Lac Onéga

                 Lundi 8 Juillet (suite)

          C’est ici tout là-haut, à proximité de la Finlande, que bat le cœur de la Carélie, un royaume de forêts à perte de vue, de rivières et de lacs, il y en aurait 60 000 dit-on !

           Parlons  un peu de ce lac Onega, lac nordique situé entre le 61 et le 63ème  parallèle, que nous traversons actuellement du Sud depuis Vytegra, au Nord pour rejoindre Kiji une des îles du Nord.

                     Avec une longueur de 248 kms, une largeur de 89 kms, et une superficie de 9890 km², il est le deuxième plus grand lac d’Europe, après son voisin, le lac Ladoga. Plus de 50 rivières et 1000 ruisseaux s’y jettent, une seule en sort : le Svir qui d’ailleurs unit ces deux lacs. Sa profondeur varie entre 30 et  100 mètres.  La plupart des 1300 îles qu’il compte se trouvent au nord, le long des forêts de pins qui se dressent derrière la côte rocheuse et déchiquetée. Les tilleuls et les ormes se trouvent plus au sud, où des rivages de sable descendent en pente douce vers des baies couvertes de roseaux. L’écrivain Mickaël Prichivine aimait le comparer à une grosse écrevisse avec les pinces levées.

          Plus de quarante espèces de poissons y habitent, dont des saumons et des truites. Deux cent variétés d’oiseaux vivent sur les rives y compris des canards, cygnes, grues et oies. Des ours, élans, renards, loups, écureuils rôdent dans les forets. Le lac est très peu salé et ses eaux d’une pureté sans pareille sont utilisées comme accumulateur d’énergie solaire et de stabilisateur de température. Celle-ci en moyenne est de -10° en hiver et + 16° en été, toutefois il peut y faire jusqu’à -30 ° en hiver, avec alors 1 m d’épaisseur de  glace et + 30° en été.

          De fréquents orages causent de très fortes houles, jusqu’à 5 mètres.

          Il y a été fait trace de présence de tribus primitives dès le 1er siècle. Des gravures rupestres sont d’ailleurs exposées au Musée de l’Ermitage de St Petersbourg.

          « D’ici une heure, nous allons entrer dans les chiquères, une grande quantité d’îles et d’îlots, et accosterons à Kiji » annonce Natacha par radio.

           Pour chacun d’entre nous, la déception est immense, car  le ciel est sombre, depuis un moment il pleut et il ne fait pas chaud. Ce n’est pas de chance d’avoir ce vilain temps, alors que je m’apprête à découvrir ce magnifique site inscrit au patrimoine de l’Unesco, depuis 1991. (point N° 10 carte itinéraire)

Kiji

          Quoiqu’il en soit, j’affronte avec courage cet antipathique coup du sort et je vais visiter Kiji.

          Kiji, située au NE du lac Onéga est une île longue de 8 kms et large d’environ 600m, essentiellement couverte de prairies. A partir du 16ème siècle, l’île devint le centre de la paroisse du Saint-Sauveur et comptait alors 9 villages.



           En 1945, l’île de Kiji fut nommée réserve nationale, on décida  d’y transférer les monuments uniques de l’architecture civile qui avaient survécu à la guerre dans les villages avoisinants. La création de cette exposition historico-architecturale  à ciel ouvert commença par la maison d’Ochevnev. Aujourd’hui c’est 82 constructions en bois qui sont disséminées au milieu des herbes folles, des fleurs des champs, que l’on peut voir dans ce musée fondé en 1966.

           Héléna,  bien emmitouflée, on est pourtant en plein mois de  Juillet !.. bonnet sur la tête, tour de cou polaire, et parapluie, nous accueille. Depuis l’embarcadère, le panorama est déjà splendide car devant moi se dressent d’importants et superbes édifices. Tout en longeant le lac, mais en prenant soin de ne pas marcher sur l’herbe, car il paraît que l’île regorge de vipères, quoiqu’avec ce temps, elles ont dû se mettre à l’abri ! j’arrive à proximité de  cet enclos paroissial, ce pogost, constitué de deux églises du 18ème  d’un clocher, et de son enceinte.

           Au Sud, l’île comprend une riche collection de constructions traditionnelles : 2 isbas paysannes du 19ème siècle, la maison Ochevnev et la maison Elizarov avec un intérieur typique aménagé, un moulin à vent, l’église St Lazare et la chapelle de l’Archange Saint-Michel

           Parlons tout d’abord de ìL’Eglise de la Transfiguration du Sauveur. Le premier morceau de bois fut posé le 6 Juin 1714 à l’emplacement d’un fragile édifice détruit par la foudre, cette nouvelle église est construite en pin, sapin et tremble sans un clou, les rondins étant assemblés par des encoches. La matière première nécessaire à la construction ne manque pas dans ces contrées. Elle est, selon une légende rattachée à l’une des victoires de Pierre-le-Grand,  considérée comme la « huitième merveille du monde »  

           Au début du 18ème  siècle, l’architecture en bois traditionnelle accumula une grande expérience de la création des églises étagées à plusieurs bulbes, somptueuses et grandioses. Cette église « l’estivale » pourquoi ce nom ? parce que trop grande, elle ne peut être chauffée, le culte n’y est alors célébré que pendant les mois d’été, donc cette église qui fait 37 m de hauteur, est couronnée de 22 bulbes couverts d’essaules,  tuiles en tremble, un bois qui avec le temps, donne ces si jolis reflets métalliques argentés.

           Lors d’une restauration en 1955 on en tailla 30000 neuves en triangles dentelés en remplacement du métal, redonnant ainsi son aspect d’origine. Les bulbes sont surmontés de croix qui s’élèvent vers le ciel, symbolisant la flamme du cierge à la gloire de Notre Père, comme en témoigne l’Evangile. L’Eglise de la Transfiguration du Sauveur à Kiji  qui domine et attire vers elle, fut dans l’opinion générale le chant du cygne de l’architecture en bois traditionnelle de la vieille Russie

           Selon une autre légende, le bâtisseur de cette église, l’ayant terminé, aurait jeté son marteau dans le lac Onega, en disant « C’est maître Nestor qui a construit cette église, il n’y en a jamais eu, il n’y en a pas et il n’y en aura jamais de pareille. Nie bylo,niet i nie boudet. »

     

           Abrités tant bien que mal sous une avancée de toiture de la maison Ochevnev, nous écoutons Héléna nous raconter la vie de ces familles à l’époque. De là j’aperçois la seconde église  ainsi que le clocher.

                ì L'église de l'Intercession de la Mère de Dieu  fut construite en 1764 tout à coté de celle de la Transfiguration.    Plus modeste et moins solennelle,  elle est tout de même très jolie avec son dôme surélevé par  neuf bulbes  qui forment une couronne dentelée, légère.  Son porche d’entrée est tourné vers l’édifice principal. L’église est dite « d’hiver » car moins grande, elle est chauffée et le culte y est assuré d’Octobre à Mars.

       


           ì Le clocher de 1874 est un quadrilatère de bois couronné d’une tour octogonale, elle-même surmontée d’un toit en forme de tente sur lequel est posée la croix. Les ouvertures percées de tout cotés sont protégées par une balustrade.

            J’avoue que c’est avec soulagement que je suis Héléna lorsqu’elle pénètre dans ì la maison  Ochevnev (1876)  déplacée du village Ochenevna  et nous invite à nous asseoir sur un petit banc ou tout en écoutant ses explications, je regarde une jeune fille qui, habillée traditionnellement, assise près de la fenêtre file de la laine avec une quenouille.  L’intérieur a été aménagé en musée ethnographique selon l’exemple typique des maisons de paysans au Nord de la Russie : une grande pièce, l’espace de vie ou toute la famille vivait en hiver,  puis le vestibule, le salon de thé, un bureau. A un autre étage, mais toujours sous le même toit, on trouve les hangars avec traineaux, barques, une pièce était réservée à l’outillage.

 

          


           Lorsque nous ressortons de cette maison, quoique le ciel soit bien sombre et qu’il fasse assez froid, il ne pleut pratiquement plus. Nous continuons donc et passons devant :


          ì la maison Elisarov (1880) déplacée depuis Seredka, devant laquelle un artisan propose divers petits objets sculptés sur bois. Héléna invite à nous arrêter devant l’étal de cet artiste. 


           Voici ì la chapelle St Michel du village de Lelikozero, construite durant le dernier tiers de 17ème siècle.  A notre arrivée, un homme connaissant bien la musique nous offre un petit air carillonnant, c’est une jolie surprise. (2 minutes)




          Cette chapelle est située à l’extrémité sud de l’île, en retournant sur mes pas, je vois successivement :

           ì Le moulin à vent (1928)  venant du village Volkstrotov.

           ì L’église Sainte-Lazare de seulement 3m de long, construite selon la légende par le moine fondateur du monastère de Mouron. Ce moine étant mort en 1391, la chapelle  serait la plus ancienne église en bois dans toute la Russie.


     


           ì La palissade n’est pas d’origine : celle-fit fut recrée en 1959 en rondins, sur une base en pierres sèches, comme on pouvait en trouver autour des cimetières.

           Alors qu’Héléna raconte avec passion l’histoire de son île, une râleuse, excusez !  mais cette personne n’avait, à cet instant, aucune obligation de rester, elle n’avait qu’à rejoindre le bateau si proche à cet endroit, donc je confirme une râleuse, se plaint de la lenteur de la visite, qu’il faudrait aller plus vite, qu’elle a pris froid….. du coup Heléna perd ses moyens et stoppe là net... nous laissant un peu désemparés. J’ai un peu de peine pour elle, car malgré le mauvais temps, elle y a mis tout son cœur, mais je crois que le froid et l’humidité ont eu raison de nous.

          Pour autant, avions-nous le temps de remonter vers le Nord de l’île ? là où il y a plusieurs autres habitations transportées depuis leurs villages d’origine, là ou vivent une quarantaine d’insulaires et les guides durant l’été, d’autre églises, d’autres chapelles, d’autres moulins, il est déjà près de 19 heures, et le dernier retour à bord est prévu à 19h45, donc sans trop de regret, quoique ! By by Héléna !

          Je trouve tout de même le temps d’entrer dans la maison de ì Iakovlev, (1890) du village de Kleschevla, pas très loin de l’embarcadère. Dans cette petite maison surchauffée, on y trouve tout ce qu’un touriste curieux et intéressé peut désirer : cartes postales, livrets en français sur l’île, souvenirs divers.

           Sur le territoire, est organisé un grand nombre de fêtes traditionnelles :  Pâques, fête de Saint Pierre et Saint Paul, fête de Saint Elie etc…

           Les églises de Kiji n’attirèrent l’attention des spécialistes qu’au 19ème siècle. Au début du 20ème siècle, commença le pèlerinage de peintres, d’architectes, d’historiens, d’archéologues et de folkloristes. L’’île vit alors arriver des peintres et des critiques d’art russes, frappés par l’ampleur de l’imagination architecturale et artistique des bâtisseurs locaux. En novembre 1941,  cette contrée fut occupée par l’armée finlandaise et les occupants dérobèrent, entres-autres, les icônes de l’église de la Transfiguration.

           En 2013, au moment de l’édition du livre qui me sert de support pour vous donner ces informations,  cette église était en restauration. Les travaux devaient être achevés en 2014, pour célébrer le 3ème centenaire de cette « huitième merveille du monde » Lorsque je fais ce voyage, on est en 2019, ils ont bien bossé, quelle réussite, bravo, chapeau !

          A présent, le Chicherin reprend sa navigation sur le lac, en revenant sur ses pas. Vers 3h30 du matin nous le quitterons et  arriverons sur le Svir, fleuve de 224 kms.

          Arrive le dîner Pirate, mais qu’est-ce que c’est, me direz-vous ?

          Figurez-vous ! que quelques minutes avant celui-ci ma sœur et moi désirons nous rendre tout en haut au point Internet, et devant passer  obligatoirement devant l’accueil, nous nous faisons « happer » par quelques grands gaillards revêtus de pulls style marins, chapeau corsaire sur la tête, bandeau sur l’œil, de quoi réellement faire peur !... Eric habillé en pirate, un perroquet sur l’épaule harangue ses hommes. C’est ainsi qu’au lieu d’aller consulter nos messages, nous nous sommes retrouvées avec un bandana sur la tête, du maquillage sur la figure à faire le pitre.

           Bon ! réel moment d’amusement, Eric prévient haut et fort dans les micros « Nous sommes les pirates, nous arrivons et allons nous servir directement sur les tables » ouuppss… Nous commençons par le restaurant supérieur ou sont installés les allemands et les italiens et terminons par le notre.

         Jocelyne et Marie-Claude, commencent à trouver le temps long et se demandent bien pourquoi, nous si ponctuelles, n’étions toujours pas arrivées à table, et bien nous voilà !..  En remerciement de notre prestation, Eric a offert à chacun un verre de vodka, je ne sais trop comment font ceux qui le boivent cul-sec, moi il m’a fallu tout le repas pour en venir à bout.

         Une autre surprise va arriver pendant cette soirée-pirate. Durant la croisière trois  anniversaires sont célébrés, dont celui de Marie-Claude qui fêtera ses 68 ans dans trois jours. Pour l’occasion il lui a été offert ce soir un gâteau d’au moins huit parts, gâteau  que nous et plusieurs voisins de table ont apprécié.

           

        C’est ainsi que se termine cette journée, qui débuta  agréablement en chansons, se continua malheureusement sous la pluie, mais se termina avec ce grand moment de divertissement. En espérant que demain, la pluie restera ici et ne nous accompagnera pas.

       Dans la page suivante, vous découvrirez Mandrogui, village un peu touristique, mais néanmoins qui permet de voir de superbes maisons.

       Bonne nuit  A demain !

       Mandrogui