Le métro de Moscou

                * Mercredi 3 Juillet (suite)

            Cette journée n’en finit pas ! après avoir foulé ce matin les pavés de la Place Rouge, m’être extasiée cette après-midi devant les majestueuses Cathédrales du Kremlin, sans oublier les splendeurs du Palais des Armures, me revoici la nuit à peine tombée en plein cœur de Moscou. Est-ce bien raisonnable ?  mais oui rassurez vous ! parce que devant moi marche Nathalie, mon guiiiide… Nathalie qui va nous faire pénétrer dans les mystérieuses et envoûtantes entrailles de cette capitale.

 

            « Je vais vous faire découvrir quelques unes des  plus jolies et caractéristiques stations » nous dit-elle, alors suivons là, de toutes façons, que faire d’autre !! L’agence a assuré sur ce coup là, car à près de 21 heures, le métro n’appartient pratiquement plus qu’aux touristes.

             Le bus s’est arrêté à proximité de Komsomolskaïa, je vous fais grâce du nom russe !  une station de la ligne marron, la 5, la Koltsevaïa, construite entre 1950 et 1954.
             A Moscou on pénètre dans la bouche du métro par une porte de bois massif, c’est ensuite que l’on descend …. Sur le fronton de cette porte, j’y vois de jolis bas-reliefs en laiton, avec au centre la lettre M

             L’accès aux quais ne différencie pas du métro parisien, ticket à insérer qui débloque le tourniquet, mais ici il y a de la couleur flash, vert pour entrer et rouge pour ne pas emprunter…

           Combien en avons-nous admirés ? quatre, je pense plutôt cinq, peut-être même six… difficile de s’en souvenir avec précision, tant Nathalie nous a fait monter dans les wagons, descendre après deux ou trois stations, regarder ces bijoux architecturaux, rejoindre un autre quai, remonter… tout ça accompagné du bruit infernal que peut faire un métro. J’avoue que malgré toutes ces splendides merveilles, j’ai  apprécié, après 90 minutes à vivre comme une taupe,  de me retrouver à l’air libre.

   

        

          Ce métro conçu sous le régime soviétique était prévu comme un outil de propagande du système socialiste,le pouvoir ne lésina pas sur les moyens, faisant appel aux plus grands architectes et artistes du moment et recrutant une main d’œuvre considérable de volontaires, ouvriers, soldats de l’Armée rouge, et membres des Jeunesses communistes, 75 000 ouvriers auraient participé aux travaux de la première ligne.
            
        Celle-ci, la ligne rouge, inaugurée le 15 mai 1935 comptait alors près de 11 kms et 10 arrêts, tous décorés d’un style différent mais toujours à la gloire du travailleur. Ces palais souterrains ont été décorés de plus de vingt variétés de marbre en provenance des monts d’Oural, de labrador, de granit, de porphyre, d’’onyx ainsi que de petites pierres précieuses. Avec ces statues, ces céramiques, ces vitraux et ces bronzes, ces stations solennelles et jubilantes se devaient de rivaliser avec la splendeur des palais de l’ancien empire des Tsars.
           

         Aujourd’hui on dénombre 14 lignes d’une longueur totale de 365 kilomètres et 224 stations. Le métro transporte environ 7 millions de passagers par jour, ce qui en fait le plus fréquenté d’Europe, et le deuxième du monde après Tokyo. Il a été creusé volontairement très profond, pour pouvoir servir d’abris lors de bombardements, ce qui fut hélas le cas lors de la 2ème  Guerre Mondiale.
          
       Bonne idée que de nous faire prendre cette ligne, car celle-ci étant circulaire, a une correspondance avec l’ensemble des autres lignes.   Plusieurs de ses stations étant de véritables monuments architecturaux, il nous suffira d’entrer dans le wagon et d’en ressortir un peu plus loin. Depuis la bouche du métro, pour accéder au quai, nous descendons un long, très long escalator et arrivons sur les quais de cette splendide station construite à 37 m mètres de profondeur.
            
       Les quais  d’environ 155 mètres  sont au milieu, inutile donc comme à Paris, pour passer de l’autre coté, de monter puis de redescendre. Les séparations sont le plus souvent matérialisées par des piliers ou des arches. Par contre, pour ne pas se tromper de sens, c’est un peu déroutant, il faut paraît-il prêter attention à la voix du speaker qui annonce les stations, si c’est une voix d’homme vous vous déplacez dans le sens des aiguilles d’une montre, si c’est une voix de femme, dans le sens inverse. Mais nous, on ne se pose  pas de questions car nous on a Nathalie.
 

                      
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La station Komsomolskaïa, du nom des jeunes communistes : les Komsomolets, 37 mètres de profondeur. Woouah ! quelle splendeur,  je suis scotchée devant ces arcades de marbres qui soutiennent un plafond au décor baroque. Staline, l’instigateur de ce projet, ne devait pas être peu fier devant ce « palais du peuple »  ce plafond incrusté de mosaïques et de motifs floraux et ces fastueux lustres. Sur le coté sont placés des bas-reliefs exaltant les victoires de la Russie dans les guerres et au centre huit  8 mosaïques.

            Celles-ci  exécutées par Pavel Korin représentent des chevaliers russes, des faits d’armes victorieuses, Lénine prononçant un discours sur la Place Rouge, ainsi qu’une jeune fille, symbolisant la Mère Russie, qui face au mausolée de Lénine, brandit marteau et faucille dans une main,  branche de palmier dans l’autre, ces mosaïques sont entourées de cadres en stucs. Initialement Staline figurait sur deux d’entres-elles, en chef de guerre, mais en 1963 la représentation de cet homme fut supprimée, un grand projet de déstanilisation ayant alors lieu en Russie,

            Au bout du quai, sous un arc de laiton doré avec toujours la faucille et le marteau,  ces grands symboles du socialisme, prône un buste de Lénine.

    

 

            Le wagon où je vais prendre place m’interpelle,  rouge et décoré d’une chorale militaire, il est très joli. Les stations sont propres, pas d’affiches publicitaires, pas un mégot de cigarettes, à l’horizon !... Pour se repérer, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur,  un voyant lumineux suit le tracé du métro, c’est certainement bien commode ! mais nous, on a … Nathalie !

                      
       ì La Station Novoslobodskaïa  est constituée de 32 vitraux éclairés, fabriqués  à Riga en Lettonie par le peintre russe Pavel Korine. Ces vitraux, représentant l’ouvrier au travail, sont placés à l’intérieur de piliers et frangés d’acier et de laiton doré. Un des plus beaux est cette mosaïque «  la Paix à travers le Monde » montrant une femme avec un enfant dans ses bras qui joue avec des pigeons. Ce vitrail est traversé par un ruban, synonyme de paix dans le monde. Là aussi on a remplacé la tête de Staline, en l’occurrence par un pigeon.


                     ì La station  Belorousskaïa,   36 m de profondeur  réalisée en marbre clair. La décoration, sous forme de 12 panneaux, rend hommage à la richesse agricole et la prospérité de la Biélorussie. C’est ici que fut mise en œuvre, pour la première fois, l’idée de panneaux de mosaïques selon la technique florentine, qui était d’utiliser des pierres naturellement colorées plutôt que des verres peints. Ces mosaïques d’une énorme valeur artistique sont vouées à une grande longévité, car la pierre ne s’assombrit, ne se ternit, ne se détruit et ne s’effrite pas.


     

                   ì La station de Kievskaïa. 48 mètres de profondeur, du nom de la capitale de l’Ukraine : Kiev. C’était la préférée de Nikita Khrouchtchev. Cette station fut la dernière de la ligne circulaire, permettant ainsi une mise en exploitation de l’intégralité de cette ligne. Elle mène à la gare ferroviaire de Kiev. Les piliers sont décorés de 18 mosaïques représentant des scènes de la vie quotidienne du peuple ukrainien, de l’amitié entre les peuples russe et ukrainien.

          Allez hop ! changeons de quartier ! pour terminer cette découverte du métro moscovite, la ligne 3 nous amène à l’une des stations les plus célèbres du métro :

                              ì La station Ploshchad Revolyutsi (place de la Révolution) 48 mètres de profondeur. Elle mène au cœur de Moscou, sur la Place Rouge. Les arches latérales de marbre rouge qui encadrent le hall central sont décorées de 76 sculptures en bronze, exécutées par  Matveï Manizer, membre de l’Académie des Beaux-Arts, sculptures réalisées d’après de vrais modèles.

               Ces statues symbolisent le peuple bâtisseur, ainsi on peut voir un soldat de l’Armée rouge, une femme et son enfant, un mécanicien, un matelot, un paysan, un ouvrier avec un marteau-piqueur, un garde-frontière avec son chien…. Vous remarquerez que ces sculptures  sont soit assises  soit agenouillées, c’est tout simplement pour tenir dans le petit espace situé sous les arches.


          « Touchez le museau du chien, cela vous portera chance » nous dit Nathalie, c’est ce que chacun fera, me donnant du fil à retordre pour prendre la photo  sans personne dessus. Historiquement c’étaient les étudiants qui avaient pris l’habitude de toucher ce museau, censé porter bonheur pour la réussite de leurs examens, puis cette superstition a été reprise par l’ensemble de la population et aujourd’hui, beaucoup, vieux comme jeunes, caressent le museau du chien, le caressent si bien qu’il en est devenu blanc.


        

Moscou de nuit


           Après avoir emprunté de nouveau un très long escalator, me voici revenue à l’air libre, ouf ! je respire mieux. Le bus nous conduit à proximité de la rue Saint-Nicolas, vous vous souvenez, cette sympathique rue piétonne qui côtoie la Place Rouge, rue envahie de fleurs, où pend un millier de guirlandes ! Et là ! j’y retrouve mes yeux d’enfants,  béate d’admiration devant cette multitude de lampes allumées qui tombent en cascade.

           De la rue Saint-Nicolas à la Place Rouge il n’y a qu’un pas, mais c’est que nous ne sommes pas grand monde,  faut dire aussi qu’il est plus de 23 heures ! et qu’en dire !.. pendant un court instant je me crois à Dysneyland, tant c’est éclairé de partout.  Que ce soit le musée d’histoire, l’église de Kazan, les remparts et tours du Kremlin, l’étoile rouge de la tour Saint Sauveur qui n’arrête pas de tourner, ou la Basilique de Basile le Bienheureux, ce n’est qu’une profusion de lumières. Sur le coté, l’immense façade du Goum n’est pas en reste, quoique son éclairage genre kitch est loin d’être écologique, enfin ! tout ça est bien joli, je dirais même plus, c’est superbe ! 

    

     

   

            A regret, il me faut quitter cet incroyable spectacle pour remonter dans le bus, Nathalie continue de décrire les bâtiments illuminés que nous voyons, mais difficile à photographier dans un bus en mouvement, voici un pont, puis un monument. Cette option « Métro et Moscou by night » prend fin avec un arrêt sur le belvédère du Mont des Moineaux, situé au SO de la ville. A cette heure, il ne fait pas bien chaud, sur cette colline culminant à 220 mètres, le plus haut point de Moscou.

            Derrière nous se trouve l’Université d’Etat, une des plus vastes universités du monde,  bâtiment de 240m de haut, couronné d’une immense étoile. 

             En face depuis cette plateforme panoramique nous apercevons au loin, très loin … tout Moscou, le Kremlin, la Cathédrale Saint-Sauveur,  les gratte-ciels staliniens, en premier plan se trouve le stade Loujniki, inauguré en 1956 mais rénové pour accueillir la Coupe de Monde du Football en 2018. Sur la gauche, les gratte-ciels modernes de Moskova-City scintillent dans leurs structures de verre.

             L’endroit est particulièrement attractif, les jeunes mariés viennent s’y faire photographier, mais c’est aussi, d’après Nathalie, le rendez-vous des amateurs de sensations fortes, qui viennent faire la nuit des rodéos, malgré une interdiction.

             J’admire ce paysage illuminé, ayant un court instant une pensée pour Napoléon qui est venu ici bien avant moi, conférant à ce lieu un intérêt historique.

            Voilà, c’est fini ! nous repartons en direction de la gare fluviale de Moscou, où nous attend le Georgy Chicherin pour une courte nuit. Je suis surprise lorsque Nathalie nous fait ses adieux et se fait déposer au cours du trajet, je pensais qu’elle nous aurait encore accompagnées demain matin mais non !

            Pour accéder aux quais, il nous faut présenter patte blanche, en l'occurence  le coupon d'embarquement qui nous a été remis contre nos clefs, il est alors 0h15.

            Demain matin, la visite de Moscou va se terminer, par la découverte des trésors de la Galerie Trétiakov. La page suivante est consacrée aux églises et monuments que j'ai pu apercevoir durant le trajet, je vous dis donc à bientôt et :

            Bonne nuit

       Moscou - Galerie Trétiakov