Traversée Spitzberg  - Groenland

Deuxième journée en mer

                Lundi 10 Septembre.Au réveil nous devons être à peu près au trois quart de la traversée depuis le Spitzberg,  le Groenland, s’annonce et avec lui (point N° 8 carte itinéaire) une baisse sensible des températures. En soulevant le rideau obstruant ma cabine, je m’aperçois que la mer, qui est ce matin recouverte de brume avec une très basse visibilité, est beaucoup plus calme que les  heures précédentes, où ça a tangué un peu… beaucoup !...

          9h15. Fabrice complète la mini-conférence d’hier donnée par Nicolas en nous parlant de manière fort détaillée du morse.

    ·  Le morse est un mammifère marin, de la classe des pinnipèdes tout comme le phoque dont j’ai parlé dans la page précédente. Ils sont estimés à 3000 individus dans l’Arctique. L’espèce n’est pas sur la liste des espèces en danger ou menacées, mais si le réchauffement climatique actuel se confirme, il est fort probable qu'il sera avec l’ours dans les premiers animaux à disparaître.

          Il est reconnaissable à ses défenses, ses moustaches et son allure massive, pèse environ 1200 kilos. Pour se hisser hors de l’eau, il plante ses longues dents dans la glace. Sur la terre ferme, il est maladroit, rampe en tortillant de son corps, sa démarche est une sorte de rouler-bouler. Sous sa peau imperméable très ridée et très épaisse qui le protège de la glace ou des pierres aux arêtes vives, il y a 5 cms de graisse.

        Très sociable, c’est un animal grégaire, qui se rassemble en grands groupes comptant des centaines, voir des milliers d’individus, se collant et se frottant les uns aux autres, appliquant une sorte de thermorégulation sociale. Son odorat est très développé, permettant de repérer à distance un prédateur. Son espérance de vie est d’environ 40 ans.

         Très bon nageur, il peut plonger en apnée jusqu’à 100 mètres de profondeur et ce, pendant 10 à 15 minutes.

        Les vibrisses sont des poils épais et rigides qui entourent les défenses. Celles-ci au nombre de 400 à 700, très sensibles permettent au morse de détecter sa proie sur le fond de la mer boueuse. Il aspire l’eau et rejette le sable.

         Le morse a un régime alimentaire diversifié, se nourrissant de crevettes, crabes, vers, coraux, divers mollusques et petits poissons …… Il adore les bivalves, ces coquillages (palourdes, huitres, moules, pétoncles) qu’il suce et aspire, en mangeant jusqu’à 70 kilos en une seule fois.

         Le mâle va se battre pour féconder une femelle.  La gestation dure 15 mois et il n’y a qu’un seul petit par portée que la femelle allaite durant trois ans.

          Grace à sa taille imposante, le morse n’a que deux prédateurs naturels : l’Orque et l’Ours blanc. Cependant il est chassé, notamment par les Inuit (pluriel de Inuk) qui utilisent la moindre partie du corps de l’animal : la viande qui est stockée pour toute une saison, la graisse qui brulée est une source de lumière ou de chaleur et l’ivoire qui est utilisée pour des sculptures, important atout commercial.

        La chasse au morse a connu son apogée au 18ème et 19ème siècle, époque où l’espèce a failli être détruite. Aujourd’hui protégé, seuls les locaux peuvent le chasser de manière encadrée, difficile cependant de savoir quel est l’impact du braconnage, car 5 kilos d’ivoire par défense, ça peut créer des envies.

         11h. C’est au tour de Maxime de nous parler du Groenland de la découverte de ce gigantesque pays, cette terre énigmatique, si près du Pôle Nord et vouée aux froids intenses.



·         Quoique situé au NE de l’Amérique du Nord, frontalier avec le Canada, entre les latitudes 59° et 83° Nord, il fait partie administrativement du Danemark. Avec une superficie de 2 166 086 km², ce pays est la deuxième plus grande île du monde, plus des trois quarts de son territoire sont couverts par la calotte glaciaire.

     La végétation est constituée de toundra, végétation basse et pauvre composée de mousses et herbes, de bouleaux et saules rampants adaptés aux conditions très rudes, en particulier des vents desséchants.

       Sa population est de 56 000 habitants, pays le moins densément peuplé au monde. La majeure partie de ceux-ci occupent le coté Ouest du Groenland.

 

   ·    L’Islandais Erik le Rouge chassé d’Islande pour meurtre qui, après avoir exploré la terre glacée, et trouvé une zone habitable, s’est installé en 984 avec famille et esclaves. Il nomme cette terre qu’il s’est approprié « Groenland » signifiant « terre verte » dans l’espoir que le nom attirerait des colons, et s’en autoproclame chef.

   ·    En 1607, le grand navigateur et explorateur Hudson en cherchant un passage vers l’Asie arriva près de la cote Est et remonta vers le nord, établissant des cartes au fur et à mesure de sa progression. Puis entre 1614 et 1910, c’est la période des baleiniers puis de 1947 à 1959, la pêche et la chasse au morse.

   ·    En 1925, la ville d’Ittoqoortormiit est fondée à l’Est avec 70 colons inuit.

·    L'été 1934, Paul Emile Victor y dirige la mission ethnographique.

·  En Septembre 1936, le commandant et explorateur français Charcot  pris dans une violente tempête, fait naufrage avec son navire le « Pourquoi Pas ! » Il périt à l’âge de 69 ans. Beaucoup d’institutions portent son nom en hommage : écoles, rues, voilier, aile d’urgence, expositions…

         

            Christian KEMPF, le patron de Grands Espaces y a organisé quelques expéditions scientifiques polaires entre 1982 et 1991.

            Et n’oublions pas Laurence de la Ferrière première femme française qui en 1995 a traversé le Groenland d’Ouest en Est en autonomie totale   

          A l’approche des eaux danoises, l’autorisation d’accéder à la passerelle nous est donnée, pourquoi pas avant ? mystère !  Les consignes sont claires : ne pas monter avec ses bottes, ni son anorak, être discrets, silencieux, pour ne pas perturber les officiers pendant leur travail.

           Je suis admirative, sans bien sûr rien n’y comprendre !  devant les radars, les boussoles… Ils ne sont que deux à manier ce bateau, hum !!! La vue depuis les hauteurs de la passerelle est magnifique, d’autant que l’on commence à naviguer parmi quelques rares plaques de glace.

        


          Après un atelier animé par Jean le photographe, j’assiste un peu intriguée à un exercice d’abandon qui ne concerne, ouf !.. que les membres d’équipage, le personnel hôtelier et Alain, notre docteur. La sirène, angoissante   vous vous souvenez,  7 brèves sonneries, puis une longue !… a alors résonné dans tout le navire, cet exercice aura lieu encore une autre fois au cours de la croisière.

           A 16h. Nicolas présente un documentaire, une sorte de quizz au titre pompeux de « Le monde du silence » Il nous fait écouter quelques secondes d’un son  produit par les mammifères au fond de l’eau, et nous devons donner la réponse parmi les 4 proposées. La bonne ambiance est de règle, car parmi ces réponses nous avons celle proposée par la photo ci-contre. Réponse qui a bien sûr provoqué les fous-rires. Plus sérieusement ! ce monde sous marin que l’on pourrait croire silencieux est en réalité tout autre, les mammifères  au fond de l’eau font entendre leurs voix.

           Puis à 17h, c’est Anaïd qui nous raconte ce que sont « les plastiques à la dérive » impressionnant ! et de quoi faire réfléchir.

          Ce qui m’a surprise, c’est que ce pays, pourtant éloigné des grands centres urbains et industriels, reçoit les polluants aéroportés de tout l’hémisphère Nord, via l’alimentation (produits de la mer) et de métaux toxiques tels que le plomb, le mercure.

           Cette association fondée en 2003, l’AECO (Association des exploitants de croisières dans l’Arctique)  se consacre à la gestion du tourisme responsable, respectueux de l’environnement dans l’Arctique, zone comprenant entres- autres le Svalbard et le Groenland.

          Grands Espaces, Opérateur de croisières d’expédition s’est engagé auprès de l’AECO à réduire drastiquement les plastiques à usage unique. C’est ainsi qu’il nous est arrivé lors de nos sorties de ramasser tel ou tel détritus.

          Les scientifiques ont appelé ce phénomène « le continent de plastique » car il a été relevé la présence d’une quantité particulièrement importante au cœur de l’océan Pacifique Nord sur une zone de près de trois millions et demi de km² (soit 6 fois la taille de la France) Les scientifiques ont démontré qu’en 2050 il y aura plus de plastique que de poissons. Ne sautez pas au plafond !!!.. ce ne sont pas des détritus à perte de vue, la pollution est beaucoup plus insidieuse, car ce sont des tout petits morceaux, soit 10% du produit fini qui est transporté dans les airs, tel par exemple que l’usure des pneus.

        Je vous entends !.. Vous vous demandez comment ces fragments de plastiques ont pu tous arriver dans ces régions ?  Ces déchets en plastique non-biodégradable sont charriés par de grands courants océaniques, qui pour certains tourbillonnent, tourbillons appelés  gyres océaniques. Les déchets se trouvent alors piégés dans ces gyres et s’accumulent au fil du temps. En se dégradant ils produisent du phosphate et du bisphémol A, des polluants toxiques qui se rependent dans toute la chaîne alimentaire. Ingérés par la faune, ces déchets remontent cette chaine alimentaire, et devinez qui est en haut de cette dite chaine ??? hé oui, l’homme !....

        Danger, danger ! les tortues et les dauphins s’étouffent en avalant ces sacs plastiques qu’ils prennent pour des méduses.

        Y a-t-il des solutions ? oui : -         Une dépollution des océans, avec une barrière flottante qui capterait jusqu’à 1m sous l’eau -         L’initiative citoyenne incitant à zéro déchet. Les campagnes d’ONG qui propose de recycler, assurant une qualité.

           Alors que les premiers icebergs tabulaires se détachent de l’horizon, à 18h30 Jonathan nous rassemble pour faire son petit récapitulatif de la journée, il nous parle de cette journée de navigation, mais surtout pourquoi, après avoir consulté les bulletins météo et la carte des glaces, le commandant et lui ont pris la décision de prendre la baie de Dove par le Sud et de la remonter. Une sacrée  trotte supplémentaire, mais il n’y a pas le choix, l’entrée Nord, le passage du Scorbugt, qui nous aurait fait gagner de précieuses heures est obstruée par les glaces.

          A ce moment, la navigation devient plus difficile, les plaques de glace dérivant avec le courant, nous sommes alors à 55 miles de notre destination. Il fait alors - 2° !...

         Il nous explique aussi que dans ces conditions, une sortie en zodiac est proscrite, trop de risques de rester dans les glaces.

        Allez ! un dernier passage par les ponts avant de rejoindre ma cabine, je contemple le mini-disque de soleil qui a profité de son passage entre deux sommets pour se montrer bien paligot. 

        Et c’est sur cette promesse d'images de superbes paysages que je vais me coucher. Mais il ne faut pas que j'oublie, une nouvelle fois de retarder ma montre d'une heure.

      Mais çà ! c'était sans compter sur Marie-Madeleine, qui émoustillée de redécouvrir ce fabuleux panorama, ne veut pas en perdre une miette, me dit de go "Moi je veux assister au lever du soleil sur la baie, je mets mon réveil à 4 heures, j'espère que je ne te réveillerais pas ! " Qu'auriez vous fait ? elle a piqué ma curiosité, et n'écoutant alors que ses conseils avisés, je fais de même, un peu plus tard tout de même !

         Bonne nuit  à demain !

           Baie de Dove