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Samedi 22 Janvier
Voici arrivé
le moment de quitter cette magnifique région qu’est le lac Inlé. Après un
vol d’1h avec la compagnie Air-Bagan, nous refoulons le sol de la capitale
birmane et déjeunons au restaurant du service culturel de l’Ambassade de
France.
Yangon
(point 14 carte itinéraire)
Revoici le centre ville avec ses immeubles décrépis, ses trottoirs défoncés et ses fils électriques survolant les carrefours, telle une énorme araignée qui voudrait nous prendre dans ses pattes… la prudence s’impose pour ne pas se faire d’entorses.
Nous voici à
déambuler dans « China Town »
quartier chinois, comme son nom l’indique ! marché plein de saveurs et d’aromes
prenant de l’importance en fin de soirée. Il nous sera difficile de se frayer
un passage parmi les échoppes colorées, les vendeurs ambulants empiétant sur
les trottoirs, les restaurants de plein air, les barbecues, les fritures de
crevettes…
Les ingrédients paraissent légèrement différents des marchés birmans : fruits et légumes, kilomètres de saucisses confites, pousses de bambou, galettes de riz gluant recouverts d’huile de palme, crabes, langoustes, et même vers blancs grillés …. ce qui, je dois bien l’avouer, nous répugne un peu, mais cette nourriture fait partie de la tradition asiatique.
Lors de la promenade au bord de la rivière Yangon, nous constatons qu’à chaque arrivée de ferry, l’activité y est bouillonnante. Ceux-ci assurant la liaison d’une rive à l’autre, permettent aux birmans de rentrer chez eux après leur journée de travail, les pirogues qui font elles aussi, un va et vient incessant transportent des marchandises.
Le reste de
l’après-midi sera utilisé à revoir la pagode dont la découverte avait été
gâchée en début de voyage par une pluie torrentielle, aujourd’hui il y a du
soleil.
La pagode
Shwedagon, la plus belle, la plus impressionnante, la plus grandiose, la
plus sacrée…..du monde ! Construite entre le VIe et le
Xe siècle par les Môns, elle contiendrait les reliques des 4 anciens
Bouddhas, dont huit cheveux du Bouddha Gautama, le premier, celui qui
reçut l’illumination.
A partir de 1824 Shwedagon fut occupée et pillée par les Britanniques, il faudra attendre 1930 pour voir la fin du joug anglais. Aujourd’hui, c’est une foule fervente qui se presse en ses murs, chacun réalisant ainsi le vœu le plus cher dans une vie de bouddhiste : fouler le sol de Schwedagon.
La base du grand stûpa est
faite de briques recouvertes de milliers de plaques d'or. La pagode principale
de 100m de haut se trouve au milieu d'un vaste complexe de 72 autres pagodes,
pagodons, clochetons, salles de prières et autres édifices religieux aux arêtes
richement décorées et ciselées offerts par de riches familles, ainsi que
de très nombreuses statues de bouddhas et de nats. Sa girouette est incrustée
de 2400 pierres précieuses. A son sommet, un globe en or de 25 cm de diamètre
est serti d’environ 4000 pierres précieuses.
Une tenue
correcte est recommandée. Entrée 5 dollars, l’accès est payant uniquement pour
les étrangers, recette allant dans les caisses du régime en place !
Consigne à chaussures payante…
Nous entrons par l’ascenseur de l’entrée Sud. Il y a beaucoup de monde, aux fidèles en prière, seuls ou en groupe, indifférents à l’agitation se mélangent les touristes. Ils viennent, avec diverses offrandes (encens, fleurs, nourriture) prier, rendre hommage au Bouddha, remercier les nats, invoquer un destin favorable ou encore racheter leurs fautes afin de renaitre dans les meilleures conditions.
La tradition veut que l’on répande de l’eau fraîche sur les postes planétaires correspondant au jour de sa naissance. Il y a 8 postes par semaine, le mercredi étant divisé en deux, A chaque jour sont affectés 1 astre, 1 chiffre et 1 animal (tigre, lion, éléphant avec ou sans défenses, souris, cochon d’Inde, dragon, Garuda) Née un Mardi, ça sera la planète Mars, le chiffre 3 et le lion, coïncidence troublante lorsque je vous aurais confiée être née un 3 Août, donc signe du « Lion » l’astrologie bouddhique se superpose sur l’astrologie classique….. L’eau fraîche est utilisée pour éteindre symboliquement les foyers de la souffrance, les fleurs sont offertes sur les autels de Bouddha pour le remercier de son enseignement selon lequel, de la même façon que les fleurs se fanent, rien n’est permanent, un des aspects importants de la philosophie bouddhiste ! Un peu partout, des boites transparentes où moyennant un petit billet, vous gagnerez des mérites …
Pour chaque acte important de sa vie, le Birman consulte un des innombrables astrologues ou alchimistes présents aux entrées des pagodes, sa destinée étant étroitement liée avec le jour et l’heure de la naissance, son nom est également fixé d’après ce jour.
Comme tout bon pèlerin, j’entame mon tour dans le sens traditionnel, contournant les bouddhas par la gauche.
Voici successivement
l’oratoire
du mercredi matin
du samedi
la pagode du soleil
le monument des Etudiants
un bouddha
couché.
Dans le
coin Nord-Ouest la cloche de Singu (24 tonnes) offert par Singu
Min en 1778, un symbole fort.
Lors du
pillage de 1824 par les Anglais, la cloche coula lors de son transport vers
Calcutta, les Birmans proposèrent de la récupérer à condition de la remettre à
son emplacement originel, les anglais convaincus de l’échec de l’opération
acceptèrent. Les Birmans, grâce à des milliers de bambous glissés
ingénieusement réussirent, la cloche fut réinstallée en 1926, son bronze corrodé témoigne de
son long séjour dans l’eau.
Ces anglais n’avaient pas tiré la leçon de ce qui s’était déjà produit deux siècles plus tôt lorsque la cloche volée par les Portugais pour en faire des canons coula avec le bateau, et s’y trouve toujours.
Le
temple de l’Empreinte du pied de Bouddha, nombreuses offrandes (noix de coco et
bananes)
Aux abords de l’escalier de l’entrée Nord, de nombreuses échoppes vendant tout ce qui est nécessaire au bon bouddhiste : fleurs pour offrandes, jouets de papier mâché, statuettes de Bouddha, et plus encore ….. J’admire quelques instants cet artisan qui, patiemment, colle des feuilles d’or sur une statue.
Dans le coin
Nord-Est le
pavillon de la Cloche de Tharyarwady, cloche fondue en 1841 par ce roi pour
l’aider à devenir bouddha dans une autre vie
un bodhi, bouture du banian
sacré (arbre sous lequel Bouddha l’Eveillé aurait reçu l’illumination) avec
l’inscription de la légende de Dhammazedi,
la chapelle du Mardi
le temple offert par le
roi Dhammazedi, sanctuaire fort vénéré.
L’escalier Est, celui par lequel les anglais attaquèrent et prirent la pagode lors de l’invasion de Yangon au 19ème siècle,
La chapelle du Lundi.
La pagode est un lieu étonnant, ce n’est pas simplement un lieu de ferveur, mais aussi un lieu de vie, on y vient pour passer la journée en famille, pique-niquer, discuter entre amis, se reposer.
A plusieurs reprises, nous
croisons ces jeunes femmes le balai à la main, balayer ce sol sacré est un
honneur, pour avoir la possibilité de le faire, elles doivent s’inscrire et l’attente
peut être longue. Devant elles, marchant à reculons, un homme leur donne ses ordres
en gesticulant, genre : « fais pas ci, fais pas ça, c’est comme
ci, c’est comme ça ! »
17h30. Sous les lumières des projecteurs, tout cet or commence à briller, le moindre coin est éclairé, chaque temple, chaque niche de Bouddha. Ici on ne regarde pas à la dépense, il n’y aura pas de coupures d’électricité pour ce lieu hautement dédié à Bouddha. Plus le crépuscule tombe, plus l’atmosphère devient envoûtante, nous… une poignée de touristes parmi cette multitude de croyants déambulant sans cesse entre les sanctuaires et stûpas.
Nous dînons au « Monsoon » repas sur fond musical, une jeune femme interprète des chansons anglaises.
Nous
retrouvons notre hôtel, le « Yuzana » cette fois nous sommes au 7ème
étage. Déception, à cette hauteur, on est à la limite de la propreté, moquettes
du couloir arrachées, personnel de surveillance qui dort à même le sol dans la
lingerie, enduit des bas de murs tombé à cause de l’humidité, lits sur
roulettes. Sinon, toujours la même image de la pagode Shwedagon illuminée de
tous ses feux.
La pagode Shwedagon a été le témoin de la « révolution de safran » nommée ainsi en référence à la couleur de la robe des bonzes. Les habitants du Myanmar se révoltèrent à plusieurs reprises contre le régime autoritaire en place. Le 8 Aout 1988, ce sont plusieurs milliers d’étudiants qui protestèrent, révolution qui se terminera dans un effroyable bain de sang avec près de 3000 morts. Plus récemment, chacun s’en souvient très certainement, ce fut la révolte des moines.
La révolte des moines Les manifestations débutent
le 19 Août 2007 à Yangon, la population se contente alors d’applaudir les
moines. Le 5 Septembre, 500 moines de Pakkoku, ville située à 500 kms au Nord
de
Yangon, impuissants devant la population désespérée qu’ils voient
défiler dans leurs monastères (il faut aussi rappeler que ces moines sont
dépendants des dons de cette même population) avaient protesté contre la
détérioration des conditions de vie provoquée par la hausse des prix de
plusieurs sources d’énergie, hausse décrétée par la junte militaire.
Le régime ne tolérant aucune manifestation, les bonzes furent brutalisés par les forces policières. Cette brutalité renforcera le mouvement de révolte et le 26 Septembre, ils sont 30 000 moines et 70 000 civils à manifester dans les rues de Yangon (il est dit …. que ce jour là le régime aurait infiltré des soldats parmi les moines pour faire sortir les opposants de leur silence…) Les armes auront, une nouvelle fois, raison de la démocratie. La Chine, grande puissance économique soutient le régime, tout s’écroule. Des centaines de manifestants sont tués, des milliers arrêtés, les monastères sont saccagés, les moines en fuite, la peur a repris le quotidien des Birmans.
Quelques images tournées clandestinement vogueront sur la toile, permettant au monde de prendre conscience de la vague de protestation et de sa répression. Aujourd’hui encore, l’attroupement de moines en dehors du monastère est interdit, nous ne les verrons d’ailleurs jamais plus de 3 ou 4 ensemble.
Dimanche
23 Janvier
Ce matin, lors d’une immersion dans le quartier « downtown » nous apercevons, bâtie au centre d’un rond point la pagode Sule, cachée sous son échafaudage de bambou, sa base est aménagée en de multiples échoppes bétonnées.
Ce quartier regorge d’anciens édifices coloniaux, tel que la Haute tour de Justice et l’hôtel de ville, peint en jaune moutarde
Voici la « Bengali Sunne Jameh Mosquée » blanche rayée de rouge. Cette mosquée fut construite par la population musulmane pendant l’occupation britannique.
Apres une courte balade sur Sule pagoda Road, où nous apercevons quelques petits commerçants s’activant sur les trottoirs, un gamin qui prépare et vend ses chiques de betel, nous revenons à la pagode Sule.
La Pagode Sule, contient un cheveu du premier
bouddha. Rapporté d’Inde elle aurait plus de 2000 ans, mais fut maintes et maintes fois remaniée. Durant les
manifestations pro-démocratiques de 1988 et de 2007, elle fut, comme celle de
Shwedagon, l'un des lieux de rassemblement des manifestants. Aujourd’hui elle
est considérée comme le centre de Yangon.
« Strand Hôtel » construit
en 1901, il était l’un des plus luxueux de l’empire britannique. Superbe
établissement de style victorien, situé en face de la rivière Rangoon, il est
exploité aujourd’hui par General Hotel Management. Après avoir connu une
période de délabrement, il est redevenu un palace.
Dans l’entrée, un musicien accueille les visiteurs en jouant de la harpe. Nous nous enfonçons dans les parties communes aménagées de beaux meubles, de tableaux et peintures, d’objets luxueux, les sols sont en teck et marbre, donnant un instant l’impression d’être au cœur d’un musée.
La pagode
Botataung. Son histoire est quasiment similaire à celle de Sule. Elle fut
construite il y a plus de 2000 ans par un ministre qui s’était vu remettre des cheveux
de Bouddha. Une armée de 1000 soldats (Bo Tataung signifiant « mille
soldats ») venus d’Inde se chargea d’escorter le coffret sacré jusqu’en
Birmanie. La pagode sera entièrement détruite par les bombardements alliés lors
de la Seconde Guerre mondiale, mais reconstruite à l’identique grâce à la
grande générosité du peuple. C’est lors du déblaiement des ruines que seront
trouvés des coffrets, ainsi que les reliques enchâssés dans de petits
cercueils. Il a de suite été supposé que c’était le cheveu sacré, celui-ci
était enroulé et fixé avec un vernis sur lequel on a trouvé des traces d’or,
des statuettes de nats lui servant de sentinelle.
Elle est désormais la seule où il est possible de pénétrer et d’apercevoir « le cheveu sacré » au terme d’un labyrinthe de petits espaces miroitants. Il y a tant de lumière, de brillance, de panneaux dorés à l’abri derrière des vitres réfléchissantes, que nous n’arrivons pas à l’apercevoir, il serait sous une cloche de verre, mais on est tant de monde agglutiné dans ce petit m2 !
A l’extérieur de la pagode, une passerelle qui surplombe un lac peuplé de tortues d’eau rejoint les oratoires de trois nats. Celui de droite exauce les vœux, c’est le préféré des étudiants qui viennent nombreux avant les examens. Un peu plus loin, sous un porche, une splendide statue d’un bouddha assis.
Les rues avoisinantes foisonnent de commerçants qui vendent des corbeilles d’offrandes faite d’une couronne de bananes entourant une noix de coco ou une mangue, travail d’artiste. Pour faire encore plus clinquant, il y est rajouté des boules brillantes, des fleurs, des bâtonnets d’encens…..
[]Déjeuner au Royal Thazin. Après celui-ci nous nous dirigeons vers le marché Aung San.
Marché
Bogyoke Aung San, appelé aussi Scott Market, du nom de son
fondateur britannique. Inauguré en 1926, il a été rebaptisé empruntant le nom
du héros national, le
général Aung
San. Cet immense marché couvert, le plus grand de la ville, a conservé son bel
agencement colonial et constitue une attraction touristique en soi. Il offre
tout ce dont vous avez besoin et même plus … ! plus de 2 000 magasins
(nourriture, bijoux, antiquités vraies ou fausses, artisanat, mode, marchandises
de contrebande, pittoresques et colorés étals de viandes et légumes, restos et
maisons de thé, cheroots, longwys, laques, rotin, tongs, marionnettes,
instruments de musique, bijoux or et jade, et j’en passe, s’y cotoient…….. Il
fait bon y passer du temps, se perdre dans les différentes ruelles, mais un
petit conseil, avant de vous y perdre, repérez la rue principale…
15 heures.
Sonne la fin du séjour pour la majeure partie du groupe, nous ne sommes que 7
a avoir opté pour une « excursion a la carte » à savoir « le
Rocher d’Or » A 16h30 nous disons adieu à Mi-Mi, aux chauffeur et
assistants ainsi qu’à nos compagnons de découverte Comme toujours dans ce genre de
voyages, des échanges se sont faits, des liens se sont tissés, continuerons nous
à les tenir, ça c’est une autre histoire ! Ce reportage peut peut-être
aider à y contribuer, si vous vous reconnaissez, c’est que ce récit vous aura plu,
fait revivre notre voyage.
Tout près de
l’hôtel, dans la rue principale, il y a un temple, le style est différent de ce
que nous avons vu jusqu’à présent, je crois que c’est une pagode chinoise. Un jardinier
m’aperçoit hésitante en bas des escaliers, me fait signe de venir, j’y vais,
j’y vais pas ? !.. je suis seule, mon homme est resté à se reposer à l’hôtel.
Je ne le regretterais pas, c’est splendide, moins de dorures, moins fouillis,
plus sobre. Cette pagode est entourée d’un joli jardin bien vert et arrangé
avec goût, ainsi que de plusieurs habitations.
Immédiatement je ressens la différence d’être seule ou en groupe, car spontanément on vient à ma rencontre, on me propose un verre d’eau en me demandant « Where do you come from ? » « French » ! ça n’a pas l’air de trop les inspirer… j’explique dans un anglais approximatif que c’est à l’Ouest de l’Europe. Notre conversation s’arrêtera la, mais je suis heureuse de ce contact.
Je continue
ma petite exploration en solo, pas trop loin car la nuit va venir, je fais le
tour de l’hôtel et là c’est le choc !
je suis dans une rue typique de la Birmanie pauvre, une de celles que les
voyagistes ne font pas voir. Un mur de 2,50m rehaussé d’un mètre de barbelés
sépare cette rue de l’arrière de l’hôtel, les commerçants exercent leur métier
sous des bâches ou des parasols, activité dépendante de la lumière du jour, c’est
malgré tout vivant, ils sont dans leur élément. J’y achète un jus de fruits, la
bouteille est recouverte de poussière, mais c’est accompagnée d’une tonne de
sourires que je retourne à l’hôtel.
Gérard me fera parvenir, plus tard, quelques photos, dont une qu’il a pris avec un zoom puissant de sa fenêtre de chambre. L’image est parlante, ce n’est plus ou moins qu’un bidonville, les gens vivent dans des abris recouverts de bâches, avec un meuble fait en planches, probablement sans électricité, le sol est en terre, parfois recouvert de planches. Dure réalité, la misère côtoyant le luxe démesuré de la pagode Shwedagon.
Je rejoins mon homme dans notre chambre minable et attendons une
manifestation du guide qui nous accompagnera au Rocher d’Or. Il nous a été
demandé de préparer un bagage léger, uniquement l’indispensable pour les deux
journées, les valises resteront à la consigne de l’hôtel.
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