*** Dimanche 21 Octobre 2007 : salines de Maras (point N° 9 carte itinéraire)

Récit en version imprimable

Hier soir, pendant que nous remplissions les fiches du recensement, Gilbert nous avait proposé  de changer le programme de la journée et de visiter le marché de Pisac en fin d’après-midi. Pour comprendre cette décision, je vous explique le fonctionnement de ce recensement, ce n’est pas une mince affaire ! 

Affiche publicitaire du recensementIl concerne les 28 millions de Péruviens qui seront comptés par environ 500 000 enquêteurs recrutés pour la plupart parmi les étudiants, mais aussi, apparemment ! tous les étrangers présents sur le territoire ce jour là. Les autorités donnent l’obligation de rester chez soi de 8h à 18heures,  une vignette sera alors apposée sur la carte d’identité ainsi que sur les murs des maisons... je dis bien obligation ! le non-respect peut coûter une amende de 140 soles (35€)  presque une semaine de travail  quand au sait que le salaire minimum mensuel péruvien est actuellement de 530 soles. (550 au 1er Janvier 2008).

Ces dix heures bloqués chez soi signifie : absence des transports en commun ainsi que fermeture des commerces et restaurants. Dans les villes il y règne un calme étrange, une sorte de couvre-feu, quasiment personne dans les rues... La police veille, rappelant si besoin les contrevenants à l’ordre, nous nous ferons d’ailleurs arrêter par celle-ci dans l’après-midi, elle nous laissera partir qu’après avoir vérifié que guides, chauffeur et nous par la même occasion avons bien été recensés ! Les questionnaires portent essentiellement sur les salaires, le niveau d’éducation justifiant ou non la  construction d’une école, l’emploi, la religion et la situation matrimoniale, les conditions de vie, les caractéristiques du logement, s’ils bénéficient d’eau potable et d’électricité, possèdent des appareils électro-ménagers, ont accès à Internet etc...

Il y a certainement des dérogations, Joseph nous explique que lui, le chauffeur et Gilbert ont été recensés le dimanche précédent. Heureusement pour eux, car ils sont bien loin de leur domicile ! heureusement pour nous  que les autorités ne les ont pas obligés à Vallée Sacrée,
 superbe vue depuis la fenêtre de l'hôtelrester toute la journée à l’hôtel ! ...... En changeant le cours des visites, nos guides espèrent que les paysans auront pu, une fois recensés quitter leur montagne et venir, comme tous les dimanches, présenter leurs produits sur le marché de Pisac.

   

Ce matin nous nous réveillons une nouvelle fois avec un beau soleil et quelques petites inquiétudes car  il a plu fortement toute la nuit. Sitôt le petit déjeuner avalé je pars à mon activité favorite : la chasse aux La cour intérieure
 de l'hôtel Cusanay, dans la Vallée Sacréephotos, de beaux jardins fleuris mettant en valeur des pierres sculptées, à moins que ce ne soit l’inverse... et la montagne en toile de fond.

 Dans les cours de l’hacienda, sous les arcades, plusieurs jeunes femmes proposent leur travail, l’une d’elle tricote, j’apprendrais que le prix de la laine de bébé d’alpaga est de 10 Soles les 50 grammes (soit 2,50€) elle dit en avoir à vendre, mais chez elle ! dommage car on quitte les lieux... j’espère en trouver au marché si intéressant paraît-il ! de Pisac.

Paysage de la Vallée Sacrée

Les salines de Maras se trouvent sur la pente de la montagne "Qaqawiñay" dans la vallée de l’Urubamba, à quelques dizaines de kilomètres. Pour les atteindre, nous longeons de jolis paysages avec toujours ce dégradé de couleurs dû à la présence d’une multitude de cultures.

 Le car quitte la route goudronnée et s’enfonce sur une route poussiéreuse dans une large plaine, quand soudain celle ci plonge et devient abrupte pour devenir carrément tortueuse. Le car prend alors presque toute la largeur du chemin frôlant le vide du coté droit, nous sommes du coté gauche, une chance ! ne nous réjouissons pas trop vite, car à moins d’une hypothétique !   autre route pour remonter, au retour nous y aurons droit nous aussi ! Nous ferons ainsi plusieurs  kms à serrer les f...

Vue panoramique sur les Salines de MarasUn petit élargissement du chemin fait office de belvédère, le véhicule peut stationner. Woouuahh .... est-ce vraiment réel ce que l’on voit ?  c’est certainement un mirage ! : des terrasses de sel d’une blancheur étincelante, même aveuglante sous le soleil, accrochées au  flanc de la montagne.

Du parking un escalier aménagé offrant une vue panoramique sur les salines nous mène à Petite pochette de sel proposée à la venteune petite cabane, celle-ci sert à la fois de cantine et de petit magasin de vente. Nous y achèterons des petits paquets de 400 g pour 1 soles, mais  les coopératives actuellement achètent  le sel 45 soles les 50 kilogs environ  (soit 11 €)

Voici un condensé de l’histoire et du fonctionnement des salines que j’ai retranscris  à partir d’un reportage  télévisé Vidéotel International de Février 2004 « Sel que j’aime », et retransmis sur la chaîne  « Escales »

   * Site unique au Pérou, que les Espagnols malgré leur soif de tout détruire de la civilisation inca, ont conservé en l’état.

Les salines doivent leur origine à une malédiction : 4 frères naquirent dans les montagnes et partirent dans quatre directions pour fonder un royaume, mais l’un deux transforma les trois autres en condor, rocher et en sel, devenant ainsi le premier roi Inca. L’histoire dit que ce sont les pleurs salés du 4ème frère qui donnèrent naissance aux 6000 bassins qui  recouvrent la montagne. Les salines existaient  déjà à l’époque inca, comme en témoignent les ruines des grandes maisons anciennes.

Les terrasses des salines de Maras  

   * Maintenant ce sont les générations modernes qui s’occupent des salines, au total 350 associés tous propriétaires en commun de la totalité de celles-ci, organisés en  une micro-entreprise avec un directeur et des employés. Le sel ne s’exploite que de Mai/ Juin jusqu’en Novembre, époque des pluies, car alors les bassins s’abîment et deviennent très sales. Le propriétaire  remplit et arrose ses bassins tous les trois jours pendant 1 mois, au bout de 30 jours, il commence à en extraire le sel,  fait un tas qui sèchera. Ensuite il cassera ce tas pour le mettre en sac, ce n’est qu’une fois cette opération terminée qu’il pourra être vendu à la coopérative.

 

Un saulnier 
remontant son sac de sel depuis le bas des terrasses   * Trouver du sel au-delà de 3000 m d’altitude est étonnant, mais s’explique par la présence de la mer ici il y a très longtemps, des géologues ont observé que tout autour des salines, le sol regorge de coquillages non fossilisés.

 

   * Selon les croyances animistes : l’eau salée qui sort du sol est avant tout un cadeau de Pachamama, la terre mère (déesse majeure).La source la plus importante avec un débit de 7 litres par minute est considérée comme mâle et le père, la plus petite en contrebas est féminine, leur union donne vie aux salines.

 

   * Il y a plus de 3000 ans l’ingéniosité des pré-incas fut d’exploiter d’une part le dénivelé de la montagne, mais surtout d’imaginer un réseau de canaux étroits courant autour de chaque bassin. Ce système repose sur un principe simple, c’est un caillou qui sert à obstruer ou ouvrir le canal, caillou remplacé aujourd’hui par des sachets plastiques, ainsi le réseau permet à chaque propriétaire de fermer l’alimentation de son bassin sans pour autant priver d’eaux ceux situés en aval.

Terrasses de sel étincelantes de blancheur   * Les canaux et les bassins doivent être restaurés tous les ans, car les pluies violentes les détruisent et les remplissent de terre.

 

   * Entre le remplissage et le début de la récolte, il peut s’écouler de nombreuses journées ou seuls le soleil et le vent travaillent. Selon la chaleur, l’évaporation et la cristallisation du sel sont plus ou moins longues, de ce fait les saulniers ne viennent que quelques heures 2 ou 3 fois par semaine, ce qui leur reste du temps pour faire une autre activité, pour beaucoup c’est l’agriculture, l’autre héritage de leurs ancêtres.

 

   * Les femmes de saulniers vont proposer leur récolte au marché voisin de Chinchero, principalement sous forme de troc, c’est un produit incontournable acheté par tous les foyers pour la cuisine ou par la conservation.  Il en existe trois qualités.

 

Ouvrier des salines   * Pour la production du sel, la pente naturelle et le sol sont deux paramètres qui facilitent l’exploitation. A l’inverse pour la récolte ils deviennent deux contraintes qui rendent le travail encore plus pénible. Le soleil en effet chauffe le corps, brûle la peau, et rend aveugle en se réfléchissant sur les parois blanches. Pour obtenir une meilleure qualité de sel, il est nécessaire de le laver très rapidement et à plusieurs reprises. Suivant sa grandeur, un bassin peut produire entre 50 et 250 kgs de sel par mois, un rendement  important que les saulniers apprécient différemment selon l’emplacement des bassins. En effet remonter sur son dos des sacs de 50 kgs depuis le bas des salines relève de l’exploit physique, surtout lorsqu’il faut recommencer cela 15 à 20 fois dans la matinée. Le meilleur du sel n’est pas dans les bassins mais plutôt dans les parois verticales, ça s’appelle de la pâte qui est dure comme du fer.Les terrasses 

 

   * A chaque saison, une femme prend en charge la réalisation des repas du midi pour les saulniers. C’est à dos d’âne qu’elle apporte tous les produits nécessaires à la cuisine, et cela tous les jours sans exception de Mai à Novembre, là aussi le travail est pénible et demande une bonne organisation, car le site ne possède ni électricité, ni même eau potable.

   * Le principal acheteur est MARASAL, cette entreprise oblige les saulniers à ioder leur sel, pour les deux meilleures qualités, celles destinées à la consommation usuelle, car du sel non iodé peut générer des problèmes thyroïdiens et autres gloîtres.  L’iode est vendu par le ministère de la santé. Le sel est malgré tout un produit bon marché, le gain est peu élevé comparé au temps passé et ne permet pas vraiment aux propriétaires de vivre uniquement de ce travail.

 

Porte romaine, entrée des salines   * Le pari des salines est ambitieux, faire que ce sel devienne un produit réputé, au-delà même de la frontière péruvienne, pour cela  la saline a investi et aménagé un bâtiment particulier, un broyeur a été conçu pour moudre la pâte, engin rudimentaire mais efficace.

 

   * Sur les parois, la pâte prend des formes étonnantes, voir  artistiques et comme en séchant le sel devient dur comme du fer, certains ont pensé qu’il pouvait éventuellement être sculpté. Cette idée fut parrainée par l’Unesco.

 

  * A l’époque Inca, la vallée sacrée était vénérée comme un don de la terre mère. Avec l'arrivée des Espagnols, l'imposition du Christianisme et l'influence du métissage, la Pachamama a commencé à régresser et à être remplacée par la croix et l'image de la "Vierge Marie" Les gens qui arrivent avec une charge dans les salines déposent une offrande, bien souvent un bouquet de fleurs, tradition qui se maintient encore aujourdh’ui.

   

  * Une femme, bien souvent, la même que celle qui s’occupe des repas, veille à ce que la croix soit toujours fleurie. Secrètement les Incas et leurs descendants n’ont jamais cessé de vénérer leurs divinités, ils les ont simplement fusionné avec celles des espagnols. A travers la croix, c’est Pachamama qui est vénérée, et personne ne veut prendre le risque de fâcher les dieux quelqu’ils soient, car Vue panoramique sur les salinesla malédiction qui transforma les sources en eaux salées n’est rien à coté de celle qui pourrait les tarir pour toujours.  

 

La visite terminée, il ne reste plus qu’une chose à faire : remonter...je trouve la montée moins impressionnante que la descente auparavant. Lorsque nous retrouvons le plat et ne voyons plus le vide, c’est par un tonnerre d’applaudissements 
 que nous remercions notre talentueux chauffeur, d’autant que tous n’acceptent pas de descendre jusqu’aux bassins.

 

 A l’entrée de ce parc il y a une petite guitoune, on suppose ( ?) qu’elle doit réguler le va et vient des véhicules pour éviter un face les sommets enneigés de plus de 6500 mètresà face qui se serait révélé problématique, mais la guitoune est vide, sans doute que le gardien est bloqué chez lui, cause recensement..... enfin ça s’est bien passé, nous n’avons pas eu ce face à face redouté.

 

Un arrêt un peu plus loin nous permet d’admirer des paysages à couper le souffle tels que les trois grands « nevados »  culminant à plus de 6500 mètres (les neiges éternelles du Chicon, du Sahuisaray et du Pitusiray), des enfants traversant les champs viennent à notre rencontre, distribution de vêtements, de stylos, bonbons, quand tout à coup que voilà, je vous le donne en mille : un autre car de tourisme   Hé bien on l’a échappé belle.... une demi-heure de plus sur le site des salines et c’était le quart d’heure d’angoisse..

 

 

Nous poursuivons notre route vers Ollantaytambo, l’importance forteresse Inca qui surveillait le chemin du Machu Picchu   Version imprimable

 

 

Le diaporama