La Baie de Dove

 

       Mercredi 12 Septembre. 5h45. Driinggg  allez hop les moussaillons debout ! Dans moins d’une heure je dois être fin prête à descendre dans les zodiacs pour une promenade en baie de Dove (Point N° 10 carte itinéraire) qui demandera pas loin de 6 heures.

         Vu la durée de la balade et l’indisponibilité de toilettes dans la nature, Elizabeth demande à chacun de « prendre ses précautions »  recommandation facile à suivre mais et l’imprévu, qu’en fais tu !…. six heures tout de même !

           Ce matin, c’est un régal, la température est clémente : 5 ° il n’y a pas vent et le soleil a l’air de vouloir se montrer. Debout bien avant lui, je me régale et immortalise ce paysage depuis le pont à tout va, les reflets  dans la mer sont timides, mais néanmoins jolis, puis prémices d’un lever digne de sa réputation, voici maintenant une jolie peinture aux tons pastel, tout est rosé : ciel, icebergs, mer.

    

         
             Après un petit déjeuner pris sur le pouce dans le bar, me voici prête à explorer cette baie qu’on m’a décrite comme étant superbe. Méfiante, je me suis couverte comme pas possible,  deux caleçons thermolactyl sont enfilés l’un sur l’autre, j’ai mis trois grosses paires de  chaussettes, habillée ainsi ça devrait le faire ! 

          La baie de Dove se trouve à la latitude 76° au Nord-Est du Groenland. Un lieu mythique qui a vu plusieurs expéditions arctiques échouer dans ses fjords noyés dans les brumes hivernales.

          L'Ortelius, hier nous a menés, de main de maître, au fond de celle-ci (N° 12) annotation faite par le Staff). Et c’est parti ! nous naviguons d’abord dans un paysage sombre, on a été plus rapide que le soleil !




     


        

      Puis voici les premiers rayons qui en effleurant les icebergs les illuminent, font scintiller les plaques de glace lorsqu’elles sont  en contre-jour.

       Ces paysages sont là encore superbes, je ne le dirais jamais assez !

 

 



    


          Il ne s’est pas passé une demi-heure qu’on entend la radio du guide crépiter, c’est incroyable ! quelqu’un a vu des ours au loin sur la glace. Nous nous approchons au mieux de la banquise, mais les zodiacs ne se risquent pas à quitter les eaux libres, et devant nous les plaques blanches épaisses nous paraissent infranchissables, aussi  là encore il faut scruter à l’aide de jumelles ou de téléobjectifs pour les apercevoir. Nos guides se relayant les informations nous indiquent en prenant la forme d’un iceberg comme repère, où regarder. Dommage qu’ils soient si loin, mais munie des indications, j’arrive néanmoins à les distinguer, même à l’œil nu.

        Ils sont difficiles à prendre en photo, je n’ai pas le zoom nécessaire. Quand enfin j’arrive à en apercevoir un sur la gauche, une seconde plus tard, je ne l’ai plus en visu, car le zodiac n’est pas un espace stable, même moteur stoppé il n’arrête pas de danser sur les vagues, c’est peut-être même là qu’il bouge le plus.

          Le spectacle est tout de même unique, deux mamans ourses bien dodues, une accompagnée de deux oursons, l’autre avec un seul, qui vont à la rencontre l’une de l’autre. Etant loin d’eux, le bateau hors de leur portée, ils n’ont pas l’air d’être dérangés par notre présence et déambulent ainsi pendant plus de 30 minutes dans un décor d’icebergs et de banquise, jusqu’à finir par disparaître derrière un de ceux-ci.

         Je les aie mes ours au milieu de la banquise, même si j’eusse préféré les voir de plus près !.... Merci à Suzanne la Québécoise pour m’avoir offert ces superbes photos de ces cinq ours et autorisé à vous les montrer.

         Spectacle incroyable et statiquement rarissime : cinq ours au même endroit au Groenland, même les guides les plus confirmés en sont béats. A croire que c’est nous passagers qui leur portons chance ! ne manquerait plus qu’une aurore boréale pour que je crois à ma bonne étoile !  aurore pas spécialement attendue vu qu’on n’est qu’à la mi-Septembre et qu’il faut descendre vers l’Islande pour avoir une chance d’en apercevoir, mais l’espoir fait vivre, pas vrai !

    

        « Repus d’images et de sensations, nous quittons les ours  » …. Mot pour mot c’est la phrase qu’Elisabeth a noté dans son compte-rendu… moi je n’en suis pas repue, je serais bien restée là à les regarder pendant encore au moins une  heure, patiemment j’aurais attendu qu’ils reparaissent de derrière l’iceberg, mais pas de regret, je n’aurais plus eu cette rencontre, puisque maintenant ils se tournent le dos ! …           

       Nous les quittons toutefois pour continuer notre exploration d’icebergs. Plusieurs glaciers issus de la calotte du Groenland prennent leurs aises dans la baie de Dove, et c’est ça qui la rend extraordinaire. Ici, contrairement au Svalbard, les fronts glaciers sont plats et immenses, d’où la présence de grands icebergs tabulaires qui peuvent mesurer plusieurs centaines de mètres et peser des milliers de tonnes. C’est ce même paysage qu’ont découvert les premiers explorateurs, il y a déjà plus de deux siècles.

         Nouvel appel radio  cette fois ce sont deux renards arctiques qui ont été aperçus, l’un  au pelage déjà blanc gambade sur les rochers de gneiss, à notre approche il ne fait pas le show comme l’ours de Charles XII, car il détale à toute vitesse. Un peu plus loin un autre, un renard bleu. Là encore ! je n’ai pas réussi à les voir… faut dire aussi que même à seulement huit dans un zodiac, encapuchonnés comme nous sommes, nous nous gênons forcément mutuellement, faudrait être debout dans le zodiac, comme le photographe, pour arriver à immortaliser cette faune si vive, merci à Dominique qui lui a réussi, merci pour cette photo.

         C’est maintenant le moment de mettre pied à terre, l'équipe a choisi le petit ilôt noté 13 sur leur plan (voir haut de page) c'est une plage de sable constellée de glaçons échoués, dont certains sont assez gros. Les trois marches de différentes difficultés sont organisées,  je rejoins les guides de la moyenne, et grimpe à l’assaut de la toundra. Louise, la spécialiste des fleurs, s’accroupissant bien souvent, a à cœur de nous montrer les différentes plantes.

     

         Puis c’est le retour au bateau, Maxime l’un des plus jeunes guides mène le zodiac à pleins gaz pendant les 20 minutes nécessaires. J’avoue ne pas être trop rassurée pendant ce trajet qui me paraît bien long, aussi je pousse un ouf de soulagement quand l’Ortelius apparaît dans mon champ de vision. 

        Déjeuner sous forme de brunch, même repas que d’habitude mais servi au fur et à mesure de l’arrivée des zodiacs, au moins 90 minutes entre les premiers et les derniers. Le principal c’est de ne pas oublier des passagers dehors !... il est arrivé qu’Elizabeth doive faire une annonce en appelant telle ou telle personne, qui avait dû probablement oublier de scanner son badge au retour.

        Marie-Madeleine n’a de cesse de me répéter que pour une première croisière j’ai une chance inouïe : avoir pu faire cette balade dans la baie de Dove, qui plus est sous le soleil et en prime avoir vu des ours, j’en ai bien conscience et remercie le ciel. Mais cette baie était dans le programme, et si elle avait été inaccessible, ça aurait été une grande déception.

       Nous faisons demi-tour et redescendons cette baie, je me prépare à revivre le merveilleux moment d’hier, mais comme quoi, tout change en Arctique, car la banquise aperçue la veille a disparu poussée par les vents. L’Ortelius peut accélérer et c’est à près de 12 nœuds qu’il file vers Eskimonaes, au sud de l’ile Clavering.

 

        A 17h30. Récap de la journée, ça risque d’être long, compte tenu de toutes les belles choses vues aujourd’hui.  Jonathan montre une vidéo de Dominique, un des passagers, vidéo réalisée sur les cinq ours, magnifique, bravo ! un bien bel aperçu du film à venir. Jonathan précise que l’ourson seul devait avoir dans les 18 mois, quand aux deux jeunes, probablement 6 mois. En regardant bien la vidéo, on s’aperçoit qu’un des petits, sans doute stressé de rencontrer l’autre maman ourse s’est planqué derrière elle, un comportement normal, banal mais touchant.

 

        Puis Manon parle du renard polaire, appelé aussi renard bleu, abondant au Groenland et aperçu ce matin.

         Sa fourrure, blanche en hiver, est très dense, il vit dans la toundra boréale, se nourrit d’oiseaux, d’œufs, de lemmings, ces petits rongeurs (mulots, muridés, rats, souris) de l’arctique qu’il repère grâce à son odorat. Il suit les loups et les ours pour s’approvisionner aussi sur les carcasses de phoques et de rennes. D’une espérance de vie de  moins de 10 ans il met au monde pas moins de 7 à 10 petits à la fois. Ses prédateurs sont l’homme car chassé pour sa fourrure, le loup et les oiseaux de proie.

 

      C’est au tour d’Elodie de nous parler géologie.

          Le coté NE du Groenland datant de 250 millions d’années est plus jeune… que le reste du pays, constitué principalement de gneiss, une roche métamorphique, >roche issue de la transformation de roches sédimentaires sous l’effet de la température et de pressions élevées. On peut y voir des plissements, des roches striées, car le granit a été enfoui puis est réapparu. Sur la roche, des blocs erratiques, gros rochers dont le  composant est différent du socle sur lequel ils ont été déposés probablement lors de la fonte d’un glacier.


         Au bar où les conférences ont lieu, les banquettes sont disposées dans tous les sens, avec à notre disposition au moins 7 écrans sur lesquels nos guides montrent les photos, cartes et tous les renseignements servant de support à leur démonstration.

        Louise parle de botanique. J’admets que j’ai été surprise de voir dans ces latitudes, sur ce sol gelé, des fleurs et des plantes.  Celles-ci profitent de cette couche d’un mètre qui se dégèle l’été (le mollisol) pour s’épanouir. Le sol que j’ai foulé est recouvert de lichen, avec de temps à autre une touffe de linaigrette (l’herbe à coton) ou des saules arctiques

         Fabrice parle maintenant des icebergs tabulaires. Ceux-ci de forme plate ont en général une longueur supérieure à 5 fois leur hauteur. Ils se sont décrochés en pan entier du glacier, et c’est sous l’action du vent et des vagues qu’ils ont pris cette forme originale. Ils sont  peu crevassés.

         Sa conférence est quelque peu troublée par la présence d’un hélicoptère de l’armée danoise qui en nous survolant vient nous surveiller et veut peut-être savoir ce qu’on fait là ! Un tour à bâbord, un tour à tribord, un petit coucou et puis s’en va.

 

   

 

         Content de lui, Jonathan précise que de tout l’été 7 navires ont tenté sans succès de s’aventurer dans cette baie, cette croisière de Septembre avec l’Ortelius est là seule à avoir pu remonter aussi profondément dans la baie. Quand je vous disais que nous (je) portions chance à l’expédition !  Un succès dû à la météo clémente mais aussi à l’expérience du capitaine Mika Appel qui navigue dans ces latitudes arctiques depuis des années, c’est certain qu’est-ce que ma chance vient faire là-dedans, n’empêche que !!!

          Le dîner est à peine fini que je suis conviée à visionner un film à la "Chapelle " "Nanook l'esquimau" Ce film sorti en 1922 montre la difficile vie d'une famille inuit, de Nanouk qui doit quotidiennent rechercher de la nourriture pour sa famille, des hivers passés dans son igloo.

         Cet intéressant film a participé à faire connaître au monde entier ce peuple dont beaucoup ignoraient l'existence.

         Je n'en verrais pas la fin ce soir ! car à 20h20 résonne alors la voie de Jonathan, un superbe spectacle s’annonce, un coucher de soleil majestueux, Mais s'il appelle  à venir sur les ponts,c'est que cerise sur le ponpon ! l’Ortelius va a la rencontre d’une barre blanche, c’est une banquise assez épaisse qui s’est accumulée à cet endroit. Le capitaine très prudent traverse ce tapis d’une longueur d’environ 1 mile nautique, à vitesse très réduite. C’est en franchissant cet univers de glace et de neige que je remarque des empreintes d’ours sur celle-ci.

         Quel spectacle nous est alors offert ! un coucher de soleil sur la banquise, c’est au-delà de mes espérances. Quant au film inachevé, il sera rediffusé quelques soirs plus tard.



       

           Celui-ci couché, c’est maintenant une longue barre rosée qui couvre tout l’horizon et colore la glace, c’est magistral, un réel moment de bonheur intense, d’autant que Jonathan nous prévient, ça sera la dernière fois que nous avons la possibilité de rencontrer la banquise « Alors profitez-en ! »

    

       Jonathan ne voulant sans doute pas garder cette info pour lui, rompant la magie de l’instant, la diffuse, mais pourquoi l’avoir donné  dès ce soir ! maintenant il va nous  falloir la « digérer ».

       Hé oui ! on apprend à l’instant qu’à Ittoqqortoomit, 700 kms plus au Sud, une de nos escales prévues, l’aéroport est fermé depuis deux jours pour cause de tempête, qu'on ne pourra peut-être pas y débarquer comme c'était prévu, mais surtout qu’il y a un fort risque de GROS TEMPS lors de notre traversée, d’ici quelques jours, du Groenland en Islande. Il va falloir anticiper, gagner du temps car la traversée risque d’être plus longue, une demi-journée de plus !  Hé be !....

      Voilà ! qu’y faire ! faire confiance à l’Ortelius et à son capitaine et faire une petite prière. Mon capitaine à moi me rassure du mieux qu’elle peut, et je suppose qu’elle ne doit plus être à une tempête près, aussi à son contact, je m’apaise……un peu !

      Bonne nuit  et à demain !

 

           Esquimonaes