.                               La pagode de la Dame Céleste

                  rond006  Samedi 7 Décembre 2019. (suite)

            Pendant le court trajet qui nous mène de la citadelle à la Pagode de la Dame Céleste, Chû nous dit un mot sur ces eunuques, présences invisibles, mais pourtant indispensables aux cours impériales.

              « Parfois dans les familles pauvres, les parents sacrifiaient un de leurs jeunes garçons, la fortune que celle-ci obtenait, contre le jeune garçon castré, permettait bien souvent d’élever tous les autres enfants. Il arrivait aussi que cette castration fut un accident, car, il y a une centaine d’année, dans les villages de montagne, et ça je l’ai appris à l’école ! les garçons avaient l’habitude de se promener nus (Chû  crûment nous a dit « à poil !. »..) et d’après-vous, qu’est ce que les chiens faisaient, s’ils avaient par exemple mal aux dents !... Hé oui, messieurs-dames, vous comprenez pourquoi aujourd’hui au Vietnam, on mange du chien !.....   »



             ì La Pagode Thien Mu  (autrefois appelée la tour de Confucius par les Européens) (point N° 9 carte itinéraire)  la plus ancienne pagode de l’ancienne capitale impériale est le symbole de Hué. Bien endommagée lors des bombardements américains elle est aujourd’hui magnifiquement restaurée.

           La pagode est située  à une poignée de kilomètres de la citadelle, et bâtie aux pieds de la rivière des Parfums, au sommet de la petite colline Ha Khe, un lieu qui se prête bien à la méditation.
           Depuis le parking où nous a déposé Dat, pour y parvenir, grimper une quarantaine de marches est absolument inévitable.

           Le sanctuaire fut fondé par le seigneur  Nguyen Hoang, à un point de convergence d’influences bénéfiques, ainsi il réalisa ce que racontait la légende, mais sans doute espérait-il aussi faire fortune et prospérer. Mais que dit cette légende ?

                Autrefois, les paysans virent apparaître sur la colline, une vieille femme qui portait une robe rouge et un pantalon vert. Tout en brandissant une lanterne, elle affirma qu’un seigneur construirait une pagode à cet endroit favorable à une construction bouddhiste, que ce sanctuaire apporterait fortune et prospérité à ceux qui participeraient aux travaux, puis elle disparût.

             Le seigneur Nguyen Hoan, ayant entendu parler de cette légende, décida d’accomplir lui-même la prophétie, et  en 1601 fit élever la pagode, à laquelle il donna le nom de Thien Mu (Pagode de la Dame Céleste) Celle-ci, qui n’était alors qu’une structure simple sera agrandie et améliorée par ses successeurs, c’est ainsi qu’en 1695 Nguyen Phuc Chu ordonna que soit fondue une cloche géante et sacrée, elle est visible dans l’un des deux pavillons situés de chaque coté de la tour octogonale.  C’est également cet empereur qui fit dresser en 1714 :

             w  Une stèle en marbre, sur la carapace d’une tortue, sur cette stèle est gravée l’histoire de la pagode, la construction de ses divers  bâtiments,  quelques phrases faisant l’apologie de la philosophie bouddhique, ainsi que l’histoire du bonze Tchäch Liem à l’origine du bouddhisme.

             w  La tour de la Félicité (Thap Phuoc Duyen) de 21 mètres, composée de sept étages dont chaque niveau représentant Bouddha venu sur terre sous forme humaine, fut élevée en 1844 par Thieu Tri, à l’occasion de l’anniversaire de sa grand-mère.

          


            Allez on continue !  voici maintenant un porche percé de trois portes gardés par d’imposants personnages. Ce sont des génies, les six guerriers gardiens de la pagode, personnages en lesquels le Vietnamien croie,  génies bienfaisants ou malfaisants reconnaissables à l’expression de leurs visages. A l’arrivée du bouddhisme, les locaux ont mélangé les deux religions, si bien qu’on peut voir dans cette pagode, des représentations de génies, mais aussi des statues de bouddhas.

            La pensée du Vietnamien est influencée par ces deux génies qui sommeillent en lui, il sait que ses bonnes actions seront récompensées par le génie bienveillant, mais à l’inverse que ses bêtises peuvent fâcher le génie malveillant, qui peut provoquer maladie, accident de la route, mauvaise réincarnation……

            Nos pas, sur une allée carrelée bordée de belles pelouses vertes agrémentées de sapins, nous mènent au sanctuaire,  il est probable que nous ayions dû nous déchausser, c’est arrivé tant de fois que je ne me souviens plus des moments exacts.

            A l’entrée trône un superbe bouddha en cuivre protégé de tout cotés par une vitre, le bouddha rieur au très gros ventre. Pour le photographier, j’ai été moins inspirée que celui qui a réussi à prendre ce cliché, à moins qu’il n’ait trouvé un petit trou dans la vitre pour éviter l’effet miroir !  

          Sur l’autel j’aperçois trois bouddhas en cuivre doré : Amitabha, celui du passé, Sakamuni, l’historique, et Miatreya, celui de l’Avenir, la photo d’un moine, serait-ce celle du bonze Tchäch Liem qui a beaucoup œuvré pour le bouddhisme, à moins que ça ne soit celle du moine-martyr Thích Qung Đc ?  des tableaux,  des reliques, des bouquets de fleurs, un énorme gong en cuivre qu’à intervalles réguliers, un bonze viendra faire retentir. Au gauche un autel est consacré au bodhisattva Pho Hien, à droite, un autre est dédié au bodhisattva Van Thu  (un bodhisattva est un bouddha qui n’a pas encore atteint l’Eveil)

   

           Un peu plus loin, près des habitations des moines :

             w Voici une vieille automobile. Que peut bien faire cette voiture ainsi exposée dans ce local ouvert, dans un monastère ? Cette berline est le grand symbole du mouvement de protestation de la part des bonzes contre le gouvernement de Ngô Dinh Diêm, Diêm  qui alors, effectuait une grande discrimination à l’encontre des bouddhistes.

           Thích Qung Đc accompagné de deux autres moines est venu à Saigon depuis le monastère de Hué à bord de cette voiture et……………. Mais voici plutôt les faits racontés (raccourci) par un journaliste, celui qui a pris le cliché de cet homme s’auto-immolant.

             Le 10 juin 1963, en fin de matinée, arrive une voiture, une Austin Westminster de couleur bleu ciel, qui roule au pas, suivie d'environ trois-cent-cinquante moines et nonnes bouddhistes, répartis en deux colonnes. La procession s'est élancée d'une pagode proche. Ils portent des bannières, sur lesquelles ils dénoncent les persécutions que subissent les bouddhistes, et demandent au gouvernement de respecter les promesses faites en matière d'égalité religieuse..

           Le véhicule s'immobilise non loin du palais présidentiel. Trois moines en descendent, le 1er place un coussin au milieu de la rue, le 2nd  ouvre le coffre de la voiture d'où il retire un bidon rempli d'essence, le 3ème  Thích Qung Đc va calmement s'asseoir sur le coussin, en position du lotus, posture traditionnelle de méditation.

           Le moine lui asperge l'essence sur la tête, puis va rejoindre le cercle des processionnaires qui s'était formé autour de Đc, qui fait tourner entre ses doigts les grains de bois d'un chapelet, tout en prononçant : « Nam mô A Di Đà Pht ! (" Louange au bouddha Amitābha ! ") un court mantra que les bouddhistes utilisent pour calmer leur esprit.  Enfin, il craque une allumette qu'il laisse tomber sur lui-même. Sa robe et son corps s'enflamment. Un nuage de fumée noire se forme autour de lui et l'enveloppe.

           Quelques jours avant son geste, il avait rédigé le texte suivant (extrait) :

           « J'implore respectueusement le président Ngô Đình Dim de faire preuve de compassion auprès de tous les membres de la Nation, et d'instaurer le principe de l'égalité religieuse. Je demande aux moines et aux nonnes d'être solidaires entre eux et de tout faire pour protéger le bouddhisme »

           A coté de la voiture, j’aperçois un panneau explicatif vietnamien-anglais, la photo de cette immolation et celle de ce moine Tchich Quâng Dûc. Ce cliché d’auto-immolation fera le tour du monde, le sacrifice de ce moine n’aura pas été vain, puisque  le  gouvernement Diêm sera plus tard renversé, ce chef d’Etat finira même par être assassiné.

           Nous apercevons, très rapidement, trop rapidement… les petits  bonzes au crâne rasé, car ce monastère éduque les jeunes enfants, bien souvent ce sont des gamins dont les parents ne peuvent pas payer l’école qui n’est pas gratuite, quand ils ne sont pas complètement abandonnés. Ici un règlement strict doit être suivi, comme de ne pas voler, ne pas boire d’alcool, ne pas passer tout son temps sur les jeux vidéos, ni sur son téléphone portable.

           Sur les murs un panneau donne les horaires de la journée, et je puis vous assurer que ce n’est pas du gâteau : 3h30 : prière, 4h : gymnastique, 5h30 : petit déjeuner, 6h : prière, 7h30 : études, 10h45 : déjeuner, 12h : sieste, 14h : études, 16h : gymnastique, 17h : dîner, 18h : temps libre, 19h : études, 19h30 : prière, 21h30 : coucher.

           A l’arrière de la pagode s’étire un grand jardin planté de bonsaïs, Chû nous explique  comment ces arbres ont des branches aux formes si curieuses, et pourquoi on leur voit les racines.

         « Nous utilisons un fil de métal pour maintenir les branches, on ne retire  celui-ci que lorsque ces branches ont forci. C’est comme pour l’éducation des enfants, dit-il, il faut le faire lorsqu’ils sont jeunes…… Pour les racines, ne plantez pas en pleine terre, mais faites une dune, et chaque jour, vous enlevez un peu de la terre pour que la racine s’habitue à l’air, c’est comme ça que mon père fait ! » 

            La visite de la pagode de la dame céleste est terminée,son emplacement au bord de la rivière la rend facilement accessible par les nombreux « bateaux-dragons » C’est donc à bord d’un de ceux-ci que nous prenons place pour rejoindre la maison où il est prévu d'y déjeuner.

            L’accès à ce bateau n’est pas aisé, il me faut marcher sur une planche posée à la fois sur les marches du débarcadère et à la fois sur celles du bateau, à espérer que je n’ai pas d’arthrose, ni que je souffre d’un manque d’équilibre, car il n’y a aucune rambarde. Oui je l'accorde j’exagère un peu ! car les marins et Chû sont à nos petits soins pour nous aider à passer ce cap dangereux ! vaut mieux, sinon c'est plouf.... dans la Rivière aux Parfums !...

   

           Cette petite balade d’à peine une heure en sampan, sur cette rivière dotée d'un nom poétique, ne m’aura pas laissé un souvenir impérissable. Si ce n’était que ça bouge, on se serait cru dans une boutique de fripes.

           Le bateau est grand, assis sur de simples chaises, nous l’avons pour nous seuls, mais nous aurons de l’occupation pendant le trajet, car il y a du choix : tee-shirts, robes vietnamiennes,  chapeaux coniques, peintures, bijoux, bateaux d’encens, cartes postales, artisanat de toutes sortes que les marchandes n’hésitent pas à déballer. Ca ne serait pas un attrape-touriste, ça ! cependant contrairement à la balade en barque lors de la baie d’Halong terrestre, vous n’êtes pas pris au piège, il est facile de n’acquérir que ce qui vous intéresse, voir rien du tout !

            Sur la rivière, nous croisons des sampans remplis de sable,  les berges dévoilent la vie locale, ici c’est un petit hameau, là un bel escalier de pierre qui du rivage, mène au bord de l’eau.

            C’est d’ailleurs dans un de ces hameaux que nous débarquons pour déjeuner « chez l’habitant » dans la maison au bord de la rivière de Nha Dan Lói Sen. Nous ne sommes que nous et c’est très bon et recherché :  Salade de figues aux cacahuètes avec oignons, basilique, menthe, crevettes, accompagnée des indispensables galettes de riz - crêpes avec viande de porc, cumin, pousses de soja - oeufs de caille - bœuf à l’oignon, riz et crevettes, un fruit exotique en dessert.


   

         Le dîner terminé, nous récupérons Dat et son bus qui vont nous amener découvrir le tombeau de l’empereur Tu Duc, situé  dans la vallée sacrée de Hué.

        A tout à l’heure                 

          Tombeau Tu Duc