Ile de Taquilé    Récit en version imprimable     (point N° 14 carte itinéraire)

 

Située à 35 km à l’est de Puno, longue de 7 kms et d’une superficie d’environ 6 km², au point le plus haut du village l’altitude est d’un peu plus de 4000 m, 200 m de dénivelé que l’on atteint  soit en grimpant 584 marches, soit par un sentier caillouteux à l’arrière de l’île. C’est une île naturelle sans plage, ressemblant à un piton rocheux  plat sur le sommet.

Avant de débarquer, Félix notre guide, nous fait encore et encore les recommandations : monter doucement, à notre rythme. Le bateau qui a accosté à l’arrière de l’île restera 20 mns avant d’aller à l’autre point d’accostage, permettant ainsi à ceux qui se verraient dans l’incapacité de grimper le raidillon  très pentu du début, de revenir sur leurs pas. 

 

.Et apparaît l'île de Taquilé          Débarcadère de l'île de Taquilé

 

Cabane au bord du sentierEt c’est parti pour 2½ kilomètres à pied en pente continue pour arriver à la place du village, et a plus de 3800 mètres, vive les vacances ..... ce fut assez costaud, ayant personnellement perdu le souffle dès les premiers mètres, un petit conseil, fermez la !.... vaut mieux garder sa respiration pour monter.

 

Comme vous l’avez peut-être compris par mes propos, ce furent surtout les 100 premiers mètres qui furent raides, avec une inclinaison à 35° environ. Lors de notre ascension sur l’unique chemin de pierres, tracé probablement du temps des Incas et qui a résisté aux outrages Vue sur le lac, 
depuis les hauteurs de l'îledu temps, nous croisons des moutons, les maisons sont construites dans un mélange de pierre et de torchis,  ce chemin  parfois sablonneux et bordé de murets de pierre, se perd parmi les terrasses de cultures. Maintenant  la balade devient plus agréable, la pente est régulière mais plus douce à part quelques petites marches ça et là, le lac Titicaca qui brille sous le soleil  est là à nos pieds, encadré par les sommets de la Bolivie, image qu’on ne se lasse pas d’admirer, la récompense est au rendez-vous car le paysage est superbe.

  

Le moment est privilégié, nous sommes au milieu d’une immensité d’eau, entourés des massifs de la Cordillère, le tout dans un silence absolu, d’autant qu’on n’est que plus que quatre à se le partager, ben oui on est à la traîne ! .... Félix qui ferme la marche prendra soin tout particulièrement de nous en cueillant des feuilles de menthe et nous recommandant de les respirer très souvent. Ce silence si appréciable vient du fait que l’île ne possède ni vélo, ni véhicule motorisé, dont pas de gaz d’échappement ni bruits de klaxon, ne serait-ce pas un endroit idyllique s’il n’y avait la vie dure et précaire de leurs habitants ? ceux-ci en effet vivent sans eau courante ni électricité, nous  imaginons sans peine  ces hommes et ces femmes une cruche dans le dos,  dès le lever du jour aller chercher l’eau nécessaire à la journée, un vrai rythme hors du temps.

Le sentier de l'île            Félix fermant la marche...

 

Femme filant la quenouilleIls vivent tous nu-pieds dans des sandales en caoutchouc, à ce sujet, je me suis laissée lire que les femmes, en particulier, doivent respecter l’habit traditionnel et par conséquent ne  porter ni chaussures, ni chaussettes (le comité de l’île veille à l’application de la réglementation de la communauté de Taquilé, visant ainsi à conserver le coté traditionnel et l’attrait pour le tourisme) pas facile pour ces gens de marcher sur ces chemins couverts de pierre,  sans parler de la température lors des grands froids

Métier à tisser original     

Tout en cheminant, nous rencontrons une bergère et ses moutons. Sur le bord du sentier assis sur un muret, nous souhaitant la bienvenue en quelque sorte, une femme qui file la laine de ses moutons, elle l’étire et la tourne de façon à obtenir un fil qu’elle enroule autour de sa quenouille puis une autre qui a improvisé un métier à tisser en se servant de son orteil.

 

 Tiens, voilà un homme en train de tricoter, instant d’étonnement..  pensez donc, un homme qui tricote !! nous nous apercevrons plus tard que le tricot est l’occupation principale et favorite des hommes de tous ages, l’enfant apprend dès ses 6-8 ans, ils tricotent probablement à longueur de journée, assis à l’ombre ou sur un mur au bord du chemin, seuls ou entre copains,  confectionnant ainsi le bonnet typique de l’île  pour leur usage personnel mais également comme produit proposé aux touristes.

 

 Ce bonnet se tricote, avec quatre aiguilles, la laine étant passée autour du cou, ce « chullo »  est assez particulier : il est très coloré avec comme dominante le rouge, très long il tombe presque sur les épaules et  se termine par un pompon, la position de ce chullo  est significative : le célibataire a le bout blanc et le portera en arrière, l’homme marié l’inclinera sur le coté.

Occupation favorite des hommes : le tricot

 

Une très vieille femme apparaît dans l’encadrement d’une  belle porte de pierre, vestige inca, Félix nous la présente comme étant la centenaire du village, moment d’émotion, nous nous écartons de son passage car elle ne paraît plus trop bien voir, cette femme âgée a revêtu l’habit traditionnel auquel elle a rajouté une large ceinture, elle tient sa quenouille d’une main et sa canne de l’autre, elle marche pieds nus sur les pierres..... 

 

La centenaire du village

Le costume local des habitants, pour l’homme : pantalon bleu marine, bonnet long pendant avec pompons, chemise blanche brodée à manches bouffantes, petit gilet court noir, très large ceinture parfois tissée de motifs incas, une pochette en tissu pour les feuilles de coca coincée dans la ceinture et une  écharpe nouée sur la poitrine, les enfants sont habillés ainsi également. Quand aux femmes elles portent un pull rouge vif et une jupe a volants de couleur sombre avec des pompons, dont la couleur, la taille et le nombre déterminent leur statut de femme célibataire, mariée ou veuve. Sous cette jupe plusieurs jupons empilés les uns sur les autres, un voile noir uni terminé par un ou plusieurs pompons multicolores, là aussi détail indicateur, voile qu’elle baisseront éventuellement sur leurs yeux pour se protéger des photos des touristes... et les fameuses sandales en caoutchouc aussi bien portées par les hommes que par les femmes et les enfants.

 

Jeune homme revêtu de l'habit traditionnel

Même si ici, comme pour les îles Uros le tourisme est contingenté, il n’en demeure pas moins qu’il est leur principale source de revenus, pour attirer celui-ci les habitants de l’île conservent leurs traditions, leurs costumes. La tradition du tissage remonte aux anciennes civilisations Inca, Pukara et Colla, et les habitants de Taquilé ont su maintenir vivants certains aspects des cultures andines préhispaniques.

 

Vous ne le saviez probablement pas, moi non plus avant d’écrire ces pages, mais l’Unesco a créé en 1998 une liste des « Chefs-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité »  pour consacrer les exemples les plus remarquables de ce patrimoine. Fin 2005, pour sa troisième proclamation, 43 nouveaux chefs d’œuvre furent retenus dont l’art de l’île de Taquilé, pour son savoir faire lié à l’artisanat traditionnel et ses pratiques sociales, distinction mondiale destinée à sensibiliser l’opinion à la valeur de ce patrimoine, ce qui peut sans doute expliquer les considérables efforts faits pour perpétrer la tradition de l’époque inca.

 

 Ouf, ça y est !  après 45 minutes de grimpette, finalement pas trop ardue si l’on prend son temps, nous sommes au bout de l’île, sur la place du village : la place d’Armes. Grande esplanade entourée d’un musée et d’une boutique d’artisanat, (lieu à privilégier pour les achats, en effet à partir de ces coopératives l’argent est reparti équitablement)  quelques fillettes jouent  et se prêtent à la pose photographique moyennant 1 soles.  Il y reste quelques rares vestiges archéologiques, principalement deux portes comportant de très belles sculptures, datant de l’époque pré-inca, situées aux deux entrées du village.  Depuis 1970, l’île est la propriété exclusive des habitants de Taquilé, mais pendant l’époque coloniale, et jusqu’aux premières années du 20ème  siècle, le site servait de prison politique,  ici un panneau indique la distance pour Paris : 10100 kms, ça va, on n’est pas trop loin de chez nous !!

Vestiges incas          Sans commentaires....

 

Menu du déjeuner, la truite fraîchement pèchée du lac

 

Pause d’un quart d’heure et nous virons à droite pour aller déjeuner, le restaurant est assez sommaire, une grande pièce, mais quelle vue sur le lac ! c’est le propriétaire, que Félix nous présentera comme étant le maire du village qui servira seul les repas, il courait tout le temps...  nous apercevrons une (sa ?) femme aux cuisines. L’île est gérée sous forme d’une coopérative, il n’y a pas d’hôtel, ceux qui désirent y dormir seront hébergés à tour de rôle dans différentes familles qui fourniront le repas à leurs hôtes, l’argent récolté sera redistribué équitablement par la communauté de Huayllano qui gère les 20 familles de l’île, répartis en 6 hameaux dont le principal est surnommé El Pueblo.

 

   L'Inca Cola, boisson nationale   

 

* Menu du déjeuner : en entrée une soupe de quinoa, c’est une soupe que nous aurons eu très souvent l’occasion de goûter, où l’on y retrouve de la quinoa et divers autres légumes coupés en morceaux tels que oignons, poireau, navets, maïs, laurier, branches de céleri.

 

Le plat principal sera une bonne truite pêchée dans le lac, ah j’oubliais !! les habitants de l’île sont végétariens.  Sur une étagère, à coté de l’incontournable bouteille américaine Coca-cola, prône le coca péruvien de couleur jaune nommé : Inca-Kola.

 

Entre deux plats, Félix et le maître de maison qui  s’arrêtera enfin de courir, nous expliquent la tradition des bonnets ainsi que les usages des habitants de l’île, dont une coutume que nous avons spécialement retenue : lorsque deux jeunes gens se plaisent (le choix est vraiment limité ! ...) donc lorsque deux jeunes se plaisent, ceux-ci ne se posent pas de questions, emménagent ensemble et testent la vie de couple pendant 1 ou 2 ans, mais sans faire d’enfants... j’avoue que je ne sais trop quelle système de contraception est utilisé ?  si l’essai est concluant ils se marient, sinon la jeune fille retourne chez elle, mais avec un gros handicap, car elle est alors condamnée à rester célibataire toute sa vie. Félix et le propriétaire du restaurant

 

La quinoa est un aliment traditionnel de la population des Andes.

Plants de quinoaC'est une plante herbacée dont on récolte les graines, qui pousse naturellement en altitude et est cultivée sur l’altiplano à 3000 mètres d’altitude. Cultivée depuis plus de 5000 ans, elle a été redécouverte récemment, les espagnols ne s’y étant pas intéressés.

Les Indiens confèrent à cette plante un caractère sacré. Incas l’appelaient  « chisiya mama », qui signifie en Quechua « mère de tous les grains ».

La quinoa possède une teneur élevée en protéines (16 à 18 %) avec un équilibre d’acides aminés proche de l’idéal, ainsi qu’ une bonne source de fer, magnésium, phosphore et potassium.

 

Du restaurant nous continuons  à traverser l’île d’Ouest en Est  pour finalement arriver en haut des marches,  ce faisant nous croisons de nouveau des tricoteurs, des fileuses, des jeunes femmes proposant leur artisanat, un homme transportant des caisses dans son dos, un probable ravitaillement qu’il sera allé chercher au bateau arrivant de Puno, quel courage pour ces habitants.. Du haut de ces marches, ce n’est pas 40 siècles que nous contemplons mais un paysage magnifique,  un mélange de rivage croate et d’Irlande celtique sans les oliviers et les pubs !!! un escalier de pierres zigzague parmi les champs de pommes de terre en terrasses, bordé de bosquets d’eucalyptus, tout en bas le port minuscule si petit dans cette immensité de lac de couleur bleu profond, ou sont amarrés côte à côte une dizaine de bateaux, ce qui sous-entend que nous sommes près de 200 touristes en ce moment  dans l’île.

 

Vestiges Incas             Le chemin et ses 400 marches

 

Les principaux légumes cultivés sont le maïs, le haricot mais aussi, et surtout la pomme de terre qui tient une grande place dans l’alimentation indigène. N’oublions pas  que la pomme de terre n’était connue que ! des habitants des Andes péruviennes,  appelée « papa » en quechua, ils la cultivaient depuis près de 1000 ans avant J.C. elle ne fut introduite en Europe qu’au 16ème siècle par les Espagnols.

 

Image de chuno negro

Connaissez-vous le procédé de conservation de celles-ci dans cette contrée du monde ? : profitant des nuits très froides, les paysans mettent les « papas » fraîchement récoltées sur une couche de paille, le gel leur fait alors perdre leur eau. Dans la journée, après avoir mis une autre de couche de paille, il les écrasent pour faire sortir l’eau, puis les font sécher au soleil, cette technique est appelée « chuno »  La pomme de terre Jeune garçon qui tricotedevient rabougrie, se dessèche, prend une couleur noire, c’est la chuno negro  Ainsi déshydratée elle peut se conserver plusieurs années.

 

Jeunes garçons, 
et une porte, vestige inca

 

C’est parti ! 560, 580 marches à descendre, + ou - ?  c’est selon les informations glanées à droite, à gauche, je vous avoue que je ne les ai pas comptées.... les premières sont assez faciles, on y rencontre des jeunes garçons qui tricotent, des vendeuses, des enfants, mais au fur et à mesure de la descente, elles deviennent  de plus en plus raides. Sur notre passage quelques belles portes en pierre ornées d’une tête inca donnent une vue plongeante sur les eaux du lac, de jolis massifs de fleurs égayent la descente, parmi celles-ci la canduta. C’est à ce moment que nous apprécions d’être partis très tôt de Puno, car l’excursion Uros-Taquilé se faisant pour tous dans le même sens, les autres touristes sont toujours un temps derrière nous.

  

 

 

Massifs fleuris, la candula, fleur nationaleLa canduta : fleur de l’inca et fleur nationale du Pérou, elle fleurit toute l’année. Arbuste sauvage et cultivé de 1 à 3 m de haut qui pousse sur des hauteurs entre 1500 et 3800 m dont les fleurs caractéristiques en forme de cloche mesure 5 à 6 cms, principalement de couleur rouge ou jaune.

La fleur est associée à une belle légende Inca. Ceux-ci intéressés par sa beauté l’utilisaient dans les cérémonies officielles ou elle était dédiée au dieu soleil. Ils auraient trouvé dans cette fleur des essences naturelles permettant la conservation de l’eau. Les chemins devant être empruntés par l’empereur étaient ornés de fleurs de canduta.

Utilisations diverses * colorant : avec la tige et les feuilles on obtient un colorant de couleur jaune.

* ornemental, accrochée aux portes d’entrée comme symbole d’hospitalité et de bienvenue, ou fabriquées en colliers.

* fibre : les branches sont employées pour fabriquer des paniers.

* le bois est utilisé dans la fabrication de cannes.

* médicinal : combat la diarrhée, la toux et l’inflammation des yeux, l’infusion des branches et des fleurs est un excellent anti-diarrhéique.

* arbuste : utilisé pour contrôler l’érosion dans les pentes de terrain.

Dans la montagne, les fleurs ornent les chapeaux des femmes célibataires.

Les péruviens l’utilisent aujourd’hui lors des enterrements car une croyance veut qu’elle étanche la soif du défunt pendant le voyage éternel, elle s’utilise aussi lors des processions religieuses.

 

Au revoir Taquilé, sur ce versant : l'escalier  

 

Nous voici arrivés sur le port principal, les bateaux sont amarrés côte à côte et nous attendent, nous passons de l’un à l’autre jusqu’au bon. Il est 15 heures 30 environ, nous arriverons à Puno près de 2h½ plus tard. Sur le lac il y a un peu plus d’animation que ce matin, ça et là des pêcheurs ou des coupeurs de totoras, apparaît soudain une petite barque ballottée par les remous de notre bateau, probablement un couple habitant les îles Uros si on en croit leurs vêtements, qui pêche ou rentre chez eux,  c’est la femme qui rame.. superbe image réussie malgré les mouvements et du bateau, des eaux du lac et de la barque.

 

 

 

 

Coupeur de totoras sur le lac          Pêcheurs sur le lac

 

18 heures, retour sur la terre ferme, il fait brun et il n’y a plus personne sur les quais, nous regagnons l’hôtel de Puno. Il reste une bonne heure avant le dîner qui se fera dans la rue piétonne Jirón Lima, Gilbert propose aux personnes intéressées d’utiliser ce petit créneau pour faire un tour sur la place d’Armes et les quelques rues La Casa del Corregidoravoisinantes.

 

Sur cette place une fanfare militaire interprète quelques morceaux, Gilbert nous fait un court commentaire sur la cathédrale, quelques mètres plus loin nous irons voir la « Casa del corregidor » ancienne maison coloniale typique du centre de Puno, déclarée Monument Historique par l’ Institut National de Culture en 1980, cette maison est un musée, un lieu d’expositions et de rencontres culturelles, Gilbert voulait essentiellement nous en faire voir la cour intérieure et ce cactus gigantesque dépassant les toits. Retour par la rue piétonne qui est très animée le soir,  tout y est ouvert bien qu’il soit près de 20 heures ! ça grouille de bruits, de couleurs, nous en profitons pour acheter quelques cartes.

 

Dîner dans un restaurant de cette rue, ça sera le dernier au Pérou, Gilbert à qui nous avions demandé de nous acheter du Pisco, l’alcool traditionnel du Pérou, nous présente les différentes sortes et prix, note la commande, et ira dans la boutique adéquate faire son approvisionnement.

Avant de nous coucher, nous devrons mettre de la crème sur nos visages, ceux-ci ont été bien agressés, la peau brûle, j’en connais même un qui le lendemain verra son front peler entièrement, petit souvenir de Taquilé et du lac Titicaca, dont je n’ai pas pris de photos, c’est bien dommage !!!!

 

Demain nous longerons les rives du lac Titicaca sur pratiquement toute sa longueur, nous arrêterons à Juli le village aux cinq églises et en visiterons une : le templo San Pedro, puis rejoindrons La Paz en Bolivie.   

 

Le diaporama