Samedi 7 Décembre 2019.
(suite)
Tu Duc est
né en 1829, il est le 4ème empereur de la dynastie Nguyen et l’arrière
petit-fils du fondateur. Cet homme peut-être passionné de poésie, n’a-t-il pas
écrit plus de 1600 poèmes ! n’est pas pour autant un enfant de chœur. Fils
cadet du roi Thieu Tri, il n’aurait normalement pas dû accéder au trône,
mais son frère ainé n’était pas, au goût de son père, assez intelligent. Sa
désignation comme successeur sur le trône impérial entraîna une guerre avec
le prince Hô Quang. A la mort de son père en 1848, à même pas 20 ans, à peine
fût-il monté sur le trône qu’il extermina son frère et tous ceux qui avaient
comploté contre lui, bon début de règne !...
Mais ses ennuis ne s’arrêtèrent pas là, car quoiqu’il eut 103
femmes, il ne put jamais avoir d’enfants, une variole contractée enfant parait-il.
Frustré de ne pas avoir de descendants, il choisit d’adopter trois neveux, il y
en aura bien un parmi eux pour lui succéder, pense-t-il ! mais ces trois
garçons, les uns après les autres mourront, soit de maladie, soit plus
probablement assassinés par les mandarins. Triste sire !..
Le règne de cet empereur a signé la fin de l’autonomie vietnamienne, en effet il fut le dernier empereur indépendant, c’est lui qui dû concéder une partie de son pays aux autorités françaises. Mais comment telle chose a-t-elle pu se produire ? Tu’Duc qui s’opposait fortement au christianisme condamna à mort deux missionnaires jésuites qu’il accusait d’avoir participé au complot contre son accès au trône, ce qui entraîna une riposte de Napoléon lll en 1858, tout juste dix ans après son début de règne. L’empereur français qui voulait mette fin aux persécutions des chrétiens au Anman attaqua alors le pays.
« Nous n’avions pas les moyens de nous battre contre vos armes modernes, contre vos canons, aussi Tu’Duc a dû laisser une partie du delta du Mékong et le Sud du Vietnam aux assaillants, c’est beaucoup de malheur ! » nous dit-Chû. Cette annexion du Sud du pays par les Français deviendra la Cochinchine française.
C’est de son vivant, durant son règne qui dura trente-cinq ans, de 1847 à 1883 que Tu’Duc décida d’élever son propre mausolée (Point N° 10 carte itinéraire) Pour cela, et voulant en profiter un maximum, n’était-il pas en bonne forme, lorsqu’il prit cette décision ! il le fit bâtir sur le domaine de Khiêm (signifiant modestie) dans une forêt de pins à quelques kilomètres de la citadelle de Hué. Ce tombeau l’un des mausolées impériaux parmi les plus impressionnants de la cité, a été aménagé, dans un cadre agréable, en terrasses, stèles, tombes, pavillons, temple, on y trouve même un théâtre parmi les arbres sur les rives de lacs. (Ci-contre, vue aérienne, le tombeau est indiqué par la flèche rouge)
Cet homme, qui s’adonnait tous les jours à la
littérature, conçut ce mausolée comme un véritable parc d’agrément pour sa vie
éternelle. Il avait confié ce projet à deux mandarins en leur demandant de
faire ce travail en 6 ans, mais ceux-ci corrompus rassemblèrent 6000 ouvriers,
au lieu des 3000 demandés par l’Empereur, et toujours pour diminuer le temps de
construction, n’hésitèrent à demander aux ouvriers des conditions de travail
surhumaines. Mais à trop tirer sur la corde, elle se casse, n’est-ce pas !….
car les ouvriers se révoltèrent, tuèrent les mandarins, on appela cette
révolte, la « révolte des pelles »
Tu’Duc, voulait appeler
ce site « Palais de l’éternité »’ mais ce nom ayant subi de
violentes critiques de la part des intellectuels suite aux révoltes des
ouvriers, révoltes réprimées dans un bain de sang, il sera changé en « Palais
de la Modestie »
L’un d’eux a osé écrire ces vers: " Quelle sorte d'éternité est cette éternité ? Ses murs sont construits d'os de soldats, ses fossés sont remplis du sang du peuple.....". J’espère pour cet homme que ces paroles ne lui auront pas valu la peine de mort, sentence courante lorsqu’on osait s’attaquer au roi, surtout par le biais de poèmes !
Cette construction entourée d’une enceinte de plus de 1500 mètres fut exécutée entre 1864 et 1867, le roi s’en servait comme résidence de compagne où il aimait se reposer en compagnie de ses épouses et concubines, mais aussi pour oublier ses soucis, notamment lors des périodes de troubles politiques, tel par exemple, que l’abandon de l’essentiel de sa souveraineté aux Français. Il aimait lire ou composer des poèmes au bord du lac Luu Khiem qui fut creusé dans un ruisseau, mais aussi chassait dans les environs et naviguait sur les lacs et les étangs artificiels.
Le pittoresque site, se compose d’un lac, d’un îlot, de vastes jardins et de 50 constructions architecturales qui sont répartis sur 12 ha. Depuis la porte d’entrée (Vu Khiêm) je marche en longeant le lac, lorsque j’aperçois un pavillon construit sur pilotis :
ì Le pavillon d’agrément Xung Khiem qui se mire
dans les eaux du lac, s’y s’épanouissent principalement des poissons rouges et
des nénuphars, Que le toit magnifiquement restauré est splendide, avec à son
faitage de sculptures de dragons, de licorne, alliant dentelle et couleurs
vives !
Depuis le pavillon Dû Khiêm, joli belvédère construit au bord de l’eau, je me régale de ce somptueux paysage. Quelle sensation d’apaisement j’éprouve à ce moment là, la couleur orangée des tuiles des toits restaurés, ainsi que la fraiche peinture du même ton pastel des murs des palais, des balustrades ajourées, tranchent avec les charpentes en bois sculpté et l’eau des lacs et bassins, c’est à mon avis, superbe ! A cet instant ne manqueraient à mon bonheur que les rayons rougeoyants d‘un soleil couchant. Le lieu est d’un calme ! faut dire aussi que nous sommes très peu nombreux, cela me change des sites visités en Chine où je pouvais perdre de vue le guide en moins de deux, alors là j’en profite !
Vous n’y avez pas reconnu une des scènes du film culte Indochine ? alors vite, allez le (re)voir ! vous y apercevrez peut-être Eliane et Camille, sa fille adoptive vietnamienne, penchées sur les rambardes de ce pavillon.
Cette fraction du mausolée fait partie du monde des vivants (parc, palais, temples et édifices de loisirs) Une allée, puis une volée de marches de granit clair conduisent à une esplanade sur laquelle a été édifiée :
ì Le temple de Hoa Khiêm, qui comme toujours dans les temples impériaux, possède trois entrées, celle du centre pour le roi, et les deux latérales pour les mandarins. Ce temple qui était autrefois le lieu de travail du roi est aujourd’hui un petit musée renfermant des objets ayant appartenu à Tu’Duc et sa famille (horloges, vases…) J’y vois aussi des tablettes funéraires ainsi qu’une boite vitrée pour les offrandes.
Au
centre du temple voici le trône, mais celui-ci est occupé. Tiens donc, le
Vietnam aurait-il un nouveau roi, que je ne le saurais pas ! car un homme
assis, habillé en tenue d’époque prend la pose. Il nous avouera plus tard, car c’est
un français voyageant seul, que nous rencontrons « Etre habillé ainsi,
couvert d’habits d’or, lui a donné la sensation d’un grand pouvoir » « Vous
voudriez-bien vous prosterner ? » ah ! ah ! ah ! ce
que nous faisons avec grand plaisir….
A coté, une boutique vous propose le
cliché souvenir.
Derrière le temple de Hoa Khiêm, se trouve celui de :
ì Luong Khiem, en brique gris qui abritait les appartements privés de l’empereur, il sera dédié au culte de la reine-mère Tu Du. J’arrive sur une autre esplanade :
ì La cour des salutations, celle-ci est bordée d’une végétation luxuriante de frangipaniers, de jaquiers, et de longaniers. De chaque coté j’aperçois les statues de quatre mandarins, deux civils cachant un parchemin dans leurs larges manches, deux militaires, et de leurs montures : un cheval et un éléphant. Ces mandarins sont là pour garder le tombeau, ils protègent le monde des morts qu’ils gouvernent. Je remarque la petitesse de ces statues, c’est, paraît-il par rapport à la taille du roi (1,45m) encore un geste de mansuétude pour cet empereur qui pourtant n’avait cure de son peuple.
Un peu plus loin, j’entre dans !
ì Le théâtre Minh Khiem Duong construit en 1866 tout en bois, car Tu’Duc, cet empereur cruel mais malgré tout romantique, aimait les spectacles que donnaient ses concubines, pour le divertir. On y voit encore le balcon où prenait place le monarque pour assister aux représentations. J’aperçois sur les murs extérieurs de jolies peintures, un dragon et une licorne bien sûr !
Juste après la cour d’honneur, après encore quelques marches j’arrive à la zone du culte.
Après le franchissement d’une nouvelle enceinte en empruntant une superbe porte, voici la zone des tombeaux :
ì Le mausolée de l’impératrice Lê Thien Anh (la première épouse de Tu Duc) et celui de l’empereur Kien Phuc, (1883) neveu et fils adoptif de Tu Dùc qui ne régna que sept mois, à l’âge de quinze ans. Le tombeau est endommagé, mais à proximité un beau temple restauré lui rend hommage.
De là je contourne un bassin creusé en croissant de lune, pourquoi un bassin ici ? peut-être pour que l’âme du défunt se baigne ! puis je franchis une nouvelle porte et je me trouve enfin devant :
ì Le tombeau de l’empereur. Pourquoi celui-ci est-il
ainsi tant en retrait ? les murs de cette ultime enceinte font paravent,
ils protègent le défunt des mauvais esprits. Comparé à tout le faste des palais
que je viens de découvrir, voir ainsi cette tombe, (Buu Thanh) simple bloc de granit me laisse une
impression étrange, tant celui-ci est d’une étonnante sobriété.
Je refais le chemin en sens inverse, franchis les enceintes les unes après les autres, profite du moment présent, de toutes ces merveilles, tant ces couleurs orangées m’enchantent.
De retour au pavillon de la Stèle, Chû désire prendre une photo de son groupe et c’est alors qu’un petit…..miracle se produit, notre français, le roi d’un court instant, passe à ce moment précis, il acceptera de bon cœur de prendre quelques appareils photo, c’est ainsi que Chû pose avec nous tous. Merci bel inconnu !
Et nous reprenons la route avec Dat, mais celui-ci va s’arrêter très bientôt, car la région s’est spécialisée dans la confection de bâtonnets d’encens et de chapeaux coniques, d’ailleurs, tout au long de la route, on peut y voir des échoppes. Chû désire nous faire découvrir le travail minutieux de ces femmes, l’endroit où il nous amène ne manque pas de charme, car la boutique se nomme : « Charme de Maman »
« On réalise
une pâte avec de la sciure de bois, de l’eau, de la colle végétale faite avec
la sève des écorces, cette pâte est étalée sur un plan incliné. Dans des petits
pots se trouvent des fleurs séchées, écrasées en poudre, telles que celles du
frangipanier, du santal, du jasmin, de l’eucalyptus. La jeune femme, avec une
sorte de truelle en bois accroche la pâte parfumée au bâtonnet, les couleurs sont
variables selon les senteurs. Chaque bâtonnet peut bruler pendant 20 à 30
minutes. Elle fait ainsi 2000 bâtonnets par jour. Un paquet de 100 bâtonnets
coûte 10000 dongs, soit 4 euros. »
Dans la même pièce, on s’approche d’une femme qui, assise par terre, confectionne le chapeau conique.
« On utilise des feuilles de latanier, qui sont aplaties à l’aide d’une pièce métallique chauffée. La charpente est traditionnellement constituée de 16 cerceaux. Une première couche de feuilles est posée sur les cerceaux, puis cousue à la main. Des motifs de décoration (la pagode de la dame céleste, le pont Georges Clémenceau, des amoureux, des poèmes de l’empereur) sont alors déposés. Puis on remet une seconde couche de feuilles, rendant les motifs invisibles, mais regardez en transparence ! Vous ne trouverez nulle part ailleurs des chapeaux faits ainsi. Pour les rendre imperméables, ils sont vernis avec de la sève de pin »
« Pour mettre dans votre chambre, avec une ampoule » nous préconise Chû, en bon commercial ! Si vous voulez revoir la vidéo qui, en quelques minutes, montre ces fabrications, c’est ici.
« Ces chapeaux sont résistants, ils servent
pour les femmes à travailler dans les champs lorsqu’il fait chaud, ou
lorsqu’une jeune fille passe devant la maison communale, et qu’elle doit se cacher
la figure devant les garçons »
Arrivés à
l’hôtel DUY TAN ll de Hué, Chù nous offre son apéritif maison, geste sympa de
sa part, il n’y est pas obligé !
Il distribue à tous un petit papier, il y aura
forcément un gagnant, un roi ou une reine ! Grand moment de suspense, car
nous devons déplier le papier ensemble et c’est Martine qui s’y colle, Martine,
peut-être la femme la plus discrète d’entres-nous ! Mais, avait dit Chû,
celui qui est désigné roi peut soit… choisir sa reine, soit… abdiquer en faveur
d’un de ses mandarins, qui lui ne peut refuser !... Cruel dilemme, que
va faire Martine ? quoiqu’on s’était mis d’accord pour désigner Laetitia
ou Marc, nos tout fraîchement mariés, et c’est ce qui fut fait.
Ce repas où nous sommes tous costumés, Laetitia en reine et Marc en roi, nous
autres en mandarins se déroule au Banana Flower de Hué. Arrivés à
celui-ci, nous sommes surpris, les terrasses des cafés débordent, il y a même
des tables sur la rue, la raison en est le football retransmis sur les postes
de télévision, et le Vietnam est en demi-finale, qualification qu’il avait
obtenu mardi dernier, vous vous en souvenez, lorsque nous étions sur le bateau
en baie d’Halong !
L’ambiance est sympa, Laetitia et Marc dînent à part sur une table surélevée
accompagnés des mandarins qui seront à leurs cotés. Les musiciens nous interprètent
quelques morceaux de ce répertoire de cour royale, sympa ils terminent par « ce
n’est qu’un au-revoir » oui, je sais que ce morceau est un peu plus récent
!
De temps à autre, une clameur nous vient de l’extérieur, c’est certain le
Vietnam a dû marquer un buuuut…
Ci-dessous, court montage de 3 minutes :
Chû s’appliquera à appeler les serveuses « petits mollets » car à l’époque féodale, les filles cherchaient par tous les moyens à avoir de petits pieds et la peau blanche. Pour une fille, c’est un critère de bonne place dans la société, voir un signe de noblesse.
« Ma mère qui travaille dans les rizières, a la peau basanée à cause du soleil, marchant dans la boue, elle a de gros pieds » « Vous savez pourquoi les asiatiques, quand elles viennent chez vous tiennent un parapluie ? c’est pour que leur peau reste blanche, comme c’était le cas des princesses, à l’époque. Même en milieu paysan, les femmes aux champs tentent de se préserver du soleil en portant des chemisiers à manches longues, des gants, un chapeau conique et en s'enveloppant la tête dans une serviette. »
Ces serveuses revêtues de l’habit traditionnel, vont nous offrir en apéritif, une dose de l’alcool fait exprès pour le roi Ming Mang, le 2ème de la dynastie, vous savez celui qui a eu 142 enfants !
« A l’époque, ce roi a ordonné à ses médecins de chercher les plantes médicinales qui macérées dans l’alcool de riz, lui renforcerait l’énergie, lui donnerait de la puissance, un peu comme le Viagra d’aujourd’hui »
Le repas est très bon, avec de la recherche dans la présentation, telle cette carotte en forme de cygne royal, ou encore en fleur de lotus.
Des photos sont proposées à tout va, soit par couple, soit avec les roi et reine, soit tout le groupe, etc… N’est-ce pas qu’on est beaux, mais ça clinque !
Lorsque nous sortons du restaurant, la ville
piétonne s’est vidée, et pourtant le Vietnam s’est qualifié en finale c’est
certain que ce n’est pas la même frénésie que chez nous, qui les anime.
Accompagnée de Cécile, je pars faire une petite promenade en ville, et la première
chose que nous voyons est un grand drapeau breton accroché sur le mur d’un bar.
Nous sommes à cet instant avec Françoise et Gilles, des purs bretons, le patron
qui est de Saint-Nazaire, à seulement 20 kms de chez moi,
vient prendre la pose. Au Vietnam la Loire-Atlantique serait donc considérée comme être en Bretagne !!!
Après une petite discussion sympa, nous continuons et c’est sans encombre, mais
n’avais-je pas laissé Cécile gérer l’itinéraire ….
que nous retrouvons nos
chambres respectives.
Demain, nous partirons de bonne heure, car l’entrée
de la ville de Hoï An, classée au patrimoine Mondial de l’Unesco est soumise,
notamment pour les bus, à une réglementation.
 Chû nous prédit un peu de pluie, disons plutôt qu'il a consulté le site météo,
opération rendue possible depuis que Jacques Chirac ai fait don en 1997 d'un satellite.
Mais il gèrera, nous assure-t-il. « On visitera l’intérieur des maisons
lorsque tombera l’averse »
Alors tout va bien !
Sur ce je vous souhaite bonne nuit
A demain !