Rodefjord (Le fjord Rouge)

Scoresby Sund – Seconde  journée.

           * Dimanche 16 Septembre 2018  Ce matin, drriiinngg.. c’est dès 5H45  que Jonathan fait lever ses troupes, et après un petit déjeuner pris sur le pouce au bar, me voilà, le jour pas encore levé, habillée, harnachée… prête à prendre place dans le zodiac, l’Ortelius s’étant amarré dans le fjord rouge (point N° 14 carte itinéraire) une des innombrables ramifications du Scoresby Sund. Pauvres matelots qui de si bonne heure, ont dû mettre à l’eau cette douzaine d’ embarcations !

           Mais  c’est que la neige tombe !  ce n’est même pas un temps à mettre un chien dehors et pourtant j’y vais, j’y courre même  ! l’ambiance est polaire, le plafond très nuageux est bas, pas spécialement de bon augure pour profiter d’une belle journée ensoleillée comme ce fut le cas hier, mais quel spectacle de pouvoir admirer ce camaïeu de gris, bleu et blanc.  

           N’a-t-il pas fière allure, l’Ortelius ainsi illuminé !

           Nos guides nous amènent le long d’un cimetière d’icebergs, logé entre la côte et l’île rouge. Vous vous souvenez ce qu’est un cimetière d’iceberg ! ce sont des icebergs qui se sont fait piéger au fond des baies et qui n’ont pu aller dériver dans la mer, au gré des courants. Ils ne sont pas d’une taille gigantesque et s’agglutinent les uns à coté des autres.


 

  

         Que voie-je au loin, ici des lumières ! je n’ai pourtant pas la berlue, mais non !...transperçant la semi-obscurité, en nous approchant nous les apercevons nettement.

          Situation tout aussi improbable qu’imprévue, deux yachts ont choisi de passer la nuit dans ce coin retiré du monde mais abrité des vents. J’imagine sans peine la stupeur de leurs occupants lorsqu’ils ont vu arriver vers eux, a à peine 7 heures du matin, 11 zodiacs remplis de touristes frigorifiés, des Hollandais semble-t-il !

          Comme chaque matin depuis que le monde existe, mais aujourd’hui c’est timidement  que le jour se lève, dommage que les nuages ne l’ont pas accompagné, car c’est sous un ciel plombé que nous continuons notre navigation au milieu de ces petits icebergs.

         Les moteurs arrêtés, nous observons une minute de silence, une sorte de communion avec cette immensité, et respirons cet air pur et frais, même très frais car les températures sont à cet instant négatives, air vivifiant qui réveille.

         A présent nous approchons et longeons une  roche sédimentaire rouge, d’où le nom du fjord, lorsque nous y rencontrons à deux reprises une formation géologique unique, d’abord ce morceau de basalte d'environ 1m de large, coincé entre deux roches, et plus loin une sorte de galette gris foncé qui semble détachée de la roche, mais ce n’est qu’une illusion, car dans les profondeurs de la mer, ces deux roches sont bien reliées. Ce sont des intrusions de basalte cristallisés sous forme de colonnes.

     

         Après avoir passé une bonne heure assis dans les zodiacs, il est temps de se réchauffer et de se dégourdir les jambes, ordre est alors donné de débarquer sur une plage de l’île rouge. Celle-ci se trouve à l’Ouest de la terre de Milne dans le Föhn fjord.

        Ce qui est curieux, c’est de trouver sous ces latitudes une végétation si luxuriante, mais aujourd’hui ça sera sous une fine couche de neige !

    

        Cette promenade matinale, voir très matinale, au grand air, m’a ouvert l’appétit, et c’est avec grand plaisir que je m’offre un vrai petit déjeuner à 9h30.

         L’Ortelius a repris sa navigation dans ces superbes fjords, il prévoit aller à l’île Danemark, ainsi nommée par un explorateur danois à la fin du 19ème siècle. Pour ce faire, il a continué à contourner la terre de Milne, qui à présent se trouve au Nord du fjord.

        Ne voulant pas  perdre une miette de ce superbe paysage, je suis accoudée à l’un des ponts quand survient un trois-mâts : c’est le « Rembrandt » qui passe la saison dans le Scoresby bund avec 22 passagers à bord. Il appartient à la même compagnie : Océanwide,  il va accoster et probablement se ravitailler, mais  on nous interdit l’accès au pont, cause sécurité sans doute.


        De toute façon, c’est à cet instant qu’Elizabeth décide de nous faire débarquer pour la seconde fois de la journée, il est à peine 15h. Celui-ci a lieu sur l’île Danemark, au sud de la terre de Milne.




          



         J’y observe, sous l’œil expert de Louise, la guide spécialiste de la flore, de la potentille, de l’orpin rose, de la bistorte, de la dryade à huit pétales….





   

    

           Le blanc étincelant de la neige tassée qui épouse le creux des cailloux contraste joliment avec la roche grise, le saule nain et l’airelle des marais qui tapissent ces rochers. L’eau, bleue et limpide et cette toundra si colorée, typique du Groenland offrent un superbe contraste.

     

           La balade sur ces rochers nous permet de découvrir des sites archéologiques révélant les traces des ancêtres des Inuits, appartenant à la culture Thulé.

      Ce sont des cercles de pierres qui délimitaient les emplacements des tentes érigées par ce peuple.

         Ce fut ardu de marcher sur ces rochers, car on ne voit pas forcément ces cairns, pour nous ce ne sont que des pierres au milieu de d’autres pierres ! et le Groenland étant une zone protégée, il n’est pas question d’y mettre une quelconque pancarte.

          Mais Manon veille, et quoiqu’elle n’ai pas de sifflet, elle rappelle à l’ordre quiconque marcherait au milieu de ce cairn au lieu de le contourner, oh sacrilège !  un peu de respect voyons !

        Le panorama avec les montagnes enneigées et la toundra riche et colorée est superbe.

    

         18h30 déjà ! J’ai tout juste le temps d’enlever toutes ces couches de vêtements que le récapitulatif est annoncé. Anaïd nous parle de mini prédateurs marins bioluminescents (jamais entendu parler de ces bêtes là, et pourtant elles existent bien !)

          C’est dans les abysses de la mer, là où la lumière du soleil ne parvient pas (4000m) qu’au moins 80% des espèces marines, telles par exemple les méduses, sont pourvues de loupiotes internes ou externes, d’où le nom de  bioluminescentes, quand aux vers marins, on les trouve entre 1500 et 2250 m, Cette bioluminescence joue divers rôles : communiquer avec les congénères, tromper ou effrayer les prédateurs, se camoufler, etc…

         Louise met un nom sur les plantes arctiques que nous avons pu voir. Contrairement à l'idée que je m'en étais faite, il y a de nombreuses espèces sur ces terres glacées, pas moins de 400. Et dit-elle, lors de notre sortie nous avons dû en voir près d'une vingtaine. Puis elle explique  l’origine de cette intrusion de basalte si originale.

         L’intrusion est un phénomène géologique qui trouve ses origines dans le sous-sol du Groenland. Sous nos pieds, il y a un volcan, et sa lave en fusion, le magma, a remonté, lors de nombreuses éruptions, à travers une faille dans la roche sédimentaire plus friable. Au contact de l'air froid, ce magma s'est cristallisé.

          Puis Jonathan, comme chaque jour, annonce  le programme à venir, celui du dernier jour a passer sur l’Ortelius : la visite du village inuit d’Ittoqqortoormitt, mais que !... si les conditions météorologiques le permettent, car il y est prévu une forte houle rendant le débarquement potentiellement dangereux : le cocktail du président qui sera avancé, car  l’avis de tempête étant maintenu pour la traversée Groenland-Islande, il craint qu’en fin d’après-midi, il n’y ait pas grand monde au bar  tiens donc, et pourquoi !...  et qu’enfin nous pouvons commencer à préparer nos valises.

         Il n’y a plus qu’à souhaiter QUE !….
          Bonne nuit  à demain

          Ittoqqortoormitt