Samedi 7 Décembre 2019.
Xin Chào
Hué, l’ancienne capitale impériale se love dans un méandre du Song Huong, du doux nom de « rivière des Parfums » En dépit des destructions subies durant la guerre, la ville reste et restera une cité magnifique, d’ailleurs l’Unesco ne s’y est pas trompé en l’inscrivant en 1993 au Patrimoine mondial.
Des années de guerre civile
et d’oppression par les Trinh, suivie d’une révolte paysanne chassèrent le seigneur
Nguyen Anh qui chercha l’assistance en France. En 1788, celui-ci
s’empara de Saigon grâce aux troupes et à l’artillerie fournies par un
missionnaire français, Pigneau de Behaine « Reconnaissant, l’empereur, autorisera
l’évangélisation au Vietnam, le pays compte aujourd’hui beaucoup d’églises »
dit alors Chû. En 1802, après avoir réunifié le pays, Nguyen An s’auto
déclara empereur, prit le nom de Gia Long, et établit sa capitale à Hué
où il régna en souverain sur un pays où beaucoup de mandarins français
occupaient des postes importants dans la citadelle.
Sous le protectorat français, Hué demeura la capitale officielle du Vietnam, mais elle n’abritait plus qu’un pouvoir fantoche. Les empereurs Nguyen ne conservèrent, qu’un rôle emblématique jusqu’en 1945, date où les accords de Genève marquèrent la fin du régime monarchique. A partir du 5ème roi, ceux-ci choisis par les autorités françaises, n’étaient plus indépendants.
« Beaucoup de Vietnamiens portent le nom de Nguyen » nous avait dit Chû ! lorsque la dynastie s’installa en 1802, elle imposa son nom. A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, plusieurs membres des dynasties échues, comme celles de Ly ou Mac, par exemple, préférèrent changer de nom pour éviter des représailles. La longévité de cette dynastie est impressionnante ! Minh Mang, le fils de Gia Long, avait rêvé qu’elle durerait neuf générations, ce fût au-delà de ses espérances, car celle-ci en dura treize.
De nombreux
ingénieurs français ont contribué à construire la citadelle (point N° 8 carte itinéraire) sur un plan inspiré des
fortifications de Vauban, celle-ci est composée de trois enceintes qui s’imbriquent
(cité royale, impériale et pourpre, dite interdite).
La première muraille de cette citadelle royale de 20m de profondeur et 7 mètres de haut et entourée de douves, est percée de dix portes fortifiées, chacune munie d’un pont. Sa forme est un carré de 2,5 kms de coté, sa superficie de 520 ha.
Mais revenons à notre grandiose citadelle ! Quelle tranquillité, car dans ce lieu sacré, les motos et scooters y sont interdits. Si vous le désirez, des voiturettes électriques sont mises à disposition.
Quoique profondément meurtrie par les guerres successives, on peut encore y admirer quelques beaux palais, sur les 150 existants, il en reste aujourd’hui environ 70 qui sont entretenus par des militaires. D’importantes restaurations, dont certaines sont encore en cours, donnent un aperçu de son ancienne grandeur.
La rivière aux
parfums franchie, je me trouve devant l’entrée principale de la citadelle, juste
derrière une nuée de chinois à la casquette identique rouge.
« Comptez une demi-journée. Prévoyez toujours un parapluie, car il pleut souvent en journée » Voici les recommandations lues sur mon guide Michelin, nous y consacrerons à peine 3 heures, ah oui tout de même ! je n’ai pas vu le temps passer ... quand au parapluie, mon guide est un oiseau de mauvaise augure, car de goutte d’eau, point n'ai vu.
Celle-ci passée, en me retournant j’admire :
ì La Tour du Drapeau (Cot co) élevée en briques en 1807 sur un bastion de 18 m. Construite à l’origine en bois, elle fut brisée par un typhon en 1904 et remplacée aujourd’hui par une colonne en béton armé. Du haut de ses 54 mètres flotte actuellement le drapeau vietnamien.
ì Puis voici les neuf canons (Cuu Vi Than
Cong) 9 ….le chiffre le plus puissant de l’époque, le symbole du
pouvoir absolu, l’éternité. Les quatre à coté de moi symbolisent les saisons, les autres, qui sont de l'autre coté de la tour du drapeau, représentent
les éléments de l’Univers (métal, bois, eau, feu et terre)
Ces canons de 5 mètres, minutieusement sculptés furent fondus à partir des armes et objets en bronze et laiton des frères Tay Son, la précédente dynastie vaincue en 1802. Ces canons ne furent jamais utilisés comme armes de guerre mais ils sont les neufs génies tutélaires qui protègent la citadelle.
Face à la Tour du Drapeau, voici la Cité Impériale (Hoàng Thàn) destinée à héberger les palais royaux. J’y pénètre par l’imposante Porte du Midi, à ses pieds coule le canal Kim Thuy (rivière d’or) où indifférents à nos regards, vivent tranquillement de gros poissons rouges.
ì La porte du Midi (Ngo Môn) en forme de U, est surmontée
d’un superbe belvédère en bois de teck laqué peint. Ce dernier est couvert de
tuiles en porcelaine émaillée jaune (la couleur du roi) et bleues (celle des
mandarins) Le roi venait ici proclamer les décisions et les édits impériaux
face aux mandarins de la cour.
C’est de ce balcon que Bao Dai, le dernier
empereur, abdiqua le 30 aout l945. Le toit est orné de dragons, de feuilles de
banians et de chauve-souris. Au-dessus du pavillon, des salles aux
cloisons de bois étaient réservées à la reine et aux concubines du roi, elles
avaient la permission d’assister aux cérémonies, mais cachées derrière des
écrans ajourés, car nul n’avait le droit de les apercevoir.
Dans cette immense porte de 50m de large sur 27 m de long, ont été aménagées cinq voies de passages : l’entrée principale réservée au seul monarque, celles de gauche et de droite empruntés par les mandarins civils et militaires, les accès latéraux pour les éléphants, les chevaux et les soldats.
Et Chû de nous expliquer la différence entre les mandarins civils et militaires « Les civils sont plus importants, ils ont plus de pouvoir, on préférait la poésie et la littérature aux mathématiques, les civils donnaient des ordres aux militaires, ordres que ceux-ci devaient exécuter, les civils passaient par la porte gauche, les militaires par la droite »
ì Le palais Dien Tho, construit en 1804 c’était l’édifice le plus importance de la résidence de la mère du souverain en exercice. Il fait l’objet de nombreuses restaurations.
ì La maison Ta Tra, reliée par un couloir couvert au palais Dien Tho, servait de salle d’attente pour les personnes reçues en audience par l’impératrice mère. A l’origine en bois, il fut construit en béton vers 1927, mais gravement endommagé par la guerre en 1968 puis par un typhon en 1985.
ì Face à la Porte du Midi, se dresse le Palais de l’Harmonie suprême (Dien hai Hoa) un des plus remarquables palais de la Cité impériale. Cette vaste salle de 44 mètres de long, où se tenaient les cérémonies les plus importantes de l’Empire, telles que l’intronisation de l’empereur, là où ce dernier recevait ses invités de marque, est éblouissante de couleurs et de richesses. Murs et colonnes (80) en bois de teck laqué rouge et or, avec des motifs traditionnels tel que les nuages ou le dragon doré.
Sous un large dais finement ciselé est exposé le trône en bois laqué doré sur lequel montèrent les 13 empereurs de la dynastie Nguyen. Ce palais est magnifiquement restauré, il permet d’imaginer le faste des manifestations officielles qui s’y déroulaient.
Je suis
sincèrement désolée de ne pouvoir partager avec vous cette splendeur, mais les
photos y sont interdites, même de porter chapeaux et casquettes !
ci-contre, un
cliché récupéré sur Internet.
« D’après des images de ses livres
d’écoles, le roi, nous dit Chû s’habillait d’une pourpre tissée de
fils d’or, il était coiffé du chapeau aux neufs dragons et tenait dans une main
une boule de jade, dans l’autre des encens parfumés, il portait aussi une
ceinture en jade, une épée d’or »
Seuls les mandarins au rang le plus
élevé avaient le droit de pénétrer dans cette salle. Dans une pièce à l’arrière, une maquette permet
d’imaginer à quoi pouvait ressembler la Cité impériale avant qu’elle ne soit
partiellement détruite par les Français en 1947, puis par les Américains en
1968.
ì Voici le temple Dynastique (The Mieu) situé dans
le coin sud-ouest de la citadelle impériale. Ce temple édifié en 1822 sous le
règne de Mingh Mang est consacré au culte des rois Nguyen. Dix autels à la
mémoire des membres de la dynastie et de leurs épouses, sont dressés en alignement
dans la longue pièce. L’ornementation est d’un grand raffinement, on y voit
les portraits.
Là
encore, les photos sont interdites, on leur doit le respect, celle-ci-contre a
été prise de l’extérieur.
Chû raconte que certains empereurs n’ont pas leur autel, tel par exemple Hàm Nghi, (le 8ème) alors exilé et enterré en Algérie, car renversé par les autorités françaises. Le gouvernement vietnamien aimerait bien récupérer ses restes pour les transférer dans l’autel des ancêtres, mais jusqu’à aujourd’hui la famille s’y est opposé.
Ces 13 empereurs ont connu des destins bien différents, ainsi le 2ème : Mingh Mang, empereur bâtisseur, mais aussi très courtisan, n’avait-il pas une trentaine de femmes, plus un harem constitué de 300 concubines, d’ailleurs il est dit qu’il a eu 142 enfants. Ca ne devait pas être simple à y faire régner l’ordre, beaucoup de jalousies entre les femmes, d’ intrigues pour devenir favorites. C'était la reine-mère, (place extraordinaire) qui règnait sur ce harem, mais aussi réglait tous les conflits. Parmi ce beau monde, il y avaient des filles de la noblesse, qu’on appelait du 1er rang, destinées à de beaux mariages, mais aussi des filles du peuple, bien souvent enlevées de force à leur famille. Le 5ème (Tu Duc) assassina les catholiques, le 8ème (Hàm Nghi) qui avait du caractère, fomentera une révolte pour obtenir l’indépendance mais finalement ira en exil en Algérie, le 10ème (Thành Thái) n’avait que 10 ans lorsqu’il accéda au trône.
A Hué on pratique le culte des ancêtres, les descendants peuvent venir honorer la mémoire de leurs parents, par contre les empereurs ne sont pas inhumés dans la citadelle, chaqu’un d’eux a son propre tombeau, bien souvent à seulement quelques kilomètres de la ville, dans la vallée sacrée. Cette après-midi, nous devons visiter celui du sanguinaire Tu-Duc.
ì Tout à coté de ce temple, se dresse le Pavillon de la Splendeur à triple toiture (Hien Lam cac) construit en 1822 par Minh Mangh en hommage aux mandarins dont le dévouement avait permis à sa famille de retrouver son trône en 1802. Haut de 13 mètres, il est le plus élevé de tous les bâtiments de la citadelle et aucun édifice ne devait le dépasser en hauteur.
Chû nous en raconte l’histoire, mais notre attention est subitement attirée par ces six musiciens qui viennent d’apparaître, six mandarins qui, depuis les marches du Pavillon de la Splendeur, vont nous interpréter, pendant quelques minutes, un petit air de circonstance. Il me semble qu’ils renouvellent cette opération environ toutes les 20 minutes. C’est de bon cœur, que je vous offre ces minutes, suivies de l'explication de la fabrication des bâtonnets d'encens et des chapeaux côniques.
ì Devant ce
pavillon, trônent neuf urnes dynastiques (Cuu Dinh) en bronze,
fondues en 1835, de deux mètres de hauteur et pesant chacune environ 2 tonnes.
Elles correspondent pour la plupart à un autel du Temple dynastique et symbolisent
l’une des qualités de l’empereur qu’elles représentent. Celle du nom du
fondateur Gia Long est plus avancée.
En les détaillant, on pourra s’apercevoir que pas un seul des motifs sculptés sur le corps n’est reproduit deux fois. Chaque urne est ainsi décorée de 17 dessins évoquant les beautés du Vietnam. Elles rappellent l’importance des empereurs défunts dans le règne des vivants, Pourquoi 17 me direz-vous ? si l’on multiplie ce chiffre par 9 urnes, on obtient 153, et si l’on additionne ces chiffres entres-eux, on obtient encore…9 !
Nous franchissons la troisième enceinte, pénétrons donc dans la Cité pourpre et arrivons sur une esplanade. Ici s’élevaient autrefois une quarantaine de bâtiments, où résidaient l’empereur et sa famille, les concubines de haut rang, les servantes et les mandarins ennuques, où nul autre homme n’avait le droit de pénétrer. Cette cité de 10 ha fut construite entre 1802 et 1833. Rien ne subsiste du palais Can Chanh où le roi avait coutume de travailler, ni du palais Kien Trung qui servit de résidence au dernier empereur jusqu’en 1945. Ce dernier fut totalement détruit au cours des bombardements de 1947 et 1968.
Chû nous dirige maintenant vers l’Est, mais nous zappons le Pavillon de lecture, précédé d’un joli jardin arboré et d’une petite montagne artificielle au milieu d’un bassin. Ici le roi venait lire et se reposer.
ì Voici le théâtre royal, le plus vieux théâtre du Vietnam. Construit en bois en 1826 on y donnait des représentations d’Opéra. Aujourd’hui sa salle de spectacle accueille des représentations de nha nhac, une forme de musique de cour, musique reconnue par l’Unesco comme un chef-d’œuvre du patrimoine mondial culturel et immatériel. De 1960 à 1990 le collège des arts de Hué s’y était installé.
La visite de la citadelle Impériale est
maintenant terminée, alors nous sortons, mais par une autre porte :
La porte de l’Est (Cua Hien
Nhon) appelée aussi « Porte de l’Humanité »
celle-ci dévoile ses superbes mosaïques. C'est
l'une des quatre défenses construites par le roi Gia Long sur les quatre côtés
de la citadelle royale pour servir à l'observation et à la défense. Je suis désolée si certaines
photos du diaporama n’ont pas la légende détaillée, les plans (Michelin, Hachette)
notent les temples, parfois en français, parfois en vietnamien, ou encore en
anglais, quand ce n’est pas en langue poétique, de la littérature,
de la Longévité, de la Bravoure, etc… pour des temples qui peut-être
n’existent même plus. Bien compliqué de s’y retrouver ! Un dernier regard
sur le canal Kim Thuy (rivière d’Or) et ses poissons rouges, un petit coucou à l’immense porte que
j’aperçois au loin, et c’est le retour au bus. Dat nous y attend pour nous amener,
non loin de là, voir la pagode de la Dame
Céleste. A tout à l’heure ! ì L’ancien bâtiment du Trésor
royal, où étaient produits et entreposés
les objets de valeur de la cour, puis le jardin royal.
A l’angle de la citadelle, caché derrière la
haute enceinte, se trouve le temple Trieu construit
en 1804, consacré aux parents du seigneur Nguyen Hoang et encore plus au
sud : le temple des générations, dédié aux neufs générations
des seigneurs Nguyen, aujourd’hui très endommagé.