*** Mardi 23 Octobre : journée sur le lac Titicaca (point n° 14 carte itinéraire)

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Cathédrale de Puno

 

Avant l’excursion sur le lac, nous effectuons une petite promenade matinale et individuelle à la découverte du coeur historique de Puno, celui-ci a l’air d’être gardé la nuit, car nous rencontrons des « représentants de la loi » un peu partout.

 

        * Puno : situé à 3850 m d’altitude au bord du lac Titicaca, fut le centre de la culture Tiahuanaco (peuple Aymara de 800 à 1200 ap J.C.) puis les Incas s’imposèrent sur ce territoire au XVe siècle, et enfin les Espagnols, qui attirés par l’activité minière importante à l’époque y laissèrent un héritage colonial important.   Puno, vu depuis les bords du lac

La « place d’Armes ». Au fond de celle-ci la cathédrale, seul monument de Puno, construite au 18ème siècle, avec une remarquable façade en pierre rouge sculptée par le maître tailleur de pierres péruvien Simón de Asto, un mélange de style baroque et Renaissance. La cathédrale comprend des éléments andins, d’où son caractère métis. Nous effectuons quelques pas dans la rue piétonne (Jirón Lima) déserte à cette heure, mais grouillante à la nuit tombée, un vélo-taxi attend déjà son premier client, puis retournons à l’hôtel pour l’excursion prévue. C’est alors que Félix, notre guide local qui nous accompagnera  au long de cette journée se présente.

De l’embarcadère du lac, Puno semble se blottir au pied d’un cirque de montagnes pelées, sur le versant de celles-ci, quelques inscriptions, ce sont les blasons des écoles les plus prestigieuses de la ville.

 

Il est tôt, nous sommes les seuls touristes, c’est parfait ! ..  les excursions partant toutes de cet endroit et s’effectuant au même rythme, nous aurons ainsi toute la journée un temps d’avance, évitant de cette façon de se retrouver à 150 sur une poignée de m². Le groupe se répartit dans deux bateaux à moteur, de façon à être à l’aise durant la traversée qui sera  d’une demi-heure environ pour rejoindre les îles Uros, mais de plusieurs heures pour l’ile de Taquilé. Ces bateaux présentent un habitacle couvert, quelques places à l’arrière, une plateforme panoramique et.. des gilets de sauvetage. Hier soir, nous avons eu les recommandations d’usage : chapeau, crème solaire, lunettes de soleil, dans cette région les rayons du soleil sont agressifs car rendus plus forts par l’altitude et la réverbération du lac.

 

                 L’histoire du lac Titicaca  en quelques lignes : situé à Les héros de la légende du lac3812m d’altitude il mesure 165 km de long et 60 de large, pour une superficie de 8560 km². La température moyenne annuelle de ses eaux varie entre 9 et 11° (Octobre à Mai) mais de -7 à -10° (Juin à Septembre)

      * Le lac est sacré, une jolie légende y est associée : l’Inca Manco Cápac et sa sœur et femme Mama Ocllo, demi-dieux et enfants de père Inti (Le dieu du soleil), auraient émergé de ses eaux  avec pour mission de trouver un nouveau royaume : l’empire des Incas, fondant ainsi la ville de Cuzco. Une autre légende évoque le Trésor des Incas immergé au 16ème siècle, à ce jour des expéditions effectuées par des experts auraient découverts des ruines et des restes d’une citadelle inca dissimulés dans les abîmes du lac .. Titicaca, signifie « puma de pierre » en langue aymara. (encore une possible légende...)

       *  En 1978 a été créée la réserve du Lac Titicaca, afin de conserver sa flore et faune sauvage ainsi que la beauté de ses paysages. Dans cette réserve, ont été recensées 60 variétés d’oiseaux, 14 espèces de poissons natifs du lac, et 18 espèces d’amphibiens, parmi lesquelles la grenouille géante du Titicaca qui peut atteindre 3 kg !

       *  Placé dans une zone partagée par le Pérou et la Bolivie, les eaux du lac réunissent une quarantaine d’îles, sur le territoire péruvien les plus grandes sont les Uros, Taquilé et Amanti. Plusieurs records sont associés à son nom : il est le plus haut du Chemin parmi les roseauxmonde navigable et transportant des touristes, le plus grand au-dessus de 2000m et le plus étendu d’Amérique latine.

 

On quitte les eaux du port de Puno, les bateaux se fraient un chemin en zigzaguant parmi les touffes de totoras,  où se réfugient oiseaux et poissons. Le lac est recouvert d’algues, ce qui provoquera d’ailleurs l’arrêt d’un des deux bateaux, son hélice s’y étant emmêlée. C’est superbe, le lac d’un bleu foncé est calme, rien que pour nous ! il est tôt, aucun pêcheur ni coupeur de totoras à l’horizon, ça sera un peu plus animé au retour. Au bout d’une demi-heure de trajet, nous commençons à apercevoir les premières îles, les Uros.

 

Iles UROS

 

La totora est une plante lacustre, avec de longues feuilles légèrement triangulaires, une tige de 2 à 3 mètres de haut, donnant en été une fleur ressemblant à un cigare.

Dans le sol la plante développe des bourgeons qui sont comestibles, l’hiver ceux-ci contiennent de l’amidon, et peuvent être cuisinés comme des pommes de terre. C’est une plante qui a une haute teneur en iode, en médecine traditionnelle elle est utilisée comme diurétique et cicatrisant de blessures, elle est également un bon fourrage pour le bétail. L’utilisation principale de ce roseau est la grande tige qui sert à tisser des tapis, cordes tressées, articles de vannerie, et autres produits artisanaux. Sur le lac, la totora sert principalement à la fabrication des îles flottantes (les Uros)  et de bateaux, conservant ainsi une forte tradition ancestrale.

 

Accueil des femmes Uros

      *** Les îles UROS, on en décompte une trentaine pour une superficie totale de 71 km² dans la baie de Puno. Comment décrire le sentiment qui nous submerge à l’approche de ces îlots de paille : quelques femmes alignées sur le bord de leur minuscule îlot guettent le bateau et nous souhaitent la bienvenue en chantant des refrains français.. (A la claire fontaine, Frère Jacques.....)  Elles sont joliment vêtues, toutes à l’identique, une large jupe à volants aux couleurs vives, rouges, bleues ou vertes, un chemisier blanc brodé, ce dernier recouvert d’une veste courte rose. Sur leur tête le chapeau melon rond traditionnellement porté par les femmes de l’altiplano, de celui-ci pendent de magnifiques longues tresses noires, dont l’extrémité est savamment emprisonnée par plusieurs pompons roses, un festival de couleurs...   

Les principales îles des Uros sont Tupiri, Santa María, Tribuna, Toranipata, Chumi, Paraíso, Kapi, Titino, Tinajero et Negrone. Certaines sont aménagées spécialement pour l’accueil du touriste, les autres restent privées et à l’écart de l’œil du voyageur, beaucoup moins authentiques avec leurs grandes maisons en dur, maisons dont nous apercevons les toits au loin. Celle ou nous accosterons est Tupiri, petite, charmante, séduisante, intime, un vrai régal...

Le choix de l’îlot qui sera visité n’est pas un hasard, c’est la communauté qui décide chaque jour, afin de répartir sur l’ensemble les bénéfices du tourisme, les femmes y proposent leur artisanat, tissages et beaucoup d’articles de vannerie fabriqués en totoras.

 

Nous arrivons dans une contrée du monde qui est à très haute altitude, plus de 3800 m... le climat froid et sec, caractéristique de la région, y est atténué grâce á l’action constante de l’évaporation de l’eau, permettant ainsi la présence de vie humaine.

Présentation de l'îlot TupiriIci les habitants sont acclimatés à cette altitude, cette adaptation provient du fait que l’homme possède une cage thoracique plus importante ainsi qu’un litre de sang supplémentaire, donc plus de globules rouges par rapport à nous autres Européens, ce qui explique d’ailleurs leurs pommettes violacées.

 

Etrange impression lorsque l’on pose le pied sur ces sols mouvants, ces tapis de roseaux flottants, on croirait marcher sur un matelas pneumatique ou un lit d’eau, nos pieds s’enfonçant à chaque pas en ondulant. Le chef de l’île nous accueille et nous dirige vers un espace aménagé pour les touristes, des bancs de totoras disposés en demi-cercle autour d’un tableau noir. Félix, nous explique alors les techniques de construction et d'amarrage des îles, ainsi que le mode de vie des habitants, aidé en cela par les autochtones qui procèdent aux démonstrations nécessaires.

 

Présentation de la fabrication de la base de l'îlot

           * La fabrication : Les racines des totoras (roseaux poussant dans le lac) forment une plateforme d’environ 3 mètres d’épaisseur, qui en s’entremêlant ont emprisonné la terre. Ces blocs au bout de plusieurs années se décrochent les uns des autres et se mettent à flotter. Les indiens les récupèrent alors un par un, les reliant entre eux en y plantant des pieux et en les attachant avec des cordes, ce travail forme la base de l’île. Ensuite de façon à niveler le terrain, les hommes y étalent de nombreuses tiges de totoras. Ensuite vient la construction des maisons et des meubles, toujours dans la même matière première. L’île terminée sera attachée à de grands pieux d’eucalyptus plantés au fond du lac, donnant ainsi de l’immobilité à celle-ci. Elles sont également reliées entre-elles par des cordes. L’entretien des îles flottantes est permanent : les hommes doivent renouveler l’île au fur et à mesure de la décomposition de la base,  et 2 à 3 fois par mois, ils coupent des totoras qu’ils répartissent sur l’île pour un meilleur confort.

 

 

Démonstration d'un de leurs moyens de subsistance          * Les habitants : Au 13ème siècle, c’était pour se protéger des Incas, la tribu rivale de l’époque, que les Uros auraient eu l’idée de couper les roseaux du lac afin de s’aménager des plateformes flottantes sur lesquelles ils s’installèrent.

Ils sont issus d’un métissage d’Aymaras, de Quechuas et d’Uros et parlent l’aymara. Lors de l’invasion des espagnols, les indiens Aymaras furent réduits à l’état d’esclaves, état qui dura jusqu’en 1953. Actuellement, ils continuent de perpétrer la tradition de la pêche artisanale, spécialement la pêche du carachi et du pejerrey, grand atout économique, ils chassent les oiseaux sauvages et les canards du lac, mangent leur chair et en font sécher la peau aux murs de jonc des maisons. En continuant à construire et à entretenir les îles flottantes ils contribuent également à conserver la tradition de leurs ancêtres. Les hommes sont d’habiles conducteurs de radeaux de totora et les femmes des adroites tisseuses. 

 

 

Bien que le tourisme leur apporte une manne importante, les indiens en limitent le nombre. Certaines des îles possèdent des monuments publics (écoles, églises, dispensaire, commerces, poste) celle que nous avons visité ne possédait rien de cela, car trop petite, les enfants vont alors à l’école en bateau. Chaque île regroupe entre 3 et 10 familles, c’est selon !  toutes vivent sur le mode communautaire. Le gouvernement a offert à chaque maison un panneau solaire leur donnant ainsi un peu d’électricité, plus sécurisant que la bougie pour s’éclairer. Un petit âtre en terre cuite, posé sur un bloc de racines permet de faire du feu et de cuire les aliments sans risquer de brûler les roseaux, ça et là des ustensiles de cuisine, surtout des pots de terre et des pilons pour moudre le grain.

 

Vue panoramique sur l'îlot Tupiri         Préparation du repas

 

Habitat traditionnel

 

 

 

La traversée de  cet îlot de long en large ne nous prendra pas longtemps, celui-ci fait tout au plus 50 m de long sur 20 de large, nous pouvons voir les quelques maisons dispersées, allant de la modeste hutte à peine plus grande qu’une tente, abritant manifestement toute une famille, jusqu’à la reproduction de bateaux et autres objets fabriqués pour le touriste, tout (vraiment tout !) ici est construit en totora.  Là c’est un morceau du sol qui est découpé et entouré de grillages pour permettre la pêche, à moins que ça ne soit pour élever des canards, puisque nous en avons vu déambuler sur l’île.

 

 

Vue panoramique          Couchettes, tables ..... canards...

 

 

Fillettes de l'îlot

Les jeunes enfants habitués aux touristes ne sont pas farouches et se laissent facilement photographier. Qu’elle est jolie cette petite fille toute de rose fluo vêtue ! dans un coté de l’îlot les femmes regroupées entre elles proposent leur artisanat, nappes tissées, bateaux en roseaux,etc.. Quelque chose m’intrigue en regardant les photos, ce sont ces bottes de totoras installés à la façon d’un tipi, quatre ou cinq pas plus, généralement encore vertes, à quoi peuvent-elles servir ? est ce en attendant l’hiver pour en consommer le blanc ? est ce pour protéger un découpage dans le sol, utilisé pour  pêcher ? est ce un stock pour le renouvellement du sol ? ma question restera très probablement sans réponse. Chaque îlot à  un (ou plusieurs ?) mirador, utilisé pour voir les embarcations arriver, visibilité obstruée par la hauteur des touffes de totoras.

 

 

Vue panoramique           Vue panoramique

 

Un petit tour en totora

 

 

Moyennant 5 soles (1.25€) il nous est proposé un tour en totora, décidément tout s’appelle ainsi, mais là je parle d’un bateau, on va plutôt dire d’un radeau, dont les pointes sont relevées, fait de bottes de longs roseaux tressés et ficelés par des liens végétaux, l’avant est sculpté en tête de puma (ou autre animal !) et l’arrière en queue de poisson, les Indiens du lac le guident au moyen d’une longue perche. Notre batelier, accompagné de sa petite fille nous fait faire une mini-croisière, disons plutôt le tour de son île,  passant ainsi à proximité de Santa Maria, promenade d’une vingtaine de minutes, le départ est accompagné une nouvelle fois de chants français.

 

 

Les barques construites en totora                     Lors de notre balade en totora

 

C’est avec une pointe de nostalgie que nous quitterons ces îlots, certes curieux, même si le coté touristique a pris le dessus sur l’authentique, il n’en reste pas moins que ce fut une visite très agréable. Nous reprenons le bateau pour l’île de Taquilé, beaucoup plus éloignée au centre du lac, que nous rejoindrons au bout de 2h30 de navigation agréable. 

 

Le diaporama