Glacier de Monaco

           * Vendredi 7 Septembre (suite et fin)  Après le débarquement de ce matin sur les pentes du volcan Sverrefjellet,  l’Ortelius a mis le cap vers le glacier de Monaco.

         
              Celui-ci devenu visible,  Jonathan nous invite à venir sur les ponts admirer cette merveille. La lente approche du bateau nous en donne déjà un aperçu vertigineux, ce glacier présentant un front de glace large de 7 kms, front aujourd’hui séparé par un rocher. Quelques uns d’entres-nous, nous assurent pour l’avoir déjà vu, qu’il s’est très sérieusement reculé, avant… ils ne voyaient pas ce rocher, conséquence du réchauffement climatique ….

-              Le glacier de Monaco , situé au fond du fjord Liededjorden, au Nord-Ouest de l’archipel du Svalbard (point N° 5 carte itinéraire, l’un des plus majestueux du Spitzberg, doit son nom à Albert 1er de Monaco, arrière-arrière grand-père du prince actuel, qui tombé amoureux de ces contrées polaires, fit plusieurs expéditions  et finança nombres travaux à la fin du 19ème siècle.

        Gigantesque front glaciaire, d ‘une profondeur avoisinant les 47 kilomètres. A titre de comparaison : il serait 3 à 4 fois plus grand que notre « mer de glace » Il rejette en permanence de la glace à la mer dans un fracas caractéristique  ces morceaux deviennent alors les icebergs. Cette falaise de glace mesure environ une trentaine de mètres de haut, et probablement une centaine de mètres immergés.

          Il est à peine 16 heures, nous mettons les zodiacs à l’eau pour aller contempler de plus près cette magnificence de la nature. Le ciel est très sombre, un des caractéristiques du Spitzberg, de longs nuages noirs zèbrent le ciel, avec parfois une trouée blanche, presque aveuglante, qui perce ces nuages, wouah… c’est superbe et quel contraste, c’est la clarté électrique des contrées polaires !

          « Oh ,vous avez vu !! nous dit Nicolas, un pan de glace vient de s’effondrer » ce fut là encore trop rapide, tout juste si j’ai pu apercevoir les derniers petits morceaux qui s’écroulaient dans l’eau.

        

          Nicolas et les autres guides, zigzaguent, moteur au ralenti entre les morceaux de glace qui recouvrent la mer, ceux-ci, contrairement aux icebergs sont des morceaux de mer qui ont gelé, et cristallisés quand la température a atteint -1,86°

           « Prenez un morceau et goûtez-le ! »  effectivement il est beaucoup plus salé que ne l’est mon beurre de Bretagne.  « Ecoutez la glace qui craque » ça pétille en permanence, c’est la rencontre entre la glace à 0° et l’eau à 4° qui provoque la libération des bulles d’air qui claquent.

          Nous slalomons ainsi pendant près de 2 heures parmi les bourguignons * toutefois sans jamais s’approcher vraiment de ce glacier, car béats d’admiration devant ce spectacle, on aurait peut-être  tendance à l’oublier : la glace est très belle, mais peut-être aussi très dangereuse.

         En tombant, la glace peut éclater en milliers de petits glaçons éjectés à grande vitesse à des dizaines de mètres alentours, tel fut le cas en août 2012 lorsqu’ un glacier près de Longyearbyen entraîna la chute d’un grand iceberg qui projeta une pluie d’obus glacés à plus de 300m. De plus, la vague déferlante qui résulte de la chute de l’iceberg dans l’eau, peut tout recouvrir sur plusieurs kilomètres.

          Un iceberg est imprévisible, à tout moment, il peut se casser, s’effondrer ou même se retourner. Il est fortement conseillé de se tenir assez loin, dans le cas du glacier de Monaco, au moins à une bonne centaine de mètres. Nos guides, consciencieux, s’en tiennent là.

          Quelques petites informations concernant les icebergs, blancs ou bleus (couleur qui a fasciné une de mes amies, à qui je conseille bien évidemment de lire ces quelques lignes  )

        ·     Leurs formations : La neige déposée sur la terre, avec le temps s'accumule, se tasse, libère l’air et forme de la glace. En altitude, c'est la formation des calottes glaciaires (inlandsis) d’où coulent les glaciers. Sous l’effet du poids et de la gravité, la glace bouge, de quelques centimètres à plusieurs mètres par jour. Ce glacier « actif » parcoure ainsi des kilomètres pour se heurter à l’océan. A ce moment là, la glace en bordure se fragilise, se casse et plonge dans l’eau, c’est ainsi que se forment les icebergs. Quand la glace se fend et tombe, on dit que le glacier vêle.

          ·        Les bourguignons sont de petits icebergs, des morceaux de glace d'environ 2 mètres de diamètre.

           ·        Les icebergs sont constitués de glace pure, qui absorbent la lumière constituée par les couleurs de l’arc en ciel et qui au fil du temps subissent de fortes compressions, compressions qui chassent les bulles d’air piégées dans la glace. Les jeunes icebergs, n’ayant pas subis beaucoup de ces compressions contiennent donc beaucoup de bulles d’air et de surfaces réfléchissantes qui réfléchit la couleur blanche.

          ·         Pour conclure, sans passer par la case ennuyeuse d’un long « Exposé scientifique et physique » plus un iceberg est vieux, plus il est  dense, plus il a subi des compressions, la glace est tellement comprimée, les bulles d’air en ont été chassées,  les couleurs jaune et rouge ont été très rapidement absorbées, puis le blanc, seul le bleu résiste au temps, d’où cette superbe couleur qui a tant intriguée mon amie.

      

      

            Le glacier de Monaco présentant un glacier d’un joli bleu, il y a fort à parier qu’il est vieux de plusieurs millions d’années.

         A cette période de l’année, les oiseaux ont commencé à immigrer vers des contrées plus chaudes, mais nous voyons tout de même, des goélands, des mouettes tridactyles * et nageant au milieu des bourguignons deux phoques barbus.

          ·        Mouette tridactyle : Oiseau de mer de la famille des laridés (mouettes, goélands, sternes…)  qui doit son nom à une particularité : ses pattes sont pourvues seulement de trois doigts bien visibles, au lieu de quatre chez les autres laridés. Sa taille est modeste : entre 36 et 40 cms, son plumage est gris et blanc.

          L’Ortelius remonte maintenant, plus au Nord, vers l’île de Moffen que nous devrions atteindre en début de soirée.

           Le traditionnel récapitulatif nous rassemble, après dîner,  au bar, les guides devant nous faire des mini-conférences sur les observations de la journée. C’est ainsi qu’Anaïd nous parle de la méduse,  qu’accompagnant ceux qui ne mettaient pas pied à terre, elle a pu prendre dans une épuisette : la « crinière de lion » *

          ·        La méduse, crinière de lion vit en pleine mer, près de la surface, elle fait partie du plancton. Elle mesure très souvent une cinquantaine de centimètres de diamètre, mais dans les eaux froides du Nord, elle peut devenir beaucoup plus grande.  Ses tentacules sont très nombreux, plusieurs centaines qui lui donnent un aspect ébouriffé, d’où son nom.

                Après en avoir expliqué les caractéristiques à ses passagers, Anaïd, s’est empressée, bien évidemment, de la remettre à l’eau.

                  C’est maintenant au tour de Fabrice de nous parler de rennes, que nous avons vu dans l’Advental et tout juste aperçus sur les pentes du volcan Sverejfjellet. Sur le sujet il est intarissable, allant jusqu’à nous démontrer que ce ne sont pas des mâles qui tirent le traîneau du Père Noël, nous aurait-on menti ???

          ·        Le renne du Svalbarg, faisant partie des mammifères proches du cerf, est plus petit et plus léger que celui rencontré sur les continents, mais dotée d’une fourrure plus épaisse qui devient blanche en hiver, il possède de larges sabots. Parfaitement adapté au climat arctique, il existe au Svalbard depuis des millénaires. Les femelles ont, tout comme les mâles, des bois, mais ceux des femelles ne tombent pas en hiver, d où cette affirmation que les rennes du Père Noël sont des femelles.

          Le renne, n’étant pratiquement plus chassé n’a pas peur de l’homme, quant aux ours ces derniers les ignorent. Son principal objectif est de se constituer pendant les mois les moins froids des réserves de graisse suffisantes pour traverser les longs mois d’hiver. C’est un ruminant, il avale n’importe quel végétal (mousse, lichen)

          La population de rennes du Svalbard a été presque totalement massacrée par la chasse avant 1920. Depuis leur protection décidée en 1925, leur nombre a crû jusqu'à environ  12 000 têtes.  

          La famine est la cause la plus fréquente de mortalité, dixit le réchauffement climatique. La hausse des températures engendre une diminution de la neige et une pluviométrie en hausse, cette pluie gèle sur la terre froide et empêche les rennes de trouver leur nourriture principale : le lichen qui est enfoui sous une couche de glace. Pauvre bestiole qui a force de chercher sa nourriture parmi les pierres et les graviers s’est usé les dents et ne peut donc plus se nourrir.


           22h. L’île de Moffen est en vue. (Moffen : mot d’argot des baleiniers hollandais signifiant : « Allemand »)  Ile située sur la côte Nord du Spitzberg, à 80° de latitude nord. Cette île plate est d’accès aisé pour les mammifères marins. Il s’y trouve d’ailleurs une grande colonie de morses. Ce lieu, réserve naturelle faisant partie d’un parc national, il est interdit de s’y approcher à moins de 300 mètres, encore moins d’y débarquer avant la mi-septembre.



           Louise prête ses puissantes jumelles, et c’est les uns après les autres, que chacun  tentera tant bien que mal  de distinguer ceux-ci. Un peu déçue, j’aurais bien aimé une meilleure approche, d’autant qu’on n’est qu’à une semaine de ce milieu de Septembre, mais bon !

           En théorie, depuis l’île de Moffen nous aurions dû mettre ce soir le cap, tout à l’Est, vers le Groenland,  mais  Jonathan, qui n’est pas chef d’expédition pour rien ! n’en démord pas, il ne veut pas quitter le Svalbard sans avoir pu nous faire voir un ours. Depuis ce matin, les différents guides scrutaient à la jumelle, mais nenni, aucun ours à l’horizon, la chance ne nous a pas souri jusqu’à présent. Il explique avec de belles envolées que cette croisière n’est pas enfermée dans un itinéraire programmé, que celle-ci est dépendante de la météo, de la carte des glaces, et de la présence fortuite d’animaux.

          De plus, et ça il le sait bien ! au Svalbard l’espèce est protégée, donc on a plus de chances d’en voir qu’au Groenland, où ils sont chassés, et donc fuient l’homme. Donc tout ça pour dire…. qu’il  a pris la décision de prolonger de près d’une journée le séjour au Spitzberg en remontant encore plus au Nord, et loin vers l’Ouest, à plusieurs heures de navigation vers l’île Charles XII, où par expérience, nous aurions de bonnes chances d’en croiser.

         Si j’entends autour de moi murmurer quelques contestations, personnellement ne connaissant ni le Spitzberg, ni le Groenland, je suis ravie de cette décision qui va, je l’espère bien fort ! me permettre d’apercevoir ce « seigneur » de l’Arctique.

          C’est sur cette belle image espérée de l’ours m'attendant sur sa banquise, et tant qu’à faire faisant le beau et donnant la patte  que je sombre dans les bras de Morphée.

          Ile Charles XLL