Saint Petersbourg de nuit

                    Mercredi 10 Juillet (suite)

          Il est 23h30,    … car il est probable que nos voisins dorment ! c’est donc à pas feutrés que nous nous rendons à l’accueil échanger nos clefs contre la carte d’embarquement, y retrouver Eléna et Eugène, avec lesquels nous avons rendez-vous pour une découverte de Saint-Petersbourg de nuit, et assister à la levée de quelques ponts.  Ce sont, avec les nuits blanches deux importantes attractions touristiques offertes par la Mairie aux habitants et touristes.

          Au début du 20ème siècle, un ancien gouverneur de Moscou, de retour d’un voyage au cœur de villes européennes illuminées, trouva cela génial et décida de faire de même pour les cités russes. Le bi-centenaire de la fondation de Saint-Petersbourg  fournit l’occasion d’inaugurer quelques illuminations.

          Pour rejoindre le centre de la cité, il faut d’abord, depuis la gare fluviale traverser cette partie industrielle. Depuis seulement 2004 un  très haut grand pont  à haubans, le pont Vantovyy Most (30 mètres au-dessus de l’eau) un petit air du pont de Normandie !  permet à toute heure de circuler entre ces quartiers du sud et la Neva. Mais ce ne fut pas toujours le cas,  fournissant une bonne excuse aux   adolescents qui  désiraient  trainer   ou aux maris volages, car ces ponts qui se lèvent à 1 heure du matin restent ainsi jusqu’à 5 heures. Avant 2004,  lors d’une balade à Saint-Petersbourg, valait alors mieux pas se trouver du mauvais coté de la Neva, ne restait plus qu’à coucher « sous les ponts !  »  Cette photo a été prise depuis l’avant du Chicherin, de quoi faire de beau rêves, pas vrai !

           Puis Eugène emprunte la route périphérique, la A 118. Saint-Petersbourg, grand port,  les ancres sur les armoiries en témoignent, et carrefour de voies terrestres et d’un important réseau de chemin de fer a commencé  la construction de cette route à l’occasion de son tri-centenaire (2003). Si l’on s’amuse à faire le tour de la ville en n’empruntant que cette rocade, on aura avalé 150 kilomètres de bitume. « A droite, c’est Saint-Petersbourg, à gauche c’est déjà la région ! » nous dit Eléna.

           Maintenant, Eugène roule sur la « route de Moscou » Lors de l’époque impériale, les tsars empruntaient cette route de 700 kilomètres, notamment pour se rendre aux cérémonies de couronnement, car celles-ci, quoique St Petersbourg fût pendant deux siècles une capitale,  avaient toujours lieu au Kremlin de Moscou. Prenons comme exemple l’impératrice Elizabeth  qui pour sa vie mondaine, préférait Saint Petersbourg, donnant bals, mascarades, mais se rendait dans les églises et cathédrales de Moscou pour toutes les fêtes religieuses.

          L’éclairage des rues était un problème qui préoccupait déjà Pierre le Grand, et dès 1720 il fit installer le premier réverbère qui marchait à l’huile de chanvre. Ceux-ci ayant éclairé les rues pendant un siècle étaient bien solides, mais en 1820  le gaz remplaça l’huile de chanvre, puis le début du 20ème siècle vit arriver l’électricité. Le premier quartier à avoir été éclairé se situe entre le Palais d’Hiver et la Fontanka.

          Nous nous approchons de la Place de la Victoire, l’Obélisque installé là le 9 Mai 1975, en remerciement à sa  très courageuse population, est bien éclairé. A sa base,  si on avait pu s’y arrêter, on y aurait lu « A ton exploit, Léningrad »   

          De cette immense place partent des routes vers les grandes destinations : les pays Baltes, Moscou, Kiev, Varsovie. Eugène prend la direction du centre de Saint-Petersbourg.  « 

           Vous savez, sur l’avenue de Moscou, il y a quelques monuments  éloignés de l’itinéraire classique, caché derrière un rideau d’arbres se trouve le palais de Tchesmé, le préféré de Catherine ll qui s’y arrêtait toujours pour se reposer lors de ses voyages à sa résidence d’été à Tsarkoe Selo »

          L’arrêt photo est pour immortaliser une chouette petite église, de style néo-classique  du même nom « Tchesmé » que le palais. Ces deux constructions ont été édifiées en 1777, une légende dit que ça serait à cet endroit que se trouvait l’Impératrice lorsqu’elle apprit la victoire russe contre les turcs, lors de la bataille de Tchesmé, et que tellement heureuse, elle aurait demandé à ce qu’on construise à cet emplacement  un palais et une église.

          « On va s’approcher du canal latéral du 19ème, puis de la Fontaka, maintenant on passe devant le couvent des Jeunes Filles ». Le canal latéral a été creusé artificiellement pour lâcher les eaux de la Neva pendant des inondations, mais il avait une autre fonction : empêcher une quelconque gêne lorsque l’empereur Pierre le Gd s’amusait à l’occasion des grandes fêtes organisées sur la Neva.  On faisait alors passer les bateaux non pas par ce fleuve, devenu lieu de distraction mais par ce canal latéral !

           Voici maintenant la gare de Varsovie   ce bel édifice à la riche architecture, à la façade de verre, est aujourd’hui désaffecté mais toujours bien éclairé, un régal pour les yeux.

             Le second arrêt d’une quinzaine de minutes est devant la Cathédrale Notre-Dame-des-Marins, que j’ai déjà eu la chance d’apercevoir ce matin. L’endroit est typique, car cette cathédrale est à un carrefour de canaux. Depuis le pont Pikalov, près du lieu ou Eugène s’est stationné, il faut essayer de compter sept ponts en même temps, il paraît que ça porte bonheur. Elle m’apparaît alors différente, mais qu’elle est belle avec son clocher indépendant !

          68 petits canaux et petites rivières traversent Saint-Petersbourg nécessitant 300 ponts rien que pour la ville, et 500 si on compte les alentours.


      

          Après le passage devant la place des théâtres, le conservatoire, le pont du Palais. Eugène s’arrête sur le quai de l’Université. La vue offerte est sublime avec  sur ma droite le pont de l’Annonciation, en face  l’Amirauté et sa flèche dorée, l’Ermitage et la coupole dorée de la cathédrale Saint Isaac, sans compter tous ces beaux palais aristocratiques qui, par temps clair, se reflètent dans la Neva.

          Le pont de l’Annonciation qui était à l’époque le plus long d’Europe (331 mètres)  fût le premier pont  permanent à St Petersbourg.

          Il ne fut inauguré qu’en 1842, car il faut garder en mémoire que Pierre le Grand interdisait toute construction en dehors de sa forteresse.

            Jusqu’alors, on traversait la Neva, l’été, sur des ponts flottants ou en barque, et sur la glace en hiver. Celle-ci d’une épaisseur allant de 1,50 m à 2 mètres offrait un boulevard de promenade, on y glissait, patinait.

          Entre l’Académie des Sciences, beau bâtiment aux colonnes blanches et l’Amirauté, la traversée se faisait en hiver, aussi à l’aide d’un train électrique composé d’un wagon sur rails.

          « Encore quelques minutes, mesdames-messieurs, avant d’arriver sur les quais, regardez sur votre gauche, le théâtre dramatique Alexandrinsky » érigé par Nicolas 1er  nommé ainsi en l’honneur de sa femme. Et que dire de l’hôtel particulier Dom Basina que j’ai aussi vu ce matin, l’éclairage de ses murs roses lui confère une couleur originale marron foncé.



     

Lever des ponts de Saint Petersbourg

           21 ponts s’ouvrent chaque nuit d’Avril à Octobre, dont 8 sur la grande Neva, il n’est pas possible d’assister à tous parce qu’il y a parfois qu’une dizaine de minutes de décalage. Pourquoi la nuit ? pour permettre le passage des voitures, trains, tramways, cyclistes et piétons dans la journée. Le premier se lève à 1 heure et le dernier à 2h40. Eléna nous a promis de nous emmener voir les plus beaux, parfois différents, certains n’ont qu’une longue travée, d’autres deux, comme par exemple le Pont de l’Annonciation et le Pont du Palais qui s’ouvrent de la même façon au milieu. Ceux de la grande Neva laissent passer les gros bateaux qui vont du golfe de Finlande au lac Lagoda ou l’inverse.

           Saint-Petersbourg n’a pas l’exclusivité des ponts-levis, loin de là ! mais c’est la seule ville qui ne les ouvre que la nuit, et les laisse ainsi plusieurs heures. Dans les autres villes, on donne le passage au bateau dans la journée, et on referme derrière lui.

           Eléna nous demande d’écouter attentivement les consignes, le numéro du bus, l’affiche apposée spécialement sur le pare-brise pour s’y retrouver, même l’immatriculation du bus. Elle va, avec une employée de Croisi-Europe nous accompagner, nous dire ou nous arrêter, dit-elle.

           « Vous voyez, il y a au milieu des ponts deux feux rouges, c’et votre point de repère, la circulation automobile est arrêtée et le pont commence sa levée. Dès que le Pont du Palais, sur votre gauche…. est levé, vous tournez la tête sur votre droite… et vous attendez que le Pont de la Trinité à son tour se lève. Puis je vous en supplie ! Mesdames, Messieurs, ne trainez pas, revenez au bus dès que le dernier est levé, car il y en a d’autres à voir, dans un court laps de temps » Plus claire et précise, y a pas, et pourtant !....

           Eugène se stationne square Surovoskaya près de la statue du brillantissime général Souvorov,  à une vingtaine de mètres face au Pont de la Trinité, c’est certain, il est impossible à louper, et pourtant !.....



           A la suite d’Eléna,  cramponnées l’une à l’autre, nous commençons à longer le quai du Palais, prenant soin de ne pas perdre de vue la pancarte N° 1 tenue bien haut par une accompagnatrice Croisi-Europe. Sur ma droite de l’autre coté de la Neva, je vois la flèche élancée de la Cathédrale Pierre et Paul et sur ma gauche les beaux bâtiments du Palais du Grand Duc Michel.

          Le temps d’une, oui bon ! disons deux  … photos et la pancarte n’est plus visible !... oouupss….. celle-ci n’a certainement pas été tenue en hauteur ! Ouf ! devant nous ça parle français, on suit donc ces gens, mais dans la nuit tous les chats sont gris n’est-ce pas ! et rapidement nous nous apercevons que ces personnes sont françaises sans nul doute, mais pas de notre groupe.

          Alors conscientes qu’on a perdu de précieuses minutes à les suivre, on trace pour rattraper la pancarte, mais au bout de six à sept minutes nous devons nous rendre à l’évidence, bien qu’on se soit sérieusement rapprochées du Pont du Palais, nous ne retrouvons personne !...

          On a bonne mine ! vu les recommandations d’Héléna, on ne veut pas se taper la honte d’arriver en retard au bus, et c’est avec une certaine appréhension que nous faisons demi-tour, courant presque, tout en scrutant les feux toujours rouges du Pont de la Trinité « Pourvu qu’il ne se lève pas, qu’il nous laisse le temps de revenir » Et ce fut le cas, nous retrouvons notre groupe tranquillement installé pas très loin et là ! je la voie cette foutue pancarte !…. 

          « Ah, ah, ah !... je vous vois sourire, vous vous êtes dis ce sont elles qui ont m…, hé non ! l’épisode fût plus pathétique, mais patience, j’y viens ! »

           Pendant notre course effrénée, le pont du Palais,  insensible à nos états d’âme s’est levé, à cet instant trop occupée à courir vers le bus, je lui tourne le dos, lorsque je regarde, il est déjà en partie levé, quant au second on en est encore bien loin !  bon sur ce coup là ça n’a pas été une bonne affaire, mais il y en a d’autres, alors positivons.

      

          Le spectacle des bateaux de croisière attendant les deux ponts à se lever est impressionnant, c’est véritablement une petite armada d’embarcations de toutes tailles qui vont continuer leur périple, admirer la forteresse Pierre et Paul, la cathédrale Saint Isaac, et tous ces bâtiments illuminés le long de la Neva.

          De retour au bus, et de chacun de donner ses impressions. Quant à  moi, je suis drôlement rassurée d’être là et à l’heure !             Moteur en marche, sur le point de partir, Eléna compte et bing, boum, paf…Monsieur s'esclaffe « Je n’ai pas ma femme ! » Il est 1h30 du matin, on est sur un quai de Saint Petersbourg ! voyageant la plupart du temps seule, je m’imagine la frayeur de cette dame, mais que faisait donc son mari déjà installé dans le bus. Il s’avère qu’il y a moins de dix minutes, ils étaient ensemble, alors que s’est-il passé ? Toujours est-il que de longues, très longues minutes passent, les plus jeunes décident de partir à sa recherche, et ce n’est qu’au bout de 35 minutes qu’elle sera jointe par téléphone, elle a tout bonnement décidé d’aller seule longer le quai de l’autre coté, impensable !... elle n’a donc pas vu que les quais s’étaient désertés !

           Eléna a pourtant été claire, revenir au bus dès que le pont face à celui-ci est levé. Maintenant qu'elle a été localisée, il lui faut encore revenir sur ses pas, car sans se soucier le moins du monde, elle continuait sa progression vers le pont Liteiny, distant de près de deux kilomètres. Deux bus ont été réquisitionnés pour cette aventure, l’autre pas solidaire du tout, mais on peut le comprendre ! va continuer sa découverte, tandis que nous on attend..… On attendra ainsi une heure, et c’est avec désappointude et amertume que nous voyons TOUS, passagers naufragés, ... minute après minute le spectacle des levers de ponts nous passer sous le nez, une excursion à 2850 roubles tout de même ! Il est cependant vrai que cette option comportait aussi Saint Petersbourg de nuit, ce qu'heureusement nous avions alors fait.

          « Parfois on attend les excuses » dira Eléna !....

          L’avantage de cette situation, si avantage il y a ! pendant notre attente forcée, on voit un, puis deux, puis trois bateaux qui attendaient que les ponts se lèvent pour franchir la Neva.

          Lors du trajet du retour au bateau, Eléna continue à commenter ce qu’elle voit, elle nous dit qu’on a vu de belles choses, mais l’ambiance n’y est plus. A cette heure avancée de la matinée, il n’y  a pas un chat dans Saint-Petersbourg.  On a perdu tellement de temps qu’il n’est même pas question de s’arrêter voir les ponts, même levés, alors pour les photos, c’est wouaaloou !.. Les deux ci-contre sont des clichés  récupérés. (google maps)

            Depuis le square Surovoskaya, Eugène longe la Neva, on passe ainsi près du  Pont Bolsheokhtinsky, construit en 1909, auparavant appelé Pont Pierre le Grand, un peu paradoxal quant on sait que cet empereur interdisait toutes constructions de ponts, il se situe à la hauteur du couvent Smolny. Voici le pont Alexandre Nevsky, alors le plus long de la cité (980 mètres) et le premier en béton armé, construit sous l’ère soviétique en 1965.

           On continue avec le pont du chemin de fer, le pont Volodarski du nom d’un révolutionnaire tué là en 1918. Eléna  explique comment chaqu’un d’eux s’ouvre, au milieu, ou sur le coté, même parfois verticalement, à la façon d’un ascenseur, que pour beaucoup ce sont de véritables œuvres d’art, que chaque pont a son histoire, ses motifs et détails artistiques.

          Eugène emprunte encore une fois le nouveau pont à haubans. A l’approche de la gare fluviale, nous voyons des bateaux, des péniches qui transportent du sable, du gravier, du charbon, des pétroliers. Toute cette armada doit sans doute se regrouper là en vue de passer  bientôt une écluse.

          « Je vous dis, bonne nuit, et vous êtes priés de ne pas faire trop de bruit »  C’est sur ses mots qu’Eléna prend congés de nous, certains la reverront demain, ou plutôt dans quelques heures ! Il est 3 heures du matin, je ne suis pas encore couchée, le réveil étant prévu à 7 heures, ça va faire court, très court …

          Je vous donne rendez-vous, page suivante pour découvrir ensemble, le splendide palais de Catherine à Tsarskoïe Sélo.

          Pour l’instant, je vais aller retrouver mon lit pour espèrer quelques heures de sommeil. A demain ....... !

     Tsarskoié Sélo