* Dimanche 21 Mai 2017

    Hamid étant parti effectuer sa réparation, c’est Reza qui nous accompagnera aujourd’hui. Heureuse de retrouver un véhicule climatisé, car derrière les vitres, par 35 °, vêtue d’un jean, d’une tunique et d’un foulard, j’avais l’impression d’être dans une étuve, heureusement qu’hier, il y a eu plusieurs visites rafraîchissantes.

    La prochaine étape est Yazd, ville située pratiquement au centre du pays, je me rapproche un petit peu de Téhéran. Pour y parvenir, il n’y a pas loin de 400 kms d’autoroute à avaler, ce pays est décidément bien grand ! trois fois la France.

   Saĩdé met à profit cette longue distance pour nous parler d’un évènement qui a bouleversé la vie du peuple iranien : l’avènement de la révolution islamique.

 En quelques lignes (bien difficile de résumer en si peu de mots cette révolution !)  ce qui a précipité cet avènement : En 1977, l’Iran fait face à une brusque dégradation de sa situation économique suite à la mévente de son pétrole, le gouvernement réduit encore les dépenses sociales pour financer des projets de commandes d’armement, entraînant la multiplication de  manifestations, c’est alors que des slogans exigeant le retour de l’ayatollah Khomeiny, en exil à Neauphle-le-Château (chez nous, en France !!) apparaissent. 

En Janvier 1978, la presse officielle publie une rumeur destinée à faire du tort à Khomeiny, action qui entraînera de violentes émeutes et soulèvements de la part des étudiants et des autorités religieuses à Qom, ainsi qu’une paralysie du pays. Les forces de l’ordre répriment par la violence tuant des centaines de manifestants. Après le deuil de 40 jours préconisé par les coutumes chiites, de nouvelles manifestions ont lieu avec encore des massacres et ce, répétita.. jusqu’au retour le 1er Février 1979  de Khomeiny qui est acclamé avec enthousiasme.

Le 16 Janvier 1979 le shah condamné à la peine capitale par les autorités religieuses est contraint, pour sauver sa vie, de quitter le pays avec sa famille pour l’Egypte, des hôtels de luxe et autres symboles de son régime sont détruits.

   La monarchie vieille de 2500 ans est abolie.

   L’instauration de la République Islamique est proclamée le 1er avril 1979, les Iraniens l’ont voté à 98,2 % des suffrages.

  Qu’en est-il aujourd’hui ! L’iran actuel est une théocratie, sous ce régime le mode de vie occidental, le capitalisme à l’américaine est banni, proscrit, renversé. Les lois  iraniennes basées sur le contenu du coran deviennent la seule façon de vivre en Iran. A la tête du pays se trouve le Guide Suprême, élu à vie non pas par le peuple mais par des religieux (Khomeiny 1979/1989 et actuellement Khamenei) Il accepte ou évince les candidats à l’élection du président de la République, peut aussi le révoquer une fois celui-ci élu. Le pouvoir politique vient de Dieu (Allah) et est exercé sous le contrôle des religieux formant le clergé chiite.

Le « conseil des Gardiens de la Révolution » composé de 12 hommes est nommé par le Guide Suprême, ce conseil détient un rôle très important comme par exemple s’opposer à une loi votée par le Parlement. A l’avènement de la révolution, ces « gardiens de la Révolution » (milice armée) ont pris le contrôle des tribunaux, procédé à des milliers d’arrestations et d’exécutions, de purges, remplaçant ces malheureux par des fidèles de Khomeiny ou des sympathisants de la révolution islamique, montrant par ces actions qu’ils étaient les seuls maitres de l’Iran.

Ce sont aussi ces gardiens qui veillent quotidiennement à ce que soit respectée la loi islamique, la charia. Ils peuvent réprimander, voir plus !!!  par exemple une femme qui n’adopterait pas la tenue islamique, ou tout autre manquement aux fondamentaux de l’Islam, la mixité dans les écoles est abolie. Aujourd’hui ! ils sont en première ligne dans le combat contre Daech.

Revenons maintenant à notre route !



Ce tronçon de « la route de la soie » de Kerman à Yazd fut une de celles empruntées par Marco Polo lors de ses échanges commerciaux. A perte de vue  je ne vois que champs de pistachiers, maintenant ce sont d’innombrables petites alvéoles boursouflées, trahissant la présence des qanâts,  en les longeant je ressens le sentiment de marcher sur la lune !

      Stoooppp ! Saĩdé veut nous faire voir de près un « qanât », système d’irrigation dont j’ai parlé hier à l’occasion de la visite du « jardin du Prince » à Mahan. Depuis les bords d’un petit cratère, j’aperçois cet orifice consolidé en surface par de la boue séchée, s’y approcher de trop près est très dangereux, cet orifice non protégé au creux de ce entonnoir pourrait y engloutir un homme. Saĩdé nous met en garde !

C’est un ouvrage de type minier destiné à la captation des eaux de la fonte des neiges et des nappes souterraines. Un qanât est constitué d’un ensemble de puits verticaux (accès, aération)  en moyenne de 10 m de profondeur, reliés à une galerie de drainage légèrement en pente qui achemine l’eau vers des citernes construites à l’entrée de l’oasis, de la palmeraie ou de la ville.

      Cette invention  géniale ne date pas d’aujourd’hui, mais du temps des achéménides, au début du 1er millénaire !! Comparable à un aqueduc souterrain elle permet à la majorité des populations d’Iran et d’autres régions arides de bénéficier de l’eau à volonté, et quelle que soit la saison, d’irriguer les cultures agricoles. L’orifice à la surface permet aux bâtisseurs de respirer, d’évacuer les déblais et ensuite d’entretenir les canaux.

       Le plus long qanât connu mesure plus de 50 km (Kerman) et le puits mère le plus profond mesure plus de 300 m (Yazd et Kerman sont les zones les plus connues pour leur dépendance à ce système)

       On a recensé à ce jour 33 000 qanâts opérationnels en Iran. Le système a l'avantage de résister et survivre aux désastres naturels (tremblements de terre, inondations…) et humains (destructions en temps de guerre). Un qanât délivre un débit de 8 000 m3 par période de 24 heures. L’eau étant une nécessité absolue, les iraniens ne se contentent pas de réparer les anciens, ils en construisent toujours des nouveaux, d’autant que certains sont aujourd’hui cachés sous des constructions.

       « Il y a bien longtemps, les hommes chargés de la construction étaient habillés de blanc, nous dit Saĩdé, la couleur du deuil «  symbolisant sans doute la dangerosité de ce métier et le peu de chance alors d’y survivre !!

A mi-parcours, nous traversons une zone désertique, puis voici que se dessinent des paysages vallonnés, annonciateurs de la proximité de villes ou villages

 La route de la soie était jalonnée de caravansérails. Ces haltes, lieux de repos et relais pour le changement de monture des courriers, datent pour les premiers de l’époque des Achéménides (700 à 330 AV J.C.)

Au cours des époques suivantes : Sassanides, Islamiques, Invasions Mongoles, Safavides, des routes furent construites et des caravansérails bâtis parfois en grand nombre, devenant des lieux de commerce et d’échanges avec l’apparition d’un plan hexagonal orné des quatre cours traditionnelles, mais il n’en reste plus grand-chose aujourd’hui.

A l’époque des dynasties Afsharide, Zand et Qâdjâre (18ème  siècle) les caravansérails connurent d’importantes transformations : désormais construits en pierres cuites, ils étaient entourés d’un mur très haut assurant la protection des voyageurs. A l’intérieur il y avait une cour entourée de pièces réservées aux serviteurs ainsi que de bâtiments de stockage (marchandises des commerçants, foin pour l’alimentation des bêtes) On pouvait aussi y trouver un maréchal-ferrant et un café.



Au milieu de la cour se tenait une petite mosquée. Aux étages supérieurs, quelques chambres particulières dotées de bains et toilettes étaient réservées à certains voyageurs. Grâce aux cheminées, il leur était possible de cuire leur repas. Les animaux étaient attachés en bas, l’étage supérieur servant de chambre aux voyageurs. Les petits caravansérails n’avaient pas de cour et l’entrée ouvrait directement sur les pièces.

A 60 kms au sud de Yazd, en voici un justement qui était en piteux état, tout comme ceux nombreux sur l’axe routier menant au Pakistan. Celui-ci racheté par un entrepreneur privé et dynamique, a transformé à grands frais ces ruines en « hôtel de charme » Sa récente rénovation a pris trois ans et 13 000 pierres ponces ont été utilisées pour enlever la saleté sur les murs intérieurs.

     t Zin od-Din. (زين الدين) Cet édifice bien qu’à 1 km de la route nationale, est toutefois en plein cœur du désert.


Cet imposant bâtiment de forme pentagonale, ne date pas de la grande époque des « Routes de la Soie » qui ont connu leur apogée entre le 2ème et le 10ème siècle AP J.C. Il est beaucoup plus tardif et fait partie des 999 caravansérails construits sur ordre du souverain safavide Shâh Abbâs le Grand (1571-1629) afin de dynamiser de nouveau le commerce avec l’Extrême-Orient qui avait périclité depuis les invasions mongoles.

Alors qu’à l’extérieur rien ne le distingue vraiment, l’intérieur dont l’accès est payant est superbe, l’endroit est fascinant, la magie orientale opère !… Restauré dans un état proche de l’original, le caravansérail devient un site touristique pouvant accueillir plusieurs dizaines de touristes par jour.

Les pièces sont surélevées et de fins matelas sont posés sur le sol couvert de tapis. Dans certaines chambres un petit escalier de deux-trois marches est nécessaire pour atteindre le couchage, les alvéoles des chambres ne sont séparées que par des tentures, à part celles donnant sur la cour intérieure. Pas de clef aux portes, d’ailleurs pas de portes non plus ! seul un rideau sépare le couloir des chambres.

Intimité zéro mais quel charme fou !

 

 

        

 

Au centre une cour à ciel ouvert qui épouse la forme des bâtiments, n’est-elle pas charmante avec en son milieu un bloc de pierre pentagonale recouvert de briques et entouré d’une petite rivière de verdure ?

 Il y a fort à parier qu’au cours de la nuit, dans un silence total, hum,  il est permis de rêver ! car l’autoroute et ses bruyants camions ne sont pas si loin que ça !! j’aurais pu contempler les étoiles, d’ailleurs j’ai lu qu’un astronome amateur organise parfois des conférences d’astronomie.

Au-dessus de ma tête, fixée au faîte des bâtiments a été installée  une voûte de roseaux, prévue pour distribuer généreusement de l’ombre. La salle à manger est, elle aussi très jolie avec cette succession de hautes pièces voûtées, tables et banquettes de bois, tapis au sol, aux murs… Comme autrefois nous y faisons une halte et prenons le thé. Les employés qui nous servent font partie de la tribu des baloutches.

Depuis la toiture du caravansérail j’aperçois au loin le désert et les montagnes ainsi que sur ce toit les nombreuses cheminées d’aération joliment recouvertes de tuiles.

   

 

Reza continue sa progression sur Yazd. Cet axe menant au Pakistan et à l’Afghanistan est  très surveillé par les autorités (soupçon de trafic de drogue)  les policiers sont vigilants, d’ailleurs en sens inverse, un camion rempli de gousses d’ail, semble-t-il ! fait l’objet d’une fouille assez spectaculaire, le policier debout sur le chargement transperce celui-ci avec une longue tige métallique. Une fois n’est pas coutume, Saïte et Reza doivent fournir aux autorités un document spécifique pour entrer dans la ville.

La banlieue de Yazd est loin d’être nickel, avec ses terrains en friche, ses sacs poubelles jetés ça et là un peu  partout.

Yazd est situé à 1200m d’altitude, il y fait pourtant 34°. Reza se dirige Kashani Street vers le « Sahel Restaurant » pour y déjeuner. Restaurant qui se targue, d’après sa carte de visite, d’être « le seul en bord de plage »  Faut dire aussi que ce restaurant est un peu fou en terme de création, sa salle à manger est un ensemble de petites tables rondes  installées sur une surface d’eau artificielle.

Le riz. Plus j’avance dans le voyage, plus je goûte des recettes différentes, ici c’est du riz coloré de rouge par les épices. Avec le plat principal est proposé du yaourt servi dans des coupelles.

La page suivante sera consacrée à la découverte de Yazd, ville oasis au milieu du désert

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    Yazd