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Vendredi 21
Janvier
8 heures. Départ matinal de l’hôtel Paradise de Nyaung Shwe.
Cette petite ville dont le nom signifie « banian d’or » située au nord du lac est reliée à celui-ci par un chenal d’environ 4 kms.
C’est à pied que nous parcourons les 1500 m environ qui nous relie au port, ce qui nous permettra de découvrir et d’apprécier la vie matinale des habitants de cette bourgade, telle cette maman qui affectueusement donne un dernier coup de peigne avant le départ pour l’école, ces souriantes nonnes, encore que des gamines ! .. ou encore au marché, ces paysannes assises sur le sol vendant leurs jolies fleurs, les conducteurs de rickshaws…. Nyaung Shwe regorge également de stûpas et temples si l’on en croit ce que nous apercevons dépassant murs et clotûres..
L’arrivée à
l’embarcadère nous laisse sans voix, c’est un enchantement ! nous
découvrons un chenal aux eaux rougeoyantes, sur lequel plane une petite brume
matinale. La journée promet d’être très intéressante et probablement riche en
émotions.
Si Naung Shwe est très paisible, l’embarcadère lui est plus animé avec un imbroglio de pirogues, pirogues qui sont le moyen de transport utilisé sur le lac, qu’elles soient traditionnelles ou à mateur.
Nous prenons place dans l’une d’elles, contrairement à celles que les locaux utilisent en s’asseyant à même le fond, celles pour touristes sont sommairement aménagées avec cinq fauteuils simplement posés les uns derrière les autres, permettant d’admirer aisément le lac, ses villages et ses habitants.
Couverture, gilet de sauvetage, et même le parapluie sont à votre disposition.
Le matin à cette saison,
la température sur le lac peut être fraîche, vaut mieux prévoir un pull et
surtout un bon coupe-vent.
Le lac Inlé, (point N° 13 carte itinéraire) la perle du plateau shan, est un lac d’eau douce situé dans les montagnes de l’Etat Shan. Il s’étend sur 22 km de long et 11 de large, son altitude est de 884 m, il est peu profond : 2,10 m à la saison sèche et 4 m à la saison des pluies, parsemé d’îles, d’îlots de temples et de monastères, il est une destination touristique majeure du pays.
Quatre villes ont été construites sur ses rives, mais de nombreux petits villages ont été bâtis ça et là sur le lac lui-même, les maisons sur pilotis sont faites de bois et bambou tressés. Cette région s’enorgueillit de se nommer « la Venise de l’Orient » Les 800 000 habitants sont principalement pêcheurs, fermiers ou artisans, ils font partie du groupe ethnique des Shan.
L’origine
des villages lacustres. Les Intha (les fils du lac) seraient les descendants des
habitants de Tavoy, carrefour de routes commerciales de la péninsule
indochinoise convoité au 12ème siècle par le roi Alaungsithu. Ce
dernier les punit de leur résistance en les asservissant dans quatre villages
autour du lac. Ceux-ci bâtirent des zedis et monastères sur les rives, mais assez
rapidement, les berges du lac ne leur suffirent plus et ils se mirent à
construire des habitations sur l’eau. Aujourd’hui on dénombre une vingtaine de
villages sur le lac lui-même.
La
balade sur le lac est soumise à un droit d’accès, avec l’obligation d’être
rentrés avant la nuit. Essentiellement réservée à la pratique de la pêche la
partie Nord du lac n’est pas habitée.
Rapidement nous rencontrons ces pêcheurs Inthas qui guettent le poisson à l’aide de nasses ou de simples filets. Leur façon de pêcher est très particulière, et unique au monde !!!.. en équilibre debout à l’arrière de leur embarcation, ils enroulent leur jambe autour d’une gaffe, puis d’un mouvement gracieux, entraînant tout le corps, la pousse pour faire avancer leur esquif. Cette manière ancestrale leur permet de progresser dans les canaux très étroits sans s’empêtrer dans la végétation, de distinguer le fond du lac et d’avoir une main de libre. Ils enfoncent lentement la nasse sous l’eau transparente à l’endroit où ils ont repéré le poisson, qui est ensuite harponné depuis le sommet émergé du cône. Le poisson le plus abondant dans le lac est la carpe qui est une des bases de l’alimentation.
Le
premier arrêt sera pour la pagode Phaung Daw Oo, au SO du lac, dommage qu’elle
se dévoile à contre-jour !
La Pagode Phaung Daw Oo : Village de Thar Lay.
Elle date du Xllème siècle et est la plus vénérée du lac, construite sur
pilotis et très agrandie au fil du temps, elle présente aujourd’hui un aspect
assez moderne avec ses toits étagés.
A
l’intérieur le grand autel central abrite les statues (12ème siècle)
de trois petits bouddhas et deux moines, statues rendues difformes par les
couches d’or successives apposées par les dévots, on dirait des grosses
calebasses, mais statues sacrées ! là encore : « Ladies are
prohibited » Merci Gérard pour le gros plan de ces
semblants de bouddhas sacrés.
A proximité de grands hangars abritent la barge royale qui représente le Karaweik (l’oiseau doré de la mythologie birmane)
En Octobre, pendant 18 jours, a lieu le grand festival de la
pagode, des dizaines de barques décorées venues des quatre coins du lac
forment une longue procession précédant la barge royale, ce bateau sacré gardé
par des sages et des prêtres abrite sous un baldaquin quatre des statues de la
pagode. La barge se promène sur le lac, les statues visitent les monastères
des villages et sont honorés par les moines. Dans ces barques décorées, ont
pris place des dizaines de jeunes garçons Inthas, tous vêtus du costume
traditionnel, ils se tiennent debout à l’abri d’ombrelles bouddhiques et
actionnent les rames, avec une seule jambe comme les pêcheurs, à un rythme cadencé
et rapide.
La visite terminée nous nous réinstallons dans notre confortable pirogue, le lac commence à s’animer, nous croisons de longues barques effilées transportant des passagers ou chargées de provisions, longeons quelques villages.
Les mouettes
tournent au-dessus de nos têtes en quête d’un morceau
de nourriture.
Les habitants fabriquent de nombreux produits traditionnels, dont ils font commerce : cigares, tissages de soie, pirogues en teck, ombrelles, outils de ferronnerie… ces multiples talents ont fait de cette ethnie l’une des plus riches du pays. Ces divers ateliers font probablement partie du circuit touristique classique et incontournable !...
Voici
un atelier, une fabrique de cheerots, petits cigares verts, roulés à la main. Cette petite industrie
apporte un revenu régulier à une poignée de femmes. Ces cigares shan, à bouts
coupés aux ciseaux, de longueurs différentes sont un pur produit du lac, le
filtre est en papier maïs, le tabac y est mélangé avec des herbes, selon le
mélange le goût peut en être légèrement différent, ces cigares sont assez
légers. Chaque jeune femme assise en position de lotus peut en rouler jusqu’à 1000
par jour.
Au fond de la pièce, une étagère avec présentation de divers objets touristiques : objets laqués de qualité, ombrelles, bijoux, cigares …. un vase peint d’un motif à l’or fin me tente, son coût : 15 dollars, mais je devrais le faire rentrer dans les valises….
Quelques maisons plus
loin, au village
de Hsai Gaung, voici l’atelier familial des forgerons.
On y trouve des bijoux, pincettes, couteaux, hachoirs, statuettes, outils de ferme, gongs, la réputation de ces forgerons est célèbre partout dans le pays. Le fer est récupéré sur les carcasses des automobiles. Ce travail de force dans des conditions archaïques, tout, comme d’ailleurs presque partout au Myanmar, se fait à l’aide d’outils manuels.
Une femme, la grand-mère ?.. se tient accroupie en hauteur, elle tient deux tiges de bambou reliées à des soufflets, et d’un mouvement répétitif donne de la vigueur au feu qui peut atteindre les 800 °. Pas de machine-outil, rien que du travail manuel exténuant !...
Un artisan positionne le futur objet à façonner dans la braise. Les lames de sabre qui servent pour les travaux des champs sont façonnés par trois, voir quatre personnes en même temps qui donnent des coups de massue sur l’enclume, quant on voit la taille des masses, on ne peut être qu’admiratifs devant cette énergie, cette habilité, et surtout cette dextérité.
Nous
arrivons maintenant à un atelier de tissage de soie.
Ces maisons construites sur pilotis abritent une filature de tissus de soie, de coton mais aussi de fils de lotus. Ces fils servent à confectionner des écharpes, des châles, mais aussi des robes pour les statues de Bouddha… nous y retrouvons les vieux métiers à tisser en bois sur lesquels s’affairent de jeunes femmes, les fileuses et leurs roues de vélos. Dans un coin, bien isolée !... une jeune femme brode au point de croix le fameux sac shan, spécialité du lac.
Extraire la fibre du lotus est une occupation confiée aux femmes plus âgées, celles-ci trempent les tiges de lotus dans l’eau pour les assouplir, puis en coupent une dizaine de cms sur une planche mouillée, ces deux opérations effectuées, elles en tirent doucement les fils qui se trouvent à l’intérieur, ceux-ci sont ensuite embobinés, préparés pour le tissage.
Déjeuner au restaurant Golden Kite implanté au milieu du lac sur le village de Nan Pan.
De l’intérieur, nous assistons au va et vient incessant des pirogues chargées de primeurs ou autres diverses marchandises, les femmes qui reviennent du marché, les paysans qui poussent une bande de terre vers leurs maisons, les pirogues remplies d’algues pour fertiliser les terrains.
Les femmes ont une façon plus traditionnelle de ramer, des deux mains et assises les jambes croisées, à l’avant du bateau.
Voici maintenant une
zone moins habitée, plus sauvage, ce sont les jardins flottants.
Les jardins flottants : les débris végétaux
et de sédiments ont produit des masses dérivantes d’humus qui se sont
amalgamées sur environ un mètre d’épaisseur.
Les paysans achètent et découpent des bandes qu’ils remorquent jusqu’à leur maison pour les cultiver. Ces jardins ancrés au fond du lac par des piquets de bambou de 6 m de haut, montent et descendent avec le niveau de l’eau, recouverts ensuite d’argile, de boue et d’algues, le terrain est extrêmement fertile.
On y travaille en famille, ils y font pousser une multitude de légumes (choux, concombres, haricots, petits pois, piments, aubergines, beaucoup de tomates, la tomate du lac est célèbre dans tout le pays) de fruits (poires, oranges) de fleurs….
Le monastère Nga Phe. Ce monastère construit en
1843 sur ordre du prince Sawbwa of Nyaung Shwe Sir Saw Maung est surtout
connu des touristes sous le nom du monastère des « chats sauteurs »
Il est dit que le fondateur de ce moine recueillit quelques chats errants et
s’amusa à les dresser, les moines successifs en ont fait de même, depuis cette
habitude perdure.
En principe c’est un moine qui devrait en faire la démonstration, mais aujourd’hui ils sont invisibles, peut-être dorment-ils ? une femme nous fera voir ces chats bien nonchalants qui pour 2 croquettes sortent de leur léthargie le temps de sauter à travers un cerceau.
Hormis cette démonstration fort touristique et sans nul doute rentable si vous donnez le petit billet, le monastère est de grande valeur.
Construit sur pilotis, entouré d’un grand jardin, il est le plus ancien du lac. 654 poteaux de teck, dont 200 peints couleur or supportent l’édifice depuis plus de 150 ans.
Au centre, sur des trônes de bois et mosaïques richement décorés, 70 statues de bouddhas, offerts par les habitants du lac afin de voir se réaliser leurs souhaits de bonheur.
Au fond de
la salle, un couloir de boutiques de souvenirs, splendides tee-shirts
représentant les pêcheurs sur le lac, mais la taille s’arrête au 42/44 je crois qu’il
va falloir faire comme les moines, ne manger qu’un seul repas de riz à
midi !
Moteur au ralenti, notre pirogue avance tranquillement dans les rues… d’un village, chacun a son entrée, représentée soit une passerelle, soit par quelques piquets de bambous, les habitants nous regardent passer le sourire aux lèvres.
Les maisons avec leur toit en feuilles de palmier, les murs en paille tressée, leurs nombreux escaliers de bambou, paraissent assez importantes, plusieurs familles y vivent peut-être, cependant certaines sont dans un piteux état, les cloisons de bambou bien abîmées.
Quelques unes ont une petite annexe « la cabane au fond du jardin » aurait chanté Cabrel, c’est un cabanon qui sert de toilettes.
Le lac est leur quotidien, un espace supplémentaire, une femme y lave son linge, un homme les dents… Chaque famille a sa pirogue, sa barque, son jardin.
15h30. C’est
la fin de la journée de l’écolier, impressionnant de voir tous ces petits
bouts de choux, habillés d’un longwy vert, revenir de l’école construite sur un
petit coin de terre ferme et manier ce bateau à fond plat avec une telle
aisance. Ils sont
entre trois à cinq par pirogues, il y en a partout, on les double à droite, à
gauche, ils nous gratifient d’un salut de la main. « Mingala Ba »
Nous arrivons au village
de Nam Pam, réputé pour sa fabrique de pirogues, une traditionnelle de 10 mètres
demande un mois de travail à
cinq ouvriers.
Une fois la structure terminée, elle est recouverte d’une résine noire résistante à l’eau, elle sera vendue aux alentours de 2000 € et devrait, si elle est bien entretenue, durer 30 ans. Le teck utilisé provient des forêts de l’Eta Kaya.
Voici
une superbe maison de bois, c’est un petit élevage de chats birmans, une trentaine de chats
vivent dans cet univers doré, ils sont superbes, dans un coin une maman et ses
petits.
Notre
journée sur le lac est terminée, ce fut superbe, certes les ateliers étaient
peut-être touristiques et prévus !..., mais ils nous ont toutefois permis
de voir et apprécier les diverses activités de ces habitants, ce fût un plaisir
par nos achats de faire marcher l’économie locale, les Inthas sont de grands
travailleurs, dans ces conditions il est normal que les touristes viennent admirer
ce remarquable peuple des eaux.
Début 2011, l’endroit n’est pas encore marqué par le tourisme de masse. Souhaitons qu’il continue encore longtemps sa vocation initiale : la pêche … car le lac souffre de l’augmentation de sa population.
La
déforestation des collines environnantes pour le bois de chauffage,
l’augmentation de l’agriculture ont accru l’apport de vase et de nutriments qui
comblent le lac, l’augmentation des jardins flottants diminuent sa surface. La
jacinthe d’eau pose aussi un problème majeur, elle obstrue les canaux et couvre
de larges surfaces, privant les plantes et les animaux de la lumière du soleil.
Le soleil se couche
déjà aussi nous devons retourner rapidement à l’embarcadère. Les eaux
rougeoient, au loin on distingue les derniers pêcheurs, les femmes sont
rentrées, demain sera un autre jour.
Au port de Nyaung Shwe, pour rejoindre l’hôtel nous prenons place dans un trishaw, 1000 kyats pour une personne, 1500 pour deux. Vu la corpulence de mon homme, il aurait été préférable de faire travailler deux personnes, mais Mi-Mi insiste, « Non non pas de problème, vous montez tous les deux sur le même ! »
Le
trishaw (ou pousse-pousse) est un peu différent de ceux que nous avons pu voir
en Inde par exemple. Au Myanmar c’est une bicyclette à trois roues, une sorte
de side-car ou peuvent s’asseoir deux passagers dos à dos, il peut aussi
arriver qu’un troisième passager s’installe sur le siège arrière du support, mais
cet endroit est plutôt réservé pour d’éventuels bagages. De cette façon le
passager n’est pas derrière le conducteur mais à sa hauteur et peut ainsi faire
la conversation, les sièges sont petits et compacts, ce qui fait que le trishaw
est facile à piloter, passe partout dans les petites rues et les ruelles,
principalement dans les villes, mais ces sièges si peu larges conviennent
plutôt pour des tailles « mannequin »… on en est toujours à penser
« régime ! »
En début de journée, ces conducteurs de trishaw bénissent le guidon de leur vélo ! mais pourquoi donc ? c’est une prière à Bouddha, ils lui implorent du travail pour la journée à venir. L’argent versé va directement au conducteur, travail vital pour eux pour faire vivre leur famille. Il ne lui faudra que quelques minutes pour nous amener à l’hôtel, il n’aura pas trop peiné, la route étant plate, dommage que la barrière linguistique nous empêchera d’échanger ne serait-ce que quelques mots.
Dîner à l’hôtel, suivi d’un spectacle de danses shan, sur la terrasse dans les jardins de l’hôtel.
Une jeune fille explique en anglais les différents tableaux : la présentation du drapeau, celui-ci symbolise les caractères du peuple Shan, le jaune pour le bouddhisme, le vert pour l’agriculture, le rouge : le sang du peuple, le cercle blanc : la pureté de la lune. Des couples effectuent de jolies danses, un garçon joue avec des torches enflammées, et enfin, un splendide dragon tout de plumes rouges qui fait le pitre et finira par quémander quelques billets aux spectateurs.
Demain nous prendrons l’avion qui nous ramènera à Yangon, pour une découverte approfondie de cette ville.
Il devrait faire beau nous dit Mi-Mi, aussi ça sera sous le soleil que nous retournerons admirer la pagode de Shwedagon qui nous avait accueilli il y a de cela dix jours sous une pluie torrentielle.
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