Mercredi 4 Décembre 2019
(suite)
Sitôt
le déjeuner j’ai quitté la jonque avec laquelle j’ai découvert la splendide
baie d’Halong, à présent je longe le port de Hai Phong, premier port du Nord
du Vietnam par son importance. C’est par lui que transite les marchandises
exportées partout dans le pays, péniches remplies de riz, de charbon, de
pierres destinées à la construction des routes, ou bateaux contenant du
pétrole, de l’argile, du ciment. On aperçoit également des milliers de containeurs,
sans doute à destination du monde entier. (image récupérée)
Dans le delta du
fleuve Rouge, les habitants élèvent des poissons dont les restes servent de
nourriture aux crevettes, aujourd’hui l’élevage de la crevette est très
important au Vietnam, le paysan en vit. Pour nourrir ces petites bêtes, il
utilise une pate faite avec ce que les Entreprises délaissent, celles-ci ne prenant
bien souvent que les filets. Quant je parle de restes : c’est la tête, la queue sans
omettre les arêtes, ceux-ci sont parfois vendus au marché, une fois cuits et
écrasés avec de la farine de riz ou de manioc, cela fait une excellente
nourriture pour ces minuscules bestioles.
Voici qu’on passe sur un grand pont, le plus haut et le plus long du Vietnam, celui-ci permet le passage des gros bateaux.
« Hai Phong, était pendant la guerre des U.S.A. un port maritime important, mais également une cible pour les bombardiers américains car l’Union Soviétique et la Chine armaient l’armée du Nord, armée communiste qui combattait les Américains. » Il fut aussi le théâtre d’un épisode datant d’une autre époque « C’est dans le fleuve, situé tout à coté du port que furent trouvés beaucoup de pieux de bois, qui au 11ème siècle, éventrèrent les bateaux de ravitaillement chinois. Ces vestiges de l’histoire du Vietnam sont aujourd’hui présentés dans les musées archéologiques de Hanoï et de Saigon »
Il reste environ 45 minutes avant d’arriver au
village, aussi « pour nous signifier que le temps de méditation est
fini » dit Chû en d’autres termes pour
nous réveiller, à supposer que certains dorment !... il nous fait écouter
une superbe chanson « Bonjour Vietnam » chantée par Quynh Ann
Pham, dont le prénom signifie : beauté du rubis, une jeune chanteuse
liégeoise de 33 ans. Dans cette chanson, dont les paroles ont été écrites en
partie par Marc Lavoine, elle s’interroge sur ses origines, pourquoi
elle a les yeux bridés, de petits pieds, pourquoi qu’elle ne connaît du Vietnam
que des images de guerre, les hélicoptères en colère. Sa mère est une réfugiée
politique qui a fait partie des « beat people »
Remis de nos émotions, car la
chanson est touchante, nous écoutons Chû nous parler des
marionnettes sur l’eau.
« C’est un art qui est né au Vietnam, dès le 11ème siècle, à l’avènement du roi Li, le roi fondateur du pays, d’après les documents historiques. Les marionnettes sont des figurines d’environ 40 cms de haut, sculptées dans du figuier, un bois léger, anti-termites et qui résiste à l’eau. Le corps qui est léger flotte, la base plus lourde est immergée, dans celle-ci on a percé un trou pour y insérer le mécanisme consistant en un fil et une perche de bambou, c’est avec ce fil que les villageois dirigent les mouvements.
Mais vous ne verrez ni les artistes, ni le matériel, ceux-ci étant cachés derrière un rideau. La réussite du spectacle dépend bien évidemment de l’habilité de ces gens à manier ces marionnettes. A coté il y a un orchestre composé de trois ou quatre musiciens, et une femme qui chante les scènes quotidiennes de la vie à la campagne : les canards dans l’étang, les licornes, un renard qu’il faut attraper, car il mange les poussins et les canetons, des scènes de pêches avec des nasses, le combat du buffle lors d’une fête, des danseuses…. A l’époque, il n’y avait pas d’écriture, encore moins de télévision, c’est par ce moyen qu’on racontait aux enfants les traditions. Parfois certaines scènes évoquent un rite d’invocation des pluies, car les rizières de cette région hautement agricole demandent de l’eau. »
Il est à peine 15 heures, à notre
descente du car, la musique et les chants emplissent l’air de ce petit village
situé pas très loin de Ninh Binh.(point N° 5 carte itinéraire) Quel accueil ! mais Chû calme notre
excitation, car cette aubade n’est pas en notre honneur, cruelle désillusion !...
mais pour rappeler aux
villageois leurs devoirs civiques. « A une époque, elle servait de
réveil dès 5 heures pour les enjoindre à faire leur gymnastique, et à 20 heures
pour que chacun rentre chez lui, au-delà il est interdit d’être dehors »
C’est aussi en quelque sorte un bulletin d’informations. Chû profite du court
trajet pour nous distiller quelques infos bien strictes « Passée 20
heures, une fille ne doit pas être dans la rue. Il est interdit de porter des
pantacourts. La coupe des cheveux des garçons doit être réglementaire, ne pas
dépasser les yeux, ni les oreilles, les cheveux longs, n’en parlons pas !
» Hé bé !....
Après le franchissement d’une porte surmontée de l’ inscription « Lang Van Hoa Nhan Muc » miroir d’une civilisation chinoise, j’arrive devant de vieux murs. Ceux-ci portent encore l’inscription qui doit dater de l’époque coloniale « Ecole primaire publique - 1925 » Après être passés près d’un salon de coiffure très rustique qui ne comporte qu’ un siège et une petite glace, apparaît une superbe pagode aux toits recourbés, montée sur pilotis.
Devant celle-ci un plan d’eau, en face une rangée de chaises, nul doute que
c’est là qu’aura lieu dans quelques instants le spectacle des marionnettes sur
l’eau, espérant que cette musique, qui peut être agréable si l’on ne l’entend
que quelques minutes, va s’arrêter, car il sera alors impossible d’entendre
l’orchestre.
Il semble qu’il y ait eu un petit accord, car celle-ci a cessé le temps du spectacle, mais incroyable … pas une seconde de plus ! Chû n’a même pas le temps de nous expliquer le fonctionnement d’une pipe à tabac, fabriquée avec un morceau de bambou, que celle-ci recommence à nous fracasser les tympans.
Le spectacle des marionnettes sur l’eau est agréable, tranquille, reposant, gracieux. Voir ces petits personnages laqués enfoncés dans l’eau jusqu’à la taille, ces cygnes majestueux, ce furieux dragon, s’animer à quelque chose de magique, on les croirait automatisés et pourtant, ils ne sont maniés qu’avec de la ficelle et du papier, comme disait en un autre temps Christophe !...
A la fin de leur prestation, les villageois ouvrent le rideau, c’est alors une salve d’applaudissements. Bravo à vous tous de nous avoir offert ce si gentil spectacle (ci-dessous, 6 minutes de celui-ci)
Nous nous dirigeons à présent vers la maison communale, autrefois on venait y applaudir la visite du roi, elle servait aussi de tribunal, aujourd’hui elle est utilisée pour la fête du village, les mariages, et pour toutes les activités importantes.
« Vous savez, vous pouvez inviter 200, même 500 personnes si vous voulez, car chaque invité aura auparavant déposé une enveloppe du montant du repas, dans une caisse à l’entrée de la salle. C’est comme ça chez nous, chaque invité paie son repas » La cour est utilisée pour sécher les grains de riz.
Dans le temple tout à coté, on voit la salle du bouddha où tout clinque, à l’intérieur
la statue du cheval du glorieux général qui a fondé ce village. Depuis sa mort
les villageois le vénèrent, car celui-ci est considéré comme un bienfaiteur. A
l’époque il n’y avait pas de portraits, aussi a-t-on remplacé celui-ci par son
chapeau de
mandarin,
posé sur un trône, symbole de pouvoir.
« Dans la pagode, vous ne verrez aucun clou pour fixer la charpente, c’était alors interdit, car une superstition disait que le métal pouvait couper le bois. Les poteaux qui soutiennent la structure sont en teck, le bois de fer. » « Chaque maison se doit d’avoir son hôtel des ancêtres, chez moi j’en ai un avec la photo de mes grands-parents »
Au
moment de quitter cette enceinte, des plaques de marbre blanc fixées sur un
mur à proximité du temple, attirent mon attention, y sont gravés les noms des
donateurs et le montant qu’ils ont donné, le patronyme de Nguyen apparaît
souvent, celui de Tran un peu moins, matière à titiller notre guide
...mais il a la
parade, nous rétorquant que la proportion de personnes portant le nom de Nguyen
est beaucoup plus importante …
Le retour au bus est agréable, j’y rencontre beaucoup de mamans ramenant leur enfant de l’école sur l’incontournable scooter, des marchands de viande à même le trottoir.
De retour dans celui-ci, Chû qui,
comme a chaque fois, a fait ses emplettes, nous offre un ananas, façon sucette,
la manière de le découper est très jolie ! ces ananas sont très bons, bien sucrés,
rien que d’écrire ces lignes, j’en ai l’eau à la bouche.
C’est la sortie des cours, les
collégiens assis par deux sur les scooters, circulent en parallèle avec nous
par centaines. Dat double un marchand de volailles, « il n’est pas
réglementaire » nous dit-Chû, parce qu’en théorie ….. la largeur ne doit pas
dépasser 80 cms, ce qui n’est pas le cas. Ah Vietnam, que j’aime toutes ces
interdictions dont les habitants se moquent royalement !
C’est alors que le bus passe près d’un entrepôt de petites tombes décorées. J’avoue que vu ainsi, je pensais plutôt à des sortes de boites à musique en bois peints. Dat recule et s’arrête quelques instants pour que depuis l’intérieur, on puisse bien les voir, merci Dat.
Dans le Nord du Vietnam, l’enterrement
se déroule en deux fois, on achète tout d’abord un grand cercueil en bois, d’au
moins deux mètres de long « et pourquoi ? d’après-vous ? »,
pour y ajouter beaucoup d’outils qui serviront au défunt pour préparer sa
nouvelle vie, celle qui existe
au-delà »
« Quand ma grand-mère est décédée, mon père a mis dans son cercueil, des vêtements, une paire de chaussures, un peigne, un miroir, etc…. »
Dans les maisons riches, on ajoute du jade, de l’argent, des bijoux, des colliers. Dans le temps, les empereurs avaient peur que les voleurs déterrent les tombes pour voler les objets précieux. Ce cercueil est alors mis en terre, sans monument, une simple butte de terre marque son emplacement, puis au bout d’au moins 3 ans, lorsqu’on est certain qu’il ne reste plus que les os, la famille ou bien souvent une entreprise spécialisée va ouvrir ce cercueil, ôter les os, les laver soigneusement à l’alcool de riz, et les mettre dans cette petite tombe en béton. On brûle le cercueil de bois et tous les outils qu’il peut receler, puis on pose définitivement cette tombe sur la terre.
« Oui messieurs-dames, on pose sur la terre, car au Vietnam, on n’enterre pas ! »
« Quand j’ai appris au cours de la nuit que ma grand-mère était décédée, j’étais à Hué avec un groupe de français, j’ai téléphoné à l’agence pour qu’il trouve un autre guide francophone, j’ai pris l’avion pour Saigon, puis un bus local, ça m’a pris une journée, mais j’ai pu voir encore une fois ma grand-mère qui reposait dans son cercueil, pas encore fermé, permettant ainsi aux descendants de lui dire un dernier au-revoir »
Selon la religion de la famille, c’est soit un prêtre catholique qui vient faire la prière, soit un bonze qui en agitant sa cloche va souhaiter un bon passage au défunt dans l’au-delà.
« Avec mes sœurs, on étaient bien sûrs tristes de voir partir notre grand-mère, mais contents aussi de voir qu’elle avait bien vécu, qu’elle avait vu la réussite de ses descendants, elle avait 93 ans » « Elle voulait être incinérée, alors mon père a d’abord préparé le cercueil en bois avec les accessoires, puis il a tout brûlé et il a gardé les cendres qu’il a partagé en trois avec sa sœur et son frère. Etant le fils ainé, il a gardé une part plus importante, puis il a construit une tombe en béton avec une stèle portant le portrait de mon aïeule, dans celle-ci il a mis l’urne, mais au moment de fermer cette tombe, il a mis une vitre transparente, si bien que lorsque je reviens au pays, je vois l’urne et je peux faire une prière »
Il est interdit de superposer deux
tombes, aussi sont-elles posées côte à côte, d’où l’expression de Chû. « Un
cimetière, ce sont les os rangés » La femme sera à coté de son mari, puis
ses enfants, puis les femmes de ses enfants, car au Vietnam, une femme dès lors
qu’elle est mariée, appartient pour l’éternité à la famille de son mari, les
filles non mariées qui se sont occupés de leurs parents seront à coté de
ceux-ci. Aucune inquiétude pour la place, à la campagne, on n’en manque pas.
« Je
vais vous parler de certains aspects de la nourriture vietnamienne, ici un des
plats populaires est l’œuf couvé avec le petit poussin à l’intérieur. On mange
aussi du rat sauvage, dont la viande très recherchée est plus chère que celle
du porc et du poulet, celle-ci est très parfumée, car il ne se nourrit que de
grains de riz. (image ci-contre récupérée sur la toile) On mange aussi
des serpents, des scorpions. Dans le poulet, on mange tout, l’oreille, la
langue, les ailes, frits ils sont servis comme apéritifs comme on le fait pour les
calamars. »
On a aussi des animaux sauvages,
comme les singes, les buffles, les éléphants qui vivent nombreux dans la jungle à la frontière du Laos, d’ailleurs ce pays n’a-t-il pas le surnom
de « pays au million d’éléphants » Il y a également des ours, mais
les chinois en quête de médicaments les chassent.
Le cobra et l’hippocampe séchés et mis à macérer dans l’alcool de riz, sont censés donner de l’énergie à l’homme
« Demain, nous dit-il,
nous allons main dans la main, deux par deux, faire la balade des gens
heureux !....une promenade de 90 minutes en sampan sur une rivière. Il
fera beau, comme aujourd’hui, mais il y aura du vent, aussi prévoyez vos
anoraks !... » Céciile, ma fiille….. où es tu ?
L’arrêt nocturne est à l’hôtel Hoa Lu, Hoang Son Peace à Ninh Binh. Lorsque le bus s’y arrête, je suis impressionnée, de chaque coté de l’entrée j’y vois deux magnifiques statues, dont un gros bouddha ventru en marbre qui un instant m’amuse. Le hall d’accueil est splendide avec cet énorme vase japonais, cet aquarium et certainement plein d’autres belles choses, comme ce petit autel bouddhiste par exemple.
Etant
logée au 9ème inutile de vous dire que je vais profiter de cette
vision nocturne. D’après les indications placardées dans l’ascendeur, une bonne partie de l’étage
du 11ème est réservé à la suite présidentielle, Phú Trọng Nguyễn est-il dans l’hôtel en ce moment, ais-je une chance, même infime, de le
croiser ?
Ma chambre qui est immense, pourvu que je ne m’y perde pas ! dispose d’une baignoire d’angle et d’une douche de plain-pied, je vais devoir me couper en deux pour pouvoir utiliser chaqu’un d’eux.
Allez ! sur cette plaisanterie, je vous souhaite une bonne
nuit et surtout
ne manquez pas de me suivre demain
lors de cette balade à barque.
A très bientôt