semis à l’expédition des feuilles séchées à la coopérative d’Etat qui le rémunère selon la qualité. Tout ici est fait à la main, car le poids d’un tracteur fragiliserait la terre. « Nous préparons la terre pendants les mois de juillet et aout, pour un ensemencement en Septembre » dit l’exploitant.
* La plantation : Le tabac provient de petites graines rondes. En
Septembre soit environ 45 jours après le semis, commence la plantation des
jeunes plants, 140 000 sont ainsi piqués. Les conditions d’obtention
d’ une bonne récolte : le soleil qui impactera positivement le goût
et l’aspect des feuilles, la fertilisation, l’irrigation et un binage
manuels. Le plant atteindra entre 1,50m et 1,80m de haut et portera une
douzaine de larges feuilles, de quoi fabriquer une demi-douzaine de cigares. La
récolte a lieu 50 jours plus tard, les feuilles vertes sont alors
transportées aux hangars.
* Les étapes de séchage : Nous sommes début Février, la récolte vient de débuter, dans les hangars nous rencontrons ces femmes qui assemblent par 200 ces feuilles à l’aide d’une longue aiguille enfilée. Ces paquets ainsi constitués sont alors mis à sécher jusqu’en Mai, sur des perches dans un bâtiment appelé « séchoir ».
Une fois sèches ces dernières sont humidifiées puis
suspendues pour éliminer l’excès d’eau, c’est lors de cette opération de
fermentation qui dure une quarantaine de jours, que les feuilles concentrent leur arôme,
éliminent toutes les impuretés.
C’est après une ultime période de mûrissement que les feuilles sont expédiées à la Coopérative d’Etat qui rémunère après avoir pesé et vérifié la qualité de la récolte. La finca produit 50 tonnes par an, lui permettant de rétribuer, en plus de la famille Montesino, 5 femmes et 10 hommes.
Ces feuilles serviront à faire la tripe, le cœur du cigare. Quant à la cape, feuille extérieure qui donne au cigare son aspect final, son plan est cultivé ailleurs à l’abri, les feuilles sont plus grandes, plus larges, de quoi recouvrir entièrement le cigare. Les feuilles trop petites seront envoyées à l’Industrie qui mécaniquement en fera des petits cigares.
La rencontre avec ces souriantes dames, l’aiguille à la main est sympathique. Je regrette toutefois ne pas avoir aperçu quelques hommes dans les champs en train d’arracher ces feuilles, il y avait pourtant de quoi faire !
Une pièce a été aménagée pour présenter l’élaboration du cigare, car Mr Montesino a reçu l’autorisation de l’Etat de se réserver une infime partie de sa récolte et d’en fabriquer quelques uns. On voit tout ce qu’un torcedor a besoin : les trois feuilles qui roulées vont composer la tripe, la presse, la « guillotine » ce couperet qui détermine la longueur.
Une jeune femme nous offre une tasse de café, café cultivé dans les environs. Une autre propose un verre de Guayabita del Pinar, au prix de 3 CUC le verre, cette liqueur, spécialité locale, est fabriquée avec une petite goyave cultivée seulement dans les montagnes de Pinar el Rio, du rhum et des épices. « Hum !...fumer un cigare puis boire aussitôt un verre de Guayabita, le goût de ce mélange dans le palais est un délice ! » nous dit Maxwell.
« N’hésitez pas, achetez ici, c’ est trois fois moins cher ! » recommande Maxwell. Le paquet de 23 cigares, non bagués, conditionné dans un simple plastique coute 80 pesos, le gros cigare : 10 pesos.
La manufacture Francisco Donatien
de Pinar del Rio où j’arrive maintenant, est installée dans un bel édifice du
19ème siècle au fronton bleu, une
ancienne
prison à Batista. Sacs à mains, téléphones et appareils photos sont
interdits ! Ci-contre, cliché récupéré sur la toile.
La rapide visite (20mns) se fait en longeant un muret qui nous sépare des ouvriers, ceux-ci assis par rangées de quatre, exécutent avec rapidité et dextérité un grand nombre de cigares. Autrefois pour tromper l’ennui, un lecteur lisait des romans, aujourd’hui les cigariers écoutent la musique qui sort d’un vieux transistor.
Cette manufacture comprend 70 ouvriers spécialisés
qui fabriquent, à partir des matières premières fournies, un produit fini,
chacun est responsable de sa production, du début à la fin. Le torcedor met
souvent de nombreuses années à parfaire sa maîtrise de l’art de rouler le
cigare. Cette honorable profession a été inscrite en 2012 au patrimoine
culturel national cubain.
Le torcedor pose d’abord sa sous-cape sur son plan
de travail, ensuite il trie les feuilles, ligero pour l’arôme, seco pour la
force et velado pour la combustion. Ces feuilles découpées en une large bande
au moyen de la chaveta (lame recourbée) sont roulées, pressées, l’ensemble est
alors recouvert de la cape, calibré, coupé avec une « guillotine »
puis collé. Le cigare terminé, le torcedor le mesure à l’aide d’une machine à
calibrer. L’ouvrier, rémunéré à la pièce fabrique, selon la taille, entre 100
et 140 cigares par jour. Selon l’expérience, le doigté, il peut gagner jusqu’à 400 pesos
cubains, pour une semaine de 48 h. Chaque cigare passe ensuite le contrôle de
qualité, de poids, de taille, s’ils sont reconnus aptes à la vente ils seront
emballés dans une petite boite et vendus par 25.
Le cigare fait à la main est composé de feuilles de tabac entières, celui fait à la machine d’un mélange de feuilles découpées, dont les plus petites. Les cigares sont de différentes tailles et de saveurs différentes, ceux faits à la main sont meilleurs lorsqu’ils ont un peu vieilli, et plus le cigare est gros, plus il aura de saveur.
Le torcedor est autorisé à fumer 2 cigares par jour, mais bien souvent il les garde pour les revendre, car lorsqu’il pleut de trop, la manufacture ne travaille pas, l’humidité étant déconseillée pour les feuilles, alors stockées dans un lieu sec. Pas de travail, pas d’argent ! Il faut savoir qu’un bon rouleur de cigare peut gagner autant dans un mois qu’un médecin, hallucinant ! Dans le magasin attenant sont vendus les cigares de toutes tailles et de toutes marques, emballés dans de jolis coffrets de cèdre.
Chaque année à lieu à la Havane le festival international où sont présentés les nouveautés et les plus célèbres cigares du Monde (uniquement ceux fabriqués à la main). Ce festival est un haut lieu de promotion, beaucoup de pays viennent pour y signer des contrats. Aujourd’hui le tabac rapporte annuellement 500 millions d’Euros.
A présent, Félix traverse Pinar del Rio surnommée « la ville des
chapiteaux » en raison des colonnes corinthiennes qui ornent les maisons, tel
le Palacio de Guasch, édifice extravagant mélangeant arcs mauresques, flèches
gothiques et éléments baroques.
Mirador de l’hôtel Los Jasmines.
De ce belvédère je découvre un spectacle époustouflant ! un océan de
verdure, alternant champs de tabac et bosquets de palmiers. Barrant l’horizon,
j’admire ces reliefs, les « mogotes » ces formations karstiques en
forme de pain de sucre sont les restes d’un ancien plateau calcaire après
l’érosion du calcaire tendre par les rivières. Cette vallée de Viñales est
classée au Patrimoine culturel de l’Humanité
de
l’Unesco depuis 1999.
Un panneau indique
les directions de plusieurs capitales, Paris : 7864 kilomètres, un homme s’y
accroche, impossible de photographier cette pancarte sans devoir le prendre lui
aussi, et c’est alors « raboule le peso » un peu pesant à la fin. Beaucoup de
boutiques d’artisanats, ainsi qu’une proposition de promenade à dos de buffle.
La Cueva de San Miguel, vaste
grotte couronnée de stalactites, fut le refuge d’esclaves africains lors de
l’essor de l’industrie sucrière, au moment de la colonisation espagnole
Après cette traversée du mogote (environ 140 mètres) me voici arrivée dans un étonnant abri de verdure, caché derrière de hautes parois rocheuses, c’est ici que les esclaves africains en fuite « les marrons » auraient vécu. Trois personnes présentent leur folklore issu de traditions afro-cubaines (santeria) Impressionnant cet homme qui jouant avec le feu, se passe la torche allumée sur le corps ! Là encore...une coupelle est présentée à la fin de ce mini-spectacle.
Quelques anciens objets de torture sont exposés,
rappel de ce que ces hommes ont subi. Ici se dressent les paillottes du
restaurant El Palenque
de los Cimarrones, dans un décor magnifique, ces petites huttes recouvertes
de feuilles de palmiers, ont été réalisées selon le modèle des anciens villages
africains guanos.
La grotte de l’indien découverte en 1920 servit de
refuge aux indiens Gunahatabeyes pendant la conquête de l’île, au 16ème
siècle, par les Espagnols.
A travers un parcours aménagé nous admirons les concrétions, puis c’est à bord d’un bateau à moteur que celle-ci se poursuit, une balade de 500 mètres sur la rivière souterraine San Vincente. La sortie se fait à l’air libre, aux pieds de boutiques d’artisanat, un superbe bœuf aux cornes impressionnantes se prête pour la photo.
Viñales. Petite bourgade, la place
José Marti est entourée de l’ancienne Colonia española, une maison à arcades, et
d’une petite église de 1888, Sagrado Corazón de Jesūs, au centre prône le
buste de José Marti, à quelques dizaines de mètres se trouve un marché. Félix
se rend maintenant vers :
Le Mural de la Préhistoria.
Fresque de 180m de large, peinte vers 1960 sur la paroi d’un mogote, à la demande de Fidel Castro. Restaurée en 1980, elle raconte l’histoire de l’évolution depuis l’amibe jusqu’à l’Homo sapiens.
Le cadre est idyllique, un chemin goudronné circulaire permet de s’y approcher. Un paysan, dans l’espoir du peso facile, fait des allers-retours sur une verte et magnifique pelouse tenant à la laisse son joli buffle blanc. A la buvette est proposé un très bon pina-colada (rhum-jus d’ananas et lait de coco frais).
Maxwell affirme que c’est ici que sont tombées les pierres lors de la chute de la météorite il y a trois jours, mais s’il est vrai que les habitants ont dû avoir une grosse frayeur voyant ces pierres leur tomber sur la tête, les chercher aujourd’hui dans la campagne est comparable à chercher une aiguille dans une botte de foin, et de cailloux météorites point ne verrons !
La Havane est à 200 kms, j’y arrive à l’heure du
dîner. Celui-ci rapidement avalé, je file
vers l’hôtel juste à coté, le « National » pour y voir, d’après mon
« guide Michelin » un spectacle de qualité de danse et musique
cubaines, proposé tous les soirs à 22 heures au cabaret « El
Parisièn » attenant à l’hôtel. Maxwell, malgré ma demande n’en a toujours
pas parlé, aussi je prends la décision d’y aller seule !!…..
Je suis impressionnée, le sol de cette salle plongée dans une mi-pénombre est recouvert de velours rouge, les murs de fresques et de tentures, des marches descendent vers la scène, les gens finissent leur repas. Je suis le placeur qui m’installe à une petite table, à quelques mètres de la scène. Le serveur m’apporte un mojito.
Pour faire patienter quatre musiciens interprètent quelques morceaux, je profite pleinement de l’instant présent, ne m’en faisant pas de trop pour le trajet du retour, vu la courte distance et le bon éclairage.
Je me régale “El Parisièn”
présente un très bon spectacle de cabaret, une revue rythmée, colorée. Une
trentaine d’artistes enchaine sur un rythme effréné, ça bouge de tous les
cotés. La chorégrapohie des danseurs est parfaite, les costumes tropicaux magnifiques,
il est indéniable que si ces femmes portaient des plumes (probablement trop
onéreuses) je pourrais comparer ce spectacle à certains de nos cabarets
parisiens.
Lors des intermèdes, sont présentés des numéros tels que des équilibristes, des acrobates, ou un joueur de percussions. Ce spectacle va durer près de deux heures. J’ai su que celui-ci ne se renouvellait pas, le même depuis des années, un reproche ! je m’en moque, ne pensant pas y retourner un jour.
Mercredi 6 Février. Une demi-douzaine de
rutilantes décapotables, attendent devant l’hôtel, il paraît que c’est pour
nous ! mon chauffeur avec ses lunettes de soleil, sa chemise blanche, son
chapeau, ses boucles d’oreilles et son cigare aux lèvres illustre le parfait
cliché.
Ces vieilles voitures américaines, colorées (rose bonbon, vert anis…) que j’ admire aujourd’hui faisaient partie, avant la Révolution, de la troublante époque mafieuse. Elles sont aujourd’hui bichonnées par leurs propriétaires, car depuis l’embargo américain, elles sont devenues rares, mais également une richesse pour les cubains qui en font profiter les touristes. Je prends place dans ce modèle rose saumon décoré de marguerites blanches.
Après un passage
devant la Necropolis de Colon, l’un des plus grands cimetières au monde nous
nous arrêtons au
Parc John
Lennon
situé dans un quartier résidentiel. Sur un banc le chanteur est représenté les
jambes croisées, on peut lire un court extrait de sa chanson « Imagine » Ses lunettes prenant
trop souvent la clef des champs, aujourd’hui une dame veille et les lui met
sur le nez, le temps d’une photo.
Cette sculpture est considérée comme un geste de conciliation de Fidel Castro, car les Beatles incarnant la décadence, avaient été interdits à Cuba. Cette statue fut dévoilée le 6 Décembre 2000 à l’occasion du 20ème anniversaire du meurtre du chanteur.
Les locaux viennent y faire leur gymnastique, Maxwell
montre la maison de Jason Sencha Martinez, un joueur de baseball qui refusa
les millions de dollars proposés, pour faire partie d’une équipe des USA,
préférant rester jouer à Cuba. Et l’on repart, cette fois plus au Sud vers L’Isle
Josefina
qui est traversée par la rivière Almendares. La végétation y est abondante
avec des plantes tropicales, c’est aussi le lieu de sacrifices rituels
pratiqués par les adeptes de la santeria.
Notre chauffeur
se dirige maintenant vers le quartier huppé
du Vedado où je vois quelques gratte-ciel.
C’est tout en respirant à pleins poumons l’air du large que nous longeons cette
avenue bordée d’ambassades, de sièges de sociétés étrangères, de boutiques de
luxe. Après un ultime passage sur ce Malecón qui montre beaucoup d’immeubles à
la limite de l’effondrement, notre conducteur nous dépose dans le quartier
historique, près du Castillo de la Real Fuerza. Cette promenade en vieille
voiture américaine nous a pris tout juste deux heures. Après avoir accepté nos
pesos, l’homme redémarre et se fond dans la circulation.
Tout près de cette forteresse, se trouve un petit monument :
« El
Templete » Ce temple d’architecture grecque et néoclassique, avec son
ceiba, (arbre sacré) est l’un des symboles de la ville.
Monument commandé par le colonel Antonio Maria de la Torre et inauguré en 1827 pour commémorer la messe célébrée le 16 Novembre 1519 qui marqua la fondation de la cité, ça serait au pied de ce ceiba, que se serait tenue celle-ci.
Aujourd’hui, toutes les veilles du 16 Novembre, a lieu un important pèlerinage où le pèlerin doit faire trois fois le tour de l’arbre. Dans la cour, une colonne dressée en 1754 porte le nom du gouverneur de l’époque, et devant celle-ci le buste du premier gouverneur de la ville.
Dans les jardins sont enterrés Jean-Baptiste Vermay et son épouse, peintre français qui vécut à la Havane. Cet artiste, directeur de l’Académie des Arts a peint les trois grandes toiles qui ornent aujourd’hui les murs de ce temple.
La plaza de
Armes
(1582) a conservé ses maisons seigneuriales aux façades historiques.
L’ancien palais
du comte de Santoveria du 18ème est devenu aujourd’hui l’hôtel Santa
Isabel, magnifiquement restauré avec sa façade à arcades et son balcon en fer
forgé. Cet hôtel de luxe était l’hôtel préféré des artistes ou de la noblesse
de passage à la Havane.
Doña Isabel de Bodadilla était l’épouse du gouverneur en 1538. En l’absence de son mari parti explorer la Floride, elle assuma ses fonctions et devint donc la première femme gouverneur de Cuba.
Le square central
de la place est orné de plusieurs beaux palmiers royaux, au centre la statue de
Carlos Manuel de Cespedès, sculptée en 1955.
Palacio de
los Capitaines Générales, le patio planté d’essences tropicales est superbe, avec sa
statue de marbre de Colomb (1862) jugée sur un haut piédestal.
Ce palais de style baroque, fut érigé entre 1776 et 1792. Résidence des 67 gouverneurs de Cuba, il accueille depuis 1968 le musée de la Ville, qui à travers 40 salles d’exposition relate l’histoire de la fondation de La Havane, jusqu’à la Révolution.
- Le Salón de los Espejos. C’est ici qu’en 1902 le premier président de la République de Cuba prit ses fonctions, salon décoré de miroirs vénitiens du 19ème siècle. - Le Hall des drapeaux. J’y contemple ça et là divers objets : armes, meubles coloniaux, porcelaines, uniformes militaires, tableaux, baignoires… Dans chaque salle une gardienne veille.
Dans la galerie qui entoure le patio, j’y aperçois des statues d’hommes célèbres réalisées au début du 20ème siècle.
L’hôtel
Ambos Mundos (1923)
Ernest Hemingway, passionné de la pêche au marlin, y descendait lors de ses séjours. Il est possible d’ailleurs d’y voir sa chambre, la 511, depuis laquelle il écrivit plusieurs de ses succès.
A ce jour, l’hôtel a conservé en partie son cachet initial, avec son hall en marbre, son restaurant-terrasse sur le toit avec vue panoramique. Pour y accéder, n’oublier pas d’emprunter l’antique ascenseur de fer, Otis, des années 1930. De là je contemple les toits du Palais des Capitaines Généraux, des édifices de la Vieille ville, la verdure de la Plaza de Armes et la jolie façade de l’hôtel Isabel. En ce moment à quai est amarré, le MSG Opéra, un des immenses paquebots construits à Saint-Nazaire, à 20 kms de chez moi !
Après le déjeuner,
où les enveloppes de pourboires sont distribuées, Félix nous amène à l’aéroport
puis Maxwell nous accompagne jusqu’au comptoir Air-Caraïbes. Un peu galère ce
retour ! il me manque le coupon pour la navette Orly-Massy, l’avion
décolle avec 90 minutes de retard, mon voisin est malade, ma place dans le TGV est
déjà occupée et pour finir un comité m’accueille en gare de Savenay, pas moins
de six contrôleurs de chaque coté du souterrain. A cause du décalage horaire,
le vol s’est effectué entièrement de nuit, décollage de la Havane à 17 heures,
atterrissage à Orly à 10 heures.
Au moment où je rédige cette page, je suis à quelques semaines d’effectuer une croisière sur la Volga avec une découverte de Moscou et Saint-Pétersbourg. Si mon récit concernant Cuba vous a plu, si cette nouvelle destination vous intéresse, ne manquez pas de revenir sur ce site, pour en découvrir le reportage.
En bonus, 12 diaporamas d’une petite centaine de photos chacun, faites "clic droit, nouvelle fenêtre" sur l'image pour visionner ceux-ci.
I |
mpressions succinctes de ce du voyage. J’ai aimé : t Les couleurs, les musiques, l’ambiance festive t La dégustation de langouste t La rénovation de ces villes, superbes maisons repeintes, merci au 500ème anniversaire de leur fondation (2014) t Le fabuleux spectacle au cabaret « El Parisien » de la Havane.
J’ai moins aimé : Cette impression désagréable d’être prise pour une fortunée à qui, à toutes occasions on tente de lui faire vider son porte-monnaie t La proposition incessante de consommer un cocktail
Je suis heureuse d’avoir découvert ce pays si pauvre qu’il lui faille deux monnaies, une locale et une spéciale pour les touristes, à l’histoire si intense, qui a connu tant de révolutions. J’en sais désormais un peu plus sur ce peuple qui subit de plein fouet l’embargo américain, et qui vénère dès sa plus tendre enfance tous ses héros révolutionnaires. J’ai été sidérée d’apprendre que la mort de Fidel Castro avait entraîné un deuil national de 9 jours, 9 jours où il leur fut interdire de boire et de jouer de la musique. Leur dévotion sans limite à ce président, leur aura-t-elle aidée à surmonter cette période bien particulière ?.
Le cubain est persuadé d’être visé par un
« complot capitaliste » de la part de ce géant voisin, ce
diable ! Selon Maxwell et ses compatriotes, tous les problèmes rencontrés
proviennent des américains : guerre bactériologique qui a introduit la
fièvre porcine, épidémie de dengue (moustique importé par des étudiants
mexicains) tentatives d’attentats à Miami rejetant la faute sur le dirigeant
cubain… « Si, si ! je vous assure que tout est possible de la
part des USA »
Voila ! avec cette page le reportage
condensé de mon voyage dans ce si petit pays gouverné par le Régime est
terminé, j’espère que celui-ci vous aura plu, peut-être donné envie d'y
aller ! Ne partez pas sans visionner les 12 diaporamas, d’une centaine de
photos chacun, consultables aussi à partir du menu de gauche, ça serait dommage
Si vous
désirez en savoir plus, vivre mon voyage de manière beaucoup plus personnelle,
connaître mon ressenti qu'il ait été agréable ou non !
une seule chose à faire : cliquez sur les pages réalisées ville par ville.
Un livre d’or est à votre disposition pour vos commentaires
ou questions. Merci d’avance et bonne balade !