Mercredi 5 Septembre. 15h45. Après la sympathique découverte
de la vallée de l’Advendt, me voici arrivée au pied de l’Ortelius. Je vais
emprunter pour la première fois cette échelle de coupée qui fera, dès demain,
partie intégrante de mes aventures. D’ors et déjà, je dois passer par le pédicule,
tremper la semelle de mes chaussures et les brosser à l’aide d’un système
artisanal mais néanmoins efficace.
Mon bagage ayant été amené à ma cabine, je
m’y rends donc directement, avec tout de même une pointe d’appréhension, qui
est donc Marie-Madeleine, qui va partager mon univers pendant 15 jours ? car
je n’ai pas encore eu l’occasion de faire sa connaissance, Marie-Madeleine qu’
Elizabeth a l’air de très bien connaître ! Comment
vais-je gérer le choix du lit, à droite, à gauche ? finalement je n’aurais
pas eu, ni à me poser la question, ni à imposer mon choix, car Marie-Madeleine
grande habituée de ce croisiériste, et inscrite pour ce voyage que depuis quelques
jours !... a zappé la visite de Longyearbyen, qu’elle connaît comme sa
poche et s’est tout bonnement installée pendant mon absence (lit sous la
fenêtre) Voilà ca… c’est fait !...
Ma cabine est la 525 coté bâbord (gauche) pratiquement au milieu
du bateau. Son emplacement est très intéressant, car les conférences auront
lieu au pont 6, et le restaurant est lui situé au pont 4. Elle dispose de deux
fenêtres, d’un bac à douche, d’un wc, d’un placard où j’y trouve un
sèche-cheveux, ainsi qu'une penderie avec étagères et porte-manteau et 6 ou 7 prises de courant.
A peine mon bagage vidé,
j’ai rendez-vous au pont 3, à la salle de conférence, gentiment appelée
« la chapelle » par les habitués, car je l’apprendrais au fur et à
mesure que le voyage avance, pour beaucoup c’est la 2ème, voir 3ème
et même 4ème croisière avec Grands Espaces, ce qui me donne à penser
que le niveau de vie de la plupart de ces voyageurs doit être confortable, plus
que le mien en tout cas ! A la Chapelle, les différents guides se
présentent et nous donnent les informations nécessaires pour que cette
croisière se passe au mieux pour chacun.
C’est Jonathan, le chef d’expédition qui
prend la parole, remplaçant de dernière minute de Christian
Kempf. Kempf le grand connaisseur des immensités polaires, qui sillonne ces contrées
depuis 40 ans et est à l’origine de ces croisières-expéditions.
Jonathan nous fait tout d’abord part de ses états de service pour nous mettre en confiance, puis nous explique le plan du bateau, où se trouve le bar, le restaurant, l’infirmerie, comment grâce aux deux escaliers retrouver facilement sa cabine, et nous dit : « Rien ne pourra vous autoriser à rentrer chez vous, pas même un décès ! » Il nous présente Alain, le médecin-urgentiste, nous donne même son numéro de cabine, « A n’utiliser qu’en cas d’extrême urgence, ne pas venir me déranger en pleine nuit pour un mal de mer » répond avec humour ce-dit Alain.
Elizabeth, coordinatrice de la
croisière, véritable chef d’orchestre, répond à la question posée par plusieurs
d’entres-nous « Aura-t-on Internet ? » Non, répond-elle !
pourtant dans la rubrique « téléphone » annotée sur le carnet reçu quelques
jours avant le départ, le bateau déclarait disposer partout d’un wifi ???
La réception de l’Ortelius propose l’achat d’une boite mail, valable le temps
passé sur le bateau, mais il sera impossible d’envoyer des photos, coût de
celle-ci : 25 €. Je prends cette connexion au plus tôt, et vais faire part
à mon entourage de cette adresse mail, pour le moins curieuse (prénom @ suivi
du nom du bateau) Dans l’ensemble, elle a l’air de bien fonctionner, très peu
de messages sont passés au travers, même en plein milieu de la longue traversée
Spitzberg-Groenland.
Jonathan nous fait part des consignes
de sécurité à respecter pour ne pas s’accidenter bêtement sur le bateau, quoi faire si un homme tombe à la mer ainsi
que les recommandations pour les sorties en zodiac : se vêtir très
chaudement quitte à enfiler plusieurs couches de vêtements, avoir les mains totalement
libres, se tenir des deux mains à la barre de cette échelle de coupée, et au
moment d’accéder au zodiac, se tenir à notre guide selon le « bras du marin »
Cette expression consiste non pas à se prendre la main, mais l’avant-bras, ce
qui donne une plus grande sécurité.
Il nous parle aussi de nos randonnées sur terre, d'une rarrissisme mais néanmoins
possibilité de se retrouver face à face avec l'Oooouuurs, comment gérer cette situation ! ne jamais chercher à fuir
individuellement, mais rester groupés derrière nos guides qui, eux, seront armés. Ca donne un peu le frisson, tout ça !
Autre mesure de sécurité dont
nous ne mettrons pas longtemps à en acquérir l’automatisme : en quittant
le navire, il nous faudra scanner notre clé magnétique et faire la même
opération au retour, Elizabeth saura ainsi que tout le monde a bien réintégré
le navire. Ce badge personnel est accroché à un porte-clé que je pourrais fixer
à ma fermeture éclair d’anorak, l’élastique permet de le scanner sans devoir le
décrocher, astucieux… Y aura plus qu’à !...
On nous explique aussi comment faire, si le signal
d’alarme d’abandon du navire retentit (sept brèves sonneries, puis une longue) et ils le font retentir les
bougres…… de quoi me filer la chair de poule ! se couvrir chaudement, prendre ses
médicaments, mettre ses bottes, enfiler sa brassière de sécurité, posée dans un
placard dans la cabine, et rejoindre le canot de survie dont le numéro (1 ou 2)
est inscrit sur le badge personnel. Cet exercice est obligatoire pour tous,
même pour Marie-Madeleine qui pourtant, avec toutes ses croisières vécues connaît
toutes ces procédures.
Dans la cabine, je découvre quelques cadeaux : une gourde en
plastique recyclable au nom d’Oceanwide, compartimentée, un carnet de notes,
un beau livre sur le NE du Groenland,
écrit par le grand maître de
ces croisières : Christian Kempf, un sac à dos flashi… étanche pour y
mettre entres-autres matériel
photographique lors des
sorties en zodiacs, ainsi qu'un aide mémoire à l'image du seigneur de l'arctique
Une télé, ici dans un bateau !!! une chaîne montre une carte
du Spitzberg, une autre présente en boucle un documentaire, et celle qui
m’intéressera : une vue de l’avancée du navire, comme si j’étais à la
passerelle, commode lorsque nous évoluions dans les fjords enneigés, donnant
envie de sortir sur les ponts admirer ce paysage.
Parlons un peu de l’Ortelius ! Ce navire, certifié classe de glace 1A, un degré élevé pour la navigation dans les glaces (Longueur : 90,95m, largeur 17,20m, tonnage : 4090 tonnes, vitesse de croisière : 10,5 nœuds*) francophone affrété pour l’occasion par Grands Espaces va être mon compagnon durant 13 jours et ce…. 24/24h. * 1 nœud = 1852 mètres.
Il fut construit en 1989 par les chantiers
navals de Gdansk en Pologne. Il a servi de bateau de recherche pour l’Académie
des Sciences de Russie, et réaménagé pour accueillir 116 passagers et 34
membres d’équipage. C’est un bateau confortable restauré en 2016, disposant de larges ponts extérieurs, de restaurants, d’un bar, d’une
grande salle de conférence d’une infirmerie et d’une bibliothèque où à mon
grand regret, à part quelques exceptions, les ouvrages sont tous en anglais.
Et pourquoi ce nom d’Ortelius ? Abraham Ortelius (1527-1598) est un cartographe et géographe néerlandais qui publia le premier atlas du monde « Theatrum Orbis Terrarum » 20 ans avant la parution de l’atlas du monde de Mercator. Celui-ci édité en 7 langues connût un énorme succès.
Le bateau a été acheté par la compagnie néerlandaise
« Oceanwide Expéditions » en 2011. Son commandant Mr Mika
Appel
est finlandais, les 22 marins sont pour la plupart russes, les 19 personnes
servant à table ou à l’entretien des cabines sont d’origine philippine.
A proximité de la réception, sur un tableau blanc, tous les soirs Elizabeth y inscrit avec des feutres de couleurs différentes le programme du lendemain : petit-déjeuner, conférences, récaps, déjeuner, dîner. Ce programme sera bien souvent remis en cause lors de sorties impromptues, telles par exemple que l’apparition d’un rorqual, d’un ours ou encore pourquoi pas, d’une aurore boréale, repérés dans les jumelles d’un de nos guides.
Les couloirs dotés de barres et les escaliers aux hautes marches sont recouverts de moquette. Un peu partout ont été installées des fontaines à eau, de quoi remplir la gourde, car l’eau du lavabo n’est pas potable.
Dans le bar, il y a
un distributeur automatique gratuit de boissons chaudes ou froides, avec la
possibilité de grignoter quelques petits gâteaux secs. A 16h, tous les
après-midi, une pâtisserie est offerte.
Arrive le moment de recevoir gilet de sauvetage et bottes chaudes, pour ces dernières, il m’avait été conseillé de prendre une pointure supplémentaire, afin de pouvoir mettre plusieurs paires de chaussettes les unes par-dessus les autres. Quant au lourd gilet, il va falloir apprendre à le faire sauter par-dessus ses épaules et à passer entre les jambes la fine lanière.
Je croyais le moment enfin arrivé de se reposer de toutes ces émotions quand retentit la sonnerie stridente, insupportable, de l’abandon du navire, mais si ! ils ont osé……..pas de panique, que faut-il faire déjà ? ah si : les médicaments, se couvrir chaud, enfiler la brassière de sécurité si possible dans le bon sens, et aller sur le pont N° 6, là où sont les deux canots de survie. Ouais…. on n’a pas été très rapide sur ce coup là, mais bon, on sait faire, c’ est déjà ça ! et puis ils ne nous ont pas demandé de nous entasser dans le canot de survie, ça aurait été beaucoup moins drôle !
Sans même un coup de sirène pour dire au-revoir à Longyearbyen, ou tout simplement nous avertir, l’Ortelius a quitté la rade et pris le large, nous quittons l’Isfjord, pour mettre le cap au Nord.
Les repas sont très bons et bien
présentés, vraiment rien à en redire, un grand bravo au cuisinier qui devait composer selon
ses stocks et ce pour 150 personnes :
-
Le
petit déjeuner est sous forme de buffet : pains, tartines, pain de mie
grillé, beurre, gâteaux, confiture, œufs, bacon……. café, thé ou chocolat nous sont
servis à table par le personnel.
- Le déjeuner est en libre-service, tout d’abord une succulente soupe servie à table, puis à peu près toujours la même entrée : tomates, concombres, salade fraîche, olives, noix, amandes… Pour le plat de résistance, un plat différent chaque midi : Goulasch accompagné de pommes de terre bouillies, Canard rôti aux noix avec gratin, Filet de colin, Curry d’agneau à l’indienne avec riz et galette indienne, Longe de veau rôtie, en croute, Filet de hoki frit, Nouilles sautées à l’indonésienne, sauce soja, Filet de poisson blanc poché, Pizzaïola de porc gratinée au fromage, Filet de carrelet au four, à la Parisienne, Longe de porc rôtie, glacée au miel avec purée, Coq au vin, Filet de saumon poché, Carré d’agneaux en croûte aux herbes, filet de perche frit, Veau marengo……….
- En dessert : Assortiment de fromages, panier de fruits, gâteau à l’orange, mousse au chocolat, banana split, gâteau au trois chocolat, crème brûlée, pomme au four farcie au noix et aux fruits secs sur un lit de sauce au whisky, gâteau au caramel et aux noisettes, panna cota à la mangue…….
-
Le
menu des déjeuners et dîners sont présents sur la table, et lors du repas du
midi, nous devons préciser notre choix pour le soir, entre un plat
de viande, un plat de poisson et un menu végétarien. Pour l’entrée le personnel
nous offre à choisir entre deux différentes : Fines tranches de veau sauce
au thon, Salade de cœurs de palmier, Bruschetta aux tomates et aux olives, Salade
nouilles à la Thaïlandaise, Crème de broccolis aux amandes grillées, Quiche aux
poireaux, bacon et oignons, Coktail de tomates au
vinaigre balsamique……..
Par deux fois, nous aurons le soir un barbeçue, sur le pont-piste de l’hélicoptère, avec comme décor de sublimes paysages, au menu : saucisses grillées, travers de porc, steak de bœuf, cuisses de poulet, pommes de terre en robe, épis de maïs grillés, condiments, hamburgers. Deux desserts : un gâteau et une crème présentée dans une verrine complèteront ce repas.
La réception est tenue tour à tour par Sigy et Sava deux hommes charmants qui
s’évertuent à nous dire quelques mots en français. Sigy sera toujours là à tenir la
lourde porte donnant sur la coursive pour nous souhaiter bon retour lorsque
nous revenions de nos balades en zodiac, et aussi sans doute pour s’assurer que
nous arrivions tous à soulever assez haut la jambe pour franchir cet obstacle,
malgré notre pesant harnachement.
Maintenant que je vous ai décris l’Ortelius et sa maintenance dans les moindres détails, je vous invite alors à me suivre dans ce périple, qui s’avèrera, magique !