Mahan

                          * Samedi 20 Mai (suite)

             Apres avoir déjeuné au restaurant de l’hotel Eyvan, il est prévu de visiter le mausolée du soufi « Shah Nematollah Vali » qui n’est qu’à quelques pas. (Point N° 9 carte itinéraire)



             Mais qui est donc cet homme considéré comme un saint par le peuple iranien ? Shah Nématollah, ce « Nostradamus Perse »  né en 1330 en Syrie, mourut centenaire à Mahan en 1431. Son père était lui-même un maître soufi et un descendant du prophète. Il voyagea beaucoup de par le monde islamique, errant de nombreuses années à travers l’Asie centrale (Mecque, Inde…) pour perfectionner ses dons et apprendre les philosophies de beaucoup de maîtres. Après avoir fondé un ordre derviche qui continue d’être une force spirituelle active, il  finit par s’installer  à Mahan. Pendant cette période, vénéré par tous les monarques, sa réputation se répandit à travers l’Iran. Considéré comme l’un des grands maîtres du soufi d’Iran, il attira de nombreux pèlerins.

           Qu’est ce que le soufisme ? En quelques lignes : Le soufisme est le mysticisme de l’Islam,  terme dérivant de l’arabe suf (laine) dont étaient faits les vêtements portés par les soufis. Mahomet aurait reçu, en même temps que le Coran, des révélations ésotériques qu’il n’aurait communiquées qu’à certains de ses compagnons. Le soufisme apporte ainsi à l’Islam une dimension poétique et mystique inspirant en littérature certaines des œuvres arabo-persanes les plus remarquables comme les « Contes des Mille et Une Nuits ».

           Selon  les soufis, toute existence procède de Dieu et Dieu seul est réel. « Le monde créé n’est que le reflet du divin, l’homme est un miroir qui, une fois poli, réfléchit Dieu »

             Shah Nématollah apporta un souffle nouveau au soufisme, donna l'exemple en continuant son travail de fermier, montrant ainsi a ses disciples que cette façon était la meilleure des formes d'autodisciplines. Chaque maître se constitua ensuite une cohorte de disciples attirés par la réputation de son enseignement, et qui apprirent en mettant en pratique le principe de "solitude en compagnie des autres »

             Lorsque les soufis se rassemblent ou vivent ensemble, leurs relations sont fondées sur l'égalité. En particulier, aucun soufi n'a le droit de donner des ordres à un autre soufi, et la contribution de chacun est fonction des ses possibilités.

 

Quelques uns parmi les Principes spirituels de l'ordre Nématollahi :

    Rejet de la vie en réclusion, et préférence pour la retraite intérieure, en compagnie des autres.

    Rejet et désapprobation sur l'utilisation du haschich et d'autres drogues de même nature.

    Nécessité d'avoir une activité constructive, et découragement de toute passivité.

    Défense de la paix, la fraternité et l'égalité par les soufis membres de l'ordre. En particulier, aucune distinction n'est faite entre l'homme et la femme.

Tu te souviendras de tout coeur du Bien-Aimé,
quand tu auras oublié le monde d'ici-bas et celui de l'au-delà.
(Maxime de Shah Nématollah)

 

                

          u Mausolée du soufi Shah Nematollah Vali. Cet immense mausolée de 32000 m² où repose le derviche le plus respecté de Perse a été érigé en 1436 par un roi musulman indien, sur l’emplacement même de sa maison.

             Il est aujourd’hui composé d’une coupole, de minarets jumeaux (42 m de haut)  sérieusement ébranlés lors du tremblement de terre de 1981, de quatre cours intérieures et de nombreux bâtiments.

             La grande coupole recouverte de céramiques de couloir turquoise aux motifs géométriques et la porte principale  sont incrustées d’ivoire. Elles ont été restaurées sous les Safavides. L’ensemble a été agrandi avec notamment l’ajout  des deux minarets sous l’époque Qâdjâr, en 1601.

             Je franchis une première cour : la « Cour d’Atanaki ». Ce grand espace bordé de beaux cyprès, avec jardins, fontaines et  bassin octogonal encadré de potées de géraniums, peut accueillir la foule de pèlerins venus de tout l’Iran lui rendre hommage.

            C’est certes une belle cour, mais la haute taille et la densité des cyprès m’empêchent d’admirer tout à loisir la coupole et ses minarets, il faudrait pouvoir prendre beaucoup de recul, comme la photo ci-dessous (récupérée sur Internet) ou un peu de hauteur, ce qui permettrait du même coup d’apercevoir  en toile de fond le Kouh-e Djoupar, et ses sommets blancs. 


 

             La seconde cour la « Cour Shah Abassi » fondée sur ordre du roi Abass s’ouvre sur un bâtiment luxueux aux voutes immenses recouvertes de fresques.

             Puis voici la chambre privée, pièce voûtée accessible par une ouverture en partie obstruée par une tenture marron clair, ici se trouve le tombeau en marbre où repose le saint (3,40m x 2m). Sur cette pierre a été posé un coffre transparent orné de boiseries, avec le nom des 12 imams inscrit sur les cotés.   Les pèlerins viennent  y déposer leur offrande.

             A travers le verre,  j’aperçois des objets sans doute représentatifs de la vie de ce personnage.

             A coté dans une autre pièce recouverte toute autant de superbes fresques, dans le prolongement du premier, voici un second tombeau, celui de Hasan Ali Khan Garoosy, général d’Armée mais aussi connu pour la beauté de ses écrits dans la langue persane, enterré à Mahan fin 19ème ou début du 20ème  siècle.

             Derrière le tombeau, une minuscule salle, véritable œuvre d’art là encore avec ses murs décorés, c’est  l’endroit Shah Nematollah Vali a passé 40 jours et nuits en adorant Dieu, tout en jeunant ! C'est également l'endroit qui l’inspirait  pour écrire ses prévisions.

            Le complexe présente en outre une bibliothèque et un petit musée où l’on y voit une des sept antiques portes de bois, un curieux objet en forme de sous-marin (dont je n’ai pas retrouvé le nom, désolée !) divers types d’armures et d’épées, des copies précieuses du Coran, etc…

   

 

            Nous nous dirigeons maintenant vers un autre lieu, d’un tout autre genre bien à l’opposé d’un mausolée, car c’est un magnifique jardin.

                u Le Jardin de Shahzade  ou Jardin du Prince situé à 6 kms de Mahan entre la citadelle de Bam et Kerman, a été dessiné et planté en 1850 pour un prince qâdjâr et agrandi en 1873  par le gouverneur Abdolhamid Mirza. Sa mort en 1890 interrompit les travaux, laissant le jardin inachevé. Il fut restauré, démoli et de nouveau restauré tout à tour à cause de problèmes sociaux et des tremblements de terre qui se sont succédé (1981-2003)


     Le jardin de Shahzade se situe dans une large plaine, bordée par des massifs montagneux. Il offre un contraste saisissant en formant une oasis créée dans un climat semi-désertique particulièrement aride, car oui ! le désert du Lut, le plus chaud au monde ! est à proximité.

     Le terrain offrant un dénivelé de 20 m. et une pente constante de 6,4%, a permis à un ruisseau de recueillir les eaux des montagnes avoisinantes et grâce au système du qanât Tigran (système de drainage très ingénieux, innovant et très répandu en Iran dont je parlerais demain lors de mon passage près de l’un d’eux) de les distribuer pour irriguer les fleurs et les parterres de pelouses.

     Le jardin de Shahzade, bel exemple de jardin persan, forme un vaste rectangle de 5,5 hectares (400 m x 120m) entouré d'un mur fait de briques qui par un jeu de relief forment de jolis motifs géométriques. Ce mur le protège du soleil et du sable du désert. Le jardin se compose d’une structure d’entrée à l’extrémité inférieure, d’un bâtiment résidentiel de deux étages, le « Sardar Khaneh » à l’extrémité supérieure, et de salles de service situées le long des cotés, utilisées pour les domestiques et les animaux.

     La végétation est organisée de telle sorte que les arbres et des arbustes forment des schémas d’ombrage et de couleurs saisonnières précis. Les pins et les cèdres, aux feuillages permanents, permettent de couper le vent d'est qui souffle depuis le désert. Les ormes, les frênes, les platanes et les peupliers apportent de l'ombre. De nombreux massifs fleuris aux essences différentes sont utilisés un peu partout comme décoration. Un certain nombre d'arbres fruitiers sont également plantés: vignes, pommiers, poiriers, abricotiers, grenadiers, cognassiers, pêchers, pruniers.
            En tant que jardin, cet ensemble est inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 2011.

            Suis-je à peine descendue du bus que la fraîcheur de ce jardin m’envahit de bien être.

            J’accompagne Saĩdé qui remonte  de l’allée centrale du pavillon inférieur, jusqu’au supérieur en longeant les fontaines aux belles allures, ainsi que les 8 bassins qui se déversent les uns dans les autres, franchissant à grandes enjambées, pour ne pas y faire plouf !!! les nombreux ruisselets qui traversent le jardin.

           J’en conviens bien aisément, la perspective est magnifique. Ici et là des parterres de roses blanches illuminent ces jardins. Aux deux extrémités une piscine perçoit et redistribue ensuite l’eau.

 



     

            Des jeunes hommes en blouse blanche, hésitant à mouiller la semelle de leurs chaussures, tentent bien que de mal de poser, peut-être des universitaires venus immortaliser leur réussite ? mais aussi quelques jeunes femmes, leurs camarades de fac ? n’est-elle pas charmante celle-ci jouant avec son foulard ! prenant des postures artistiques. Postée derrière le professionnel, j’en profite !

            Je retrouve Hamid là où je l’ai laissé, c’est l’heure du thé, du café et des gâteaux ! thé que je prend assisse sur le muret bordant ce fabuleux jardin, à l’ombre des cèdres, hypnotisée par le murmure de l’eau qui n’en finit pas de couler. « Il est difficile de résister à son charme » dit le Petit Futé, je confirme !...

    

 

          Le dîner est au même restaurant que la veille « L’Espakho  » Il n’est qu’à un quart d’heure de marche de l’hôtel, nous y allons à pied, ce qui permet à Hamid de partir rapidement sur Yazd faire réparer sa climatisation, nous l’y retrouverons après-demain matin, enfin espérons le !  

            Un camelot nous hèle « What country are you from ? «  « France » Ce à quoi inlassablement il nous répond : « I love Emmanuel Macron ! » Il nous amuse, déjà hier il nous avait joué la même scènette, n’empêche qu’il a l’air d’être au courant de l’actualité internationale ! car notre président a été élu il n'y a que 12 jours et investi depuis seulement quelques jours.

            Ce soir, Saĩdé nous fait goûter une spécialité  de Kerman, le « Bozghormé » Légumes séchés coupés en petits morceaux, pois chiches, viande d’agneau et sauce au yaourt, comme à chaque fois c’est délicieux.

            Heureusement que les chambres de l’hôtel ne sont pas à proximité immédiate de la route, car malgré cela, la nuit a été plutôt chaude, dans tout le pays les Iraniens sont descendus dans la rue fêter la réélection du président Hassan Rohani à coup de manifestations bruyantes, concert de klaxons et de pétarades.

            Demain, nous marcherons sur les traces de Marco Polo en rejoignant Yazd, ville caravanière et étape de la route de la soie. Mais avant une visite s'impose, le caravansérail de Zeindoddin


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