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Jeudi 14
Mars. (suite)
Un au revoir aux enfants ainsi qu’à Oumar, l’instituteur de l’école de NDieye
Niang, et nous reprenons notre route vers Saint-Louis pour y déjeuner.
Pour accéder à cette ville, (point N° 8 carte itinéraire) il faut emprunter un pont, l’unique point de passage vers l’île historique.
« Le pont
le plus léger du monde » nous dit Zal, tiens, le voilà qui se
met lui aussi à faire des devinettes !... vous donnez votre langue
au
chat ? rassurez-vous, nous l’avons fait avant vous ! Ce pont est le
plus léger du monde car il est « fait d’herbes » rétorque-t-il !
Ben voyons !…. Allons un peu de sérieux ! …. vous n’avez
jamais entendu parler du pont Faidherbe ? je vais donc vous narrer, en
quelques lignes, l’histoire de cet ouvrage, classé au patrimoine mondial
de l’Unesco en 2000.
Saint-Louis est bâtie sur une île, plutôt une
langue de terre. En 1858 un bac qui portera le nom de Faidherbe (polytechnicien
natif de Lille, alors Gouverneur du Sénégal) est construit pour la relier à la
ville. Ce bac fragilisé par les crues hivernales du fleuve et devenu
insuffisant sera remplacé en Juillet 1865 par un pont flottant, construit en
treillis d’acier. 1897 un nouveau pont voir le jour, d’après le projet de
l’entreprise Nouguier Kessler et Cie d’Argenteuil (et non pas de la Sté
Eiffel !..) mais la corrosion demande sa reconstruction totale..…
..…et c’est un pont flamboyant neuf, promis 7 ans plus tôt par le président français alors en poste : Jacques Chirac, qui a fait remarquer que « l’amitié entre la France et le Sénégal à pris à Saint-Louis une valeur exemplaire » financé en partie par une subvention de 8 milliards de Francs CFA venant de l’Agence Française de Développement, qui sera inauguré en Novembre 2011. Ce pont de 507 m de long permet à 80 000 usagers et 20 000 véhicules par jour de continuer à rejoindre l’île de Saint-Louis.
Une légende tenace veut que ce pont soit arrivé ici par erreur, selon certains, il aurait été conçu pour franchir le Danube et aurait été livré à la ville de Saint-Louis à la suite d’une erreur administrative, la longueur lui convenant la ville l’aurait gardé. Légende fantaisiste sans aucun fondement.
Nous déjeunons au restaurant Galaxie situé en plein
cœur de la cité. Au menu : Yassa au poulet, accompagné de riz, le yassa
est un poisson ou une viande mariné dans une sauce aux oignons, citrons verts et épices.
Une fois n’est pas coutume, Douga a rencontré, est-ce par
hasard ? pas sûr, ça ! deux jeunes étudiantes de 16 ans, et les
a invitées à prendre place à notre table, Zeyla issue d’un milieu très
aisé, voudrait être ingénieur à Miami, où réside son père, quant à sa copine, Astet,
elle aimerait être mannequin. Le repas en compagnie de ces demoiselles fût très
plaisant, étant très à l’aise avec nous et voulant nous connaître un petit peu,
ce fut un sympathique moment d’échanges.
Ca sera en calèche avec un guide officiel que nous visiterons
cette ancienne ville coloniale, certainement le meilleur moyen et le plus
efficace pour découvrir les principaux sites et monuments de la cité, de cette
ville aux mille couleurs, classé au patrimoine Mondial de l’Humanité par
l’Unesco.
L’histoire de la cité en quelques lignes. Saint-Louis (Ndar en wolof) est la 1ère ville fondée par les Européens en Afrique occidentale (1659) sur N’Dar, île de 2 kms de long et large de 300m. A l’ origine c’est un simple comptoir pour la traite des esclaves qui est installé à l’embouchure du fleuve Sénégal. Des maisons en dur sont construites pour les commerçants et les soldats, des huttes de paille ou de roseaux pour les domestiques, l’ensemble est fortifié et entouré de bastions. Les marins normands lui donnèrent ce nom en hommage au roi de France régnant alors.
Située aux confins de l’Océan, du Sahara et de la brousse, Saint-Louis connue pour la traite des esclaves, le fût aussi comme escale de la ligne aéropostale de Jean Mermoz qui séjourna régulièrement à l’hôtel de la Poste.
L’île
conserve d’importants
témoignages de son prestigieux passé, de sa colonisation. Pour sa possession,
les anglais et les français ont livré beaucoup de batailles, ça sera la France
qui en conservera le contrôle jusqu’à l’indépendance du Sénégal en 1960.
En 1885, l’inauguration de la voie ferrée Dakar-Saint-Louis marque l’apogée de la cité. Grâce à son commerce de l’or, de la gomme arabique, de l’ivoire et des esclaves, la ville connaît une grande prospérité, mais la gomme étant détrônée par l’arachide, la capitale va décliner, vivre dans le souvenir de son passé colonial, puis sombrer dans la léthargie. A l’indépendance, elle perd de son importance au profit de Dakar, nouvelle capitale, qui attire les intellectuels et les fonctionnaires. Aujourd’hui, Saint-Louis vit principalement de la pêche et du tourisme.
Quelques scènes du film "Les Caprices d'un Fleuve " de Bernard Giraudeau y ont été tournées.
La cité surnommée la « Venise africaine » est divisée en trois parties distinctes : le continent où se trouve le marché Sor, l’île et son quartier historique et, la langue de Barbarie avec ses quartiers populaires de pêcheurs.
La calèche nous emmène tout d’abord vers les quartiers Nord,
voici la
Maison rouge, reconnaissable à la couleur de son crépi, celle-ci
autrefois spécialisée dans le commerce des épices, est aujourd’hui rénovée et transformée
en une élégante maison d’hôtes, puis
la grande mosquée, la seule au
monde à disposer d’une cloche et d’un cadran d’horloge, actuellement en rénovation. Voici le
consulat de France, puis
l’ancienne grue à vapeur de 20
tonnes du port sur lesquelles sont disposés quelques tableaux et sculptures.
Le
quartier nord est séparé du quartier sud par :
la place Faidherbe et
son square que domine la statue du général français.
Du Saint-Louis de l’époque coloniale, il reste de superbes bâtisses à moitié en ruine, des balcons en bois avec balustrades en fer forgé, des façades aux tons chauds, plus ou moins ravalées.
La vieille ville va mal, les bâtiments menacent de s’écrouler, jumelée avec Lille depuis 1986, aidée par le Fonds européen, sa restauration reprend peu à peu.
Voici
un beau bâtiment, mais ne nous y trompons pas ! c’est l’Inspection
Régionale des Impôts…. auparavant
la maison des sœurs de Saint-Joseph-de-Cluny,
celles-ci en place depuis 1816 avaient développé une école de fille et un
dispensaire dont l’hôpital voisin prendra ensuite la succession.
On peut toujours voir à travers la grille l’escalier monumental avec deux volées circulaires aux balustrades de ciment peintes.
Trottinant,
notre cheval continue cette agréable balade, il emprunte le pont Malick Gaye,
nous menant ainsi dans le quartier des pêcheurs.
Guet Ndar est situé sur la langue de Barbarie.
Cette étroite étendue de sable située entre l’Océan Atlantique et le fleuve Sénégal
est une fourmilière humaine, plus de 25000 personnes vivant toutes de la pêche,
seule activité locale, y cohabitent tant bien que mal sur 0,3km². Humains,
volaille, chiens, chèvres attachées ou vagabondant à la recherche d’une
quelconque nourriture au milieu des détritus, tous se partagent ce minuscule
espace, c’est une vraie pagaille.
Cette promiscuité entraîne bien évidemment des conditions désastreuses d’hygiène.
Si la rue par où passe la calèche est à peu près correcte ! si l’on exempte les ordures qui jonchent les trottoirs, les déjections animales, le linge étendu entre deux poteaux électriques, les façades taguées et décaties, la viande crue proposée à la consommation… ce n’est en rien comparable aux ruelles transversales, sablonneuses, jaunes, orangées, où règne une misère encore plus noire que la peau de ses habitants, les baraquements sont rafistolés avec de la tôle ondulée ou recouverts d’une bâche plastique déjà bien usagée, c’est pourtant dans ceux-ci que vivent toutes ces familles de pêcheurs, ces gamins qui jouent avec tout et n’importe quoi, au milieu de la poussière, d’ailleurs, vont-ils à l’école ?
Guet Ndar, c’est aussi a perte de vue, une plage jonchée de longues pirogues multicolores, mais aussi, hélas ! de détritus de tout genre, de cadavres de poissons « Ca sent bon le Channel » dit le guide ! Ici ce sont plus de 4000 équipages qui partent pour un, parfois pour plusieurs jours, pêcher ce poisson qui les fera vivre (soles, sardines, raies…) au retour de leurs maris les femmes prendront la relève en nettoyant, vidant, ou séchant ce poisson pour pouvoir le conserver. Là, comme à Joal-Fadiouth et de nombreux autres ports de la côte, les camions frigorifiques attendent pour ensuite partir vers l’Europe.
Quel dépaysement lorsque nous pénétrons dans ce quartier, mais aussi un sentiment de mal à l’aise, d’intrusion, nous « riches toubabs… » appareil photo autour du cou, se promenant en calèche parmi cette peuplade qui est peut-être une des plus pauvres du pays.
Et pourtant !…. aucun sentiment de tristesse ou de morosité n’apparaît sur ces visages, ils n’existent que pour la pêche, tout gravite autour de cette occupation, ils sont en communauté et vivent pour eux, pour leurs enfants. Ca a l’air de leur convenir, quant on sait que la Mairie leur a proposé de les reloger ailleurs dans de meilleures conditions, proposition qu’ils refusent. Peut-être que d’avoir le ciel, le soleil et la mer suffit à leur bonheur, je l’espère bien sincèrement pour eux.
Pierre Loti, écrivain français du 19ème siècle y a vécu quelques mois en 1874, de ce passage à Saint-Louis, ému, il en écrira un livre « le Roman d’un Spahi »
En
tant que soldat à bord du Pétrel, il y raconte l’étrange impression que fit sur
lui l’approche de ces rivages. Ce roman avec comme fil rouge l’amour d’un spahi
(cavalier appartenant à l’Armée d’Afrique mais dépendant de l’armée de terre
française) et d’une saint-Louisienne, évoque les scènes de rues, de marché, de
pêche, la vie des colons et des familles métisses, les habitations… Le court
extrait ci-dessous nous plonge dans cette ville coloniale comme elle devait
l’être il y a 150 ans.
[…] Et puis enfin apparaît au-dessus des sables une vieille cité blanche, plantée de rares palmiers jaunes ; c’est Saint-Louis du Sénégal, la capitale de la Sénégambie. Une église, une mosquée, une tour, des maisons à la mauresque. […] On s’approche, et on s’étonne de voir que cette ville n’est pas bâtie sur la plage, qu’elle n’a même pas de port, pas de communication avec l’extérieur ; la côte, basse et toujours droite, est inhospitalière comme celle du Sahara, et une éternelle ligne de brisants en défend l’abord aux navires.
On aperçoit aussi ce que l’on n’avait pas vu du large : d’immenses fourmilières humaines sur le rivage, des milliers et des milliers de cases de chaume, des huttes lilliputiennes aux toits pointus, où grouille une bizarre population nègre. Ce sont deux grandes villes yolofes, Guet-n’dar et N’dartoute, qui séparent Saint-Louis de la mer.
Si on s’arrête devant ce pays, on voit bientôt arriver de longues pirogues à éperon, montées par des hommes noirs qui rament debout. Ces piroguiers sont de grands hercules maigres, admirables de formes et de muscles […] la sueur et l’eau de mer ruissellent sur leur peau nue, pareille à de l’ébène verni. […]
[…] Guet-N’dar, la ville nègre, bâtie en paille sur le sable jaune. Des milliers, des milliers de petites huttes rondes, à moitié cachées derrière des palissades de roseaux secs, et coiffées toutes d’un grand bonnet de chaume. […] A Guet-n’dar, sur le sable, tapage, confusion de tous les types, babel de toutes les langues du Soudan. Là se tient perpétuellement le grand marché, plein de gens de tous les pays, où l’on vend de tout, des choses précieuses et des choses saugrenues, des denrées utiles et des denrées extravagantes […]
Ce livre vous intéresse ? vous pouvez le consulter en cliquant
De retour au bord du grand bras du fleuve Sénégal, c’est un tout autre quartier, le quai Henri Jay est une rue propre, bordée de palmiers, la « Promenade des anglais » nous dit le guide, quel changement en si peu de mètres !.......on aperçoit de l’autre coté du fleuve la grande mosquée mouride.
Dans cette rue se trouvent une agence immobilière, un atelier d’art.. il doit aussi y avoir une grande école, car nous rencontrons beaucoup d’adolescents en uniforme bleu.
La promenade en calèche terminée, nous nous arrêtons au cœur de la cité, à une petite boutique d’artisanat, histoire d’acheter cartes postales et timbres, + si affinités… je suis un peu déçue, j’espérais avoir des timbres sublimes, ceux présentés ne sont guère plus beaux que nos « Marianne » Vous allez me dire que cette Marianne sénégalaise est superbe, c’est vrai je vous l’accorde !... mais j’aurais préféré de somptueux paysages ou des animaux féroooces... Mais il est vrai que ce pays, immensément pauvre, ne peut s’offrir ce luxe d’imprimer des timbres à profusion !.. Cout d’un envoi vers la France : 450 CFA, soit environ 0,70€.
Je ne peux quitter Saint-Louis sans vous parler de la méduse…… pas des méduses,
cet animal marin visqueux, hantise des baigneurs dans certaines mers, mais bien
de la « Méduse » qui a inspiré Géricault à travers sa célèbre toile.
La conquête du Sénégal se joue à « qui perd gagne » entre nous et les anglais, cette fois ce sont nos soldats qui ont gagné, et c’est pour installer le nouveau gouverneur, sa famille et sa fortune que la frégate « la Méduse » partira de l’île d’Aix, vers Saint-Louis avec 400 personnes à bord.
On connaît tous la fin tragique de ce navire qui s’échouera le 2 Juillet 1816 sur le banc d’Arguin, au large des côtes de la Mauritanie. 150 personnes n’ayant pas de place dans les chaloupes prirent place sur ce radeau fabriqué à la hâte, seuls 12 personnes y survivront, comment ? ça c’est une autre histoire !...
La
lagune se termine au sud par le parc national de la Langue de Barbarie, classé
lui aussi au patrimoine mondial. Sur cette « langue » on trouve de
nombreux hôtels et campements, ça sera dans l’un d’eux que nous finissons notre
journée.
Avant le portail d'entrée, sur notre gauche,
nous admirons les pélicans et leurs progénitures, ils sont une bonne vingaine installés sur un minuscule ilôt.
L’hôtel Diamarek signifie « La paix, seulement » en langue wolof. http://www.hoteldiamarek.com/
Cet hôtel est superbe, je dirais presque luxueux, avec salle de bains carrelée, électricité, climatisation qui fonctionne …. les chambres inspirées du style architectural des cases traditionnelles de couleur ocre ou rouge sont disséminées au milieu d’un beau parc arboré, beaucoup de bougainvillées égayent celui-ci. Chaque bungalow de plain pied avec terrasse, sans vis-à-vis, est recouvert d’un toit paillotte. Pour les amateurs de baignade, une belle et grande piscine.
Je le répète peut-être, mais j’ai été très touchée par la gentillesse, la
serviabilité et la sympathie qui émanaient de tous ces hommes qui côtoient les
touristes. Ici par exemple, ça sera le marchand d’artisanat installé à la porte
de l’hôtel qui amènera les valises aux différentes chambres, sans pour autant
réclamer de pourboire.
Ce ressenti est peut-être plus profond, plus authentique
dans les petites structures locales, que dans un grand hôtel hyper touristique.
Depuis le départ je n’ai jamais eu l’impression que ces employés
nous voyaient comme des « riches européens » à « solliciter » mais plutôt presque
comme de nouveaux amis, avec qui on aimerait discuter, et ça ! c’est une
des clefs d’un voyage réussi.
J’ai
rendez-vous, et pourtant j’ai bien failli le louper, toute occupée que j’étais
à regarder les photos prises depuis deux jours. Ce n’est pas avec la lune !..….
ni avec un beau sénégalais… que j’ai ce rendez-vous, mais avec un
superbe coucher de soleil.
Un regard furtif par la fenêtre et je vois qu’il est grand temps, qu’il ne va pas m’attendre, vite !... vite !..... je cours vers l’Océan où j’y retrouve Myriam et Jean-Luc, chasseurs comme moi de ces superbes clichés. Ouf ! c’était moins une, j’ai sous estimé l’heure de ce coucher, il est 19h14 lorsque essoufflée, je prends mes premières photos et à 19h19, le spectacle est…. fini !
Le restaurant de cet hôtel est remarquable, de jolis tableaux décorent les murs, sur notre table une belle nappe de tissu grenat, avec à chaque place une serviette assortie pliée artistiquement, du beau travail !
Arrivés
avant Douga et Zal comme d’ailleurs tous les soirs… la
ponctualité aura été une de nos qualités premières, nous laissons à notre
séducteur de guide…… histoire de le taquiner à notre tour …. la serviette pliée
en forme de cœur.
A travers ce geste, il veut y voir, il va sans dire !……
une attention bien particulière.
Vendredi 15
Mars.
Douga
propose de changer de l’argent dans le centre, ça ne sera ensuite plus
possible, Zal s’arrête alors devant d’anciens bâtiments coloniaux
fortement tagués !.... une école, la préfecture.
Puis nous reprenons la
route en direction de la réserve des oiseaux des Djoudj.
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